Gaston Frésia

article paru dans le Bulletin n°22, janvier 2003

Gaston Frésia

 

 

Notre ami et adhérent Gaston Frésia, des Mées (Alpes-de-Haute-Provence), vient de décéder, au terme d’une douloureuse maladie.

 

Au nom de l’Association, j’adresse à sa famille toute notre amicale sympathie et le témoignage de notre profonde tristesse.

 

J’avais fait la connaissance de Gaston Frésia lors de la première initiative saluant l’insurrection bas-alpine de 1851, organisée par Colette Chauvin en décembre 1991 à Château-Arnoux, initiative à l’occasion de laquelle Gaston avait témoigné de la passion avec laquelle il saluait cette résistance. Il fut un des fondateurs de notre Association.

 

On lira ci-dessous quelques lignes qu’il nous avait confiées alors, ainsi qu’à Claude Barsotti, avec lequel il avait animé, dans cette langue d’Oc qui lui tenait tant à cœur, l’émission “ Vaquí ” consacrée à la ville des Mées et à la mémoire de la victoire des insurgés sur l’armée du coup d’État.

 

Instituteur, résistant, militant communiste, longtemps élu local, Gaston Frésia a vécu en prise de responsabilité avec son siècle, y compris dans les moments les plus difficiles. Sa conviction n’était pas celle de l’engagement sectaire et aveugle, encore moins de l’opportunisme et du goût du petit pouvoir. Simplement celle d’un homme persuadé que notre courte vie ne peut vraiment prendre tout son sens que dans l’engagement collectif au service du progrès de l’Humanité.

 

René MERLE

 

Plaque commémorative aux Mées (photo Jean-Marie Guillon)

Rencontré trop rarement grâce à nos échanges sur 1851, il m’appela pourtant “ Petite ”.

 

Et pour moi, de ce “ Petite ”, naquit l’immense orgueil de la reconnaissance de la filiation : même métier, mêmes combats, même désir d’indépendance pour tous, de liberté, de justice.

 

Je lui dis très humblement merci, merci d’avoir été si humain.

 

Colette CHAUVIN

 

 

 

Souvenirs…

 

 

Les Méens de l’époque furent peu nombreux aux côtés des Insurgés. Voici quelques noms retrouvés dans les archives : Francoul – Arnoux – Ricoux – Icard (propriétaires), Denoize (notaire) – Itard (docteur en médecine, déporté en Algérie), Joseph Grégoire (déporté en Algérie) – Esmiol – Constantin (de Dabisse), le propriétaire du Café de l’Univers (dont l’établissement fut fermé : c’était le siège des Républicains).

 

Il y avait depuis les années 1849-50, aux Mées, un maire particulièrement anti-républicain : Barlatier (lequel avait un ancêtre, marchand, affameur de grains en 1791). Bon sang ne peut mentir. Il s’illustra notamment par sa dureté concernant l’hébergement en février-mars 1852, d’un groupe d’insurgés arrêtés et acheminés vers Marseille. Plusieurs moururent aux Mées (sans qu’on ait pu en retrouver trace dans les registres d’état-civil. Étrange !). Barlatier fut blâmé par le préfet de l’époque (j’ai eu connaissance de la lettre) pour son manque d’humanité.

 

Mon arrière grand-père Chabrier, qui avait accompagné Ailhaud dans la montagne de Lure, se cacha jusqu’en 1858 (date de l’amnistie) dans la vallée de Jabron (Lange). Mon arrière grand-mère, victime de toutes sortes de tracasseries et d’amendes, eut sa maison vendue à des “collabos” (à bas prix) et dut se réfugier, avec ses trois filles (9 – 7 – 4 ans), dont ma grand-mère, dans une masure appelée “Les Buissières”. Mes parents l’ont vendue en 1922.

 

Ma grand-mère fut placée chez des fermiers à Lurs où elle souffrit jusque de la faim, étant obligée, avec une autre fillette, de voler les petites pommes de terre bouillies destinées à la nourriture des porcs.

 

Ceci étant de l’histoire strictement familiale, qui a marqué à jamais mon enfance.

 

La rente versée aux descendants ne répara pas le mal fait.

 

Si le régime de Vichy avait duré plus longtemps, bien que l’histoire ne se répète pas, dit-on, nous aurions connu les mêmes malheurs, car les collabos de 40 étaient dignes de ceux de 1851.

 

Gaston FRÉSIA