Le sergent Boichot
Le sergent Boichot
René Merle
« BOICHOT (Jean-Baptiste) élu le quatrième à la Législative par 127.998 voix. Né le 20 août 1820 à Suize (Haute-Marne). En mars 1839, il s’engagea comme volontaire dans le 7e léger, où il a passé ses grades les uns après les autres ; il est actuellement sergent-major dans ce régiment. Lorsqu’il eut été porté candidat par le comité républicain démocrate-socialiste du département de la Seine, il fut arrêté. Il y eut un mouvement dans son régiment qui était campé à la place des Invalides ; on voulut le délivrer. Le lendemain, Boichot fut conduit à Vincennes, et son régiment fut renvoyé de Paris. Après sa nomination, il a été mis en liberté. Il a publié dans les journaux plusieurs lettres contre les calomnies que l’on faisait courir sur son compte, et il s’est déclaré hautement démocrate-socialiste. Il siège à la Montagne. »
Biographie des 750 représentants élus en mai 1849
On a pu constater, dans mon article « Armée d’Algérie et politique française », comment un publiciste conservateur de 1851 évoquait avec horreur le nom du sergent Boichot.
Boichot, et son compagnon Rattier, furent en effet honnis, raillés, méprisés et détestés par tout ce que la France politique comptait de conservateurs : pensez-donc, deux militaires, deux sous-officiers élus représentants du peuple à l’assemblée législative de 1849, et sous les couleurs de la Démocratie socialiste rouge !
Enfant d’une famille de paysans pauvres de la Haute-Marne, Jean-Baptiste Boichot [1820-1895] quitta sa campagne pour Paris, avant de s’engager à 19 ans dans l’infanterie. Comme bien des soldats d’alors, la vie militaire et ses campagnes algériennes, loin de le pousser vers la défense du régime, fit de lui un démocrate et un militant actif dans ses différents cantonnements. En témoignent ses liens avec les « rouges » de Rive-de-Gier (Loire) qui s’insurgèrent au printemps 1849. En témoignent aussi ses liens avec des néo-babouvistes et des libertaires comme Cœurderoy (auquel j’ai consacré quelques articles)…
En 1849, son régiment cantonne à Paris, et Boichot devient, comme son compagnon Rattier, candidat militaire des démocrates socialistes aux élections législatives du 13 mai 1849. Les deux hommes sont mis aux arrêts par les autorités militaires, mais sont élus haut la main. Ils siègent en uniforme dans les rangs de la Montagne.
Participant actif à la journée révolutionnaire montagnarde du 13 juin 1849, il doit s’exiler pour échapper aux poursuites (il fut condamné par contumace à la déportation). De la Suisse où il est réfugié, il a un contact avec les sociétés secrètes des départements de l’Est, et il fait partie de ces braves qui passèrent la frontière pour rejoindre les insurgés contre le coup d’État de décembre 1851.
On suivra dans le dictionnaire du mouvement ouvrier Maitron la suite de sa vie de combattant, d’emprisonné et d’exilé, toujours fidèle dans l’exil désormais bruxellois à ses idéaux de jeunesse.