Documents. L’Echo d’Oran

page mise en ligne le 12 octobre 2018

 

Guy Ballangé, auteur de La Valise jaune, nous a fait parvenir des extraits de L’Écho d’Oran de décembre 1851 et janvier 1852

 

 

Éd’O, n° 526, samedi 20 décembre 1851

 

Appel au peuple

Samedi et dimanche sont les deux jours fixés pour le vote de l’appel au peuple. Malgré quelque opposition qui s’est manifestée contre notre pressant appel à tous les démocrates, nous n’en persistons pas moins à inviter tous les républicains à se rendre au scrutin et à déposer leur vote suivant leur conscience. Ils doivent comprendre l’importance de leur mission.

Thivol

 

 

 

Éd’O, n° 527, mercredi 24 décembre 1851

 

Recensement des votes [au plébiscite approuvant le coup d’Etat]

OUI                NON               NULS

Oran                          478                570                10

Mers el Kébir             20                   77                   1

Sénia                           12                   22                   1

 

 

 

Proclamation du Président de la République au Peuple français

Français,

Les troubles sont apaisés. Quelle que soit la décision du peuple, la société est sauvée. La première partie de ma tâche est accomplie ; l’appel à la nation, pour terminer les luttes des partis ne faisait, je le savais, courir aucun risque sérieux à la tranquillité publique.

Pourquoi le peuple se serait-il soulevé contre moi ?

Si je ne possède plus votre confiance, si vos idées ont changé, il n’est pas besoin de faire couler un sang précieux ; il suffit de déposer dans l’urne un vote contraire. Je respecterai toujours l’arrêt du peuple.

Mais tant que la nation n’aura pas parlé, je ne reculerai devant aucun effort, devant aucun sacrifice pour déjouer les tentatives des factieux. Cette tâche d’ailleurs m’est rendue facile.

D’un côté l’on a vu combien il était insensé de lutter contre une armée unie par les liens de la discipline animée par le sentiment de l’honneur militaire et par le dévouement à la patrie.

D’un autre côté, l’attitude calme des habitants de Paris, la réprobation dont ils flétrissaient l’émeute ont témoigné assez hautement pour qui se prononçait la capitale.

Dans ces quartiers populeux, ou naguère l’insurrection se recrutait si vite parmi des ouvriers dociles à ses entrainements, l’anarchie, cette fois, n’a pu rencontrer qu’une répugnance profonde pour ces détestables excitations. Grâces en soient rendues à l’intelligente et patriotique population de Paris. Qu’elle se persuade de plus en plus que mon unique ambition est d’assurer le repos de la France.

Qu’elle continue à prêter son concours à l’autorité, et bientôt elle pourra accomplir dans le calme l’acte solennel qui doit inaugurer une ère nouvelle pour la République.

Fait à l’Élysée, le 8 décembre 1851

Louis Napoléon Bonaparte

 

 

 

Éd’O, n° 527, mercredi 24 décembre 1851

 

« Une horrible et vaste jacquerie était organisée dans la France entière. Toutes les correspondances saisies, tous les interrogatoires subis attestent qu’un pillage universel et qu’un égorgement général devaient signaler, en 1852, l’expiration des pouvoirs du président de la République. Témoins des funestes divisions et des folles haines de l’ancien parti de l’Ordre, les hommes et de cupidité qui ont juré la ruine de la société, se réjouissaient, dans le secret de leurs conciliabules, de cet affaiblissement des forces conservatrices. Pareils au tigre qui guette sa proie pour la  dévorer, ils attendaient l’heure de l’action avec patience parce qu’ils croyaient que leurs victimes ne pourraient pas leur échapper, parce qu’ils croyaient que le moment viendrait infailliblement où ils n’auraient qu’à vouloir pour se partager les dépouilles des riches. »

La Patrie, 9 décembre 1851

 

 

 

Éd’O, n° 527, mercredi 24 décembre 1851

 

Nouvelles des Départements

SAÔNE ET LOIRE, HÉRAULT, BAS-RHIN, CLAMECY, HAUTE VIENNE, GARD, AVIGNON, AVEYRON, AUDE, GERS, VAR

Les insurrections qui viennent d’agiter et d’ensanglanter tant de départements se distinguent par un fait qu’il convient de remarquer. Pendant que certaines localités offraient le triste spectacle de bandes furieuses rêvant le pillage et la dévastation, les grands centres manufacturiers conservaient un calme absolu.

C’est ainsi que Lyon, St Étienne, Lille, Rouen, Roubaix, les villes industrielles de l’Alsace non seulement ont échappé à la contagion de cette guerre sociale mais encore ont vu pendant ces mauvais jours, la fabrication s’accroître et se développer.

À Paris aussi la population ouvrière est demeurée insensible aux séductions de l’émeute et de l’appel aux armes et si sur quelques points tels que Marseille et le Var, on a pu signaler des ouvriers dans les rangs des insurgés, les feuilles locales font observer avec raison que le plus grand nombre se composait d’étrangers, et notamment de Piémontais que l’on emploie toujours dans les travaux exécutés dans le midi.

Ces travailleurs industriels que l’on dépeignait comme la proie facile des agitateurs et la complice inévitable de toutes les résistances, sont donc restés froids et impassibles devant les événements terribles qui s’accomplissaient sous leurs yeux et dans bien des  villes ils ont même prêté main forte à l’administration et contribué à rétablir l’ordre compromis.

Quelle que soit la conséquence que l’on veuille tirer de ces faits, quelle que soit la cause à laquelle on puisse les attribuer, ils n’en doivent pas moins être signalés. Les ouvriers des grands centres industriels forment l’élément le plus intelligent des classes laborieuses et lorsqu’on les voit rester, calmes et pacifiques, ou même contenir les ennemis de la société il faut se féliciter hautement de ces symptômes si rassurants pour l’avenir.

Le Pays                      COHEN

 

 

 

Le Moniteur, (vendredi 8 décembre 1851 ???)

Saint Arnaud, ministre de la guerre

« Toute insurrection armée a cessé à Paris par une répression vigoureuse. La même énergie aura les mêmes effets partout.

Des bandes qui apportent le pillage, le viol et l’incendie se mettent hors des lois. Avec elles on ne parlemente pas, on ne fait pas de sommation : on les attaque, on les disperse.

Tout ce qui résiste doit être FUSILLÉ au nom de la société en légitime défense. »

 

 

 

Éd’O, n° 527, mercredi 24 décembre 1851 

 

Les départements du Rhône, de la Drôme, de l’Isère, de l’Ain de la Loire, de l’Ardèche, du Cher, de la Nièvre, de la Seine, de Seine-et-Oise, de l’Oise, du Loiret, de Loir et Cher, de l’Eure et Loire, de la Seine et Marne, de Seine Inférieure, de l’Eure, de l’Yonne, de l’Aube de Saône et Loire, de l’Allier, du Gard, de L’Hérault , des Basses Alpes, du Lot, de Lot et Garonne, du Var, de la Gironde, du Bas Rhin et du Gers sont aujourd’hui [autour du 12 décembre] en état de siège ainsi que l’Algérie

Le Pays

 

 

 

Éd’O, n° 527, mercredi 24 décembre 1851 

 

Le département du Var vient d’être le théâtre des plus regrettables événements.

Un soulèvement plus grave a eu lieu à Cuers, petite ville près de Toulon sur la route de Marseille. Les anarchistes se sont emparés de la ville en massacrant les gendarmes. Le maire a été accablé des plus mauvais traitements, conduit en prison, et les factieux se sont emparés de la mairie. Aussitôt le pillage a commencé, la caserne de la gendarmerie a été dévastée, tout ce qu’elle contenait a été détruit ou volé et l’incendie a dévoré les bâtiments. ..

À la première nouvelle du désordre le préfet du département s’est rendu  sur les lieux à la tête d’un fort détachement du 50è de ligne. La mairie de Cuers où les insurgés s’étaient refugiés, a été immédiatement cernée. Un insurgé en cherchant à se sauver a tiré à bout portant un coup de pistolet sur un grenadier du 50è qui heureusement n’a pas été atteint.

Ce brave militaire, au lieu de faire usage de ses armes, cherchait seulement à terrasser ce furieux celui-ci saisissant un autre pistolet, allait le décharger au moment où un second grenadier a mis fin à la lutte en le tuant d’un coup de fusil. Les maisons de la ville ont été immédiatement fouillées par la troupe. De nombreuses arrestations ont été opérées, et une forte colonne de prisonniers a été conduite à Toulon.

Le Pays

 

 

 

Éd’O, n° 533, mercredi 14 janvier 1852

 

Fête nationale du 11 janvier

Qu’est-ce qu’une fête publique ? Un programme, une solennité religieuse, des danses…une revue…du bruit, de la fatigue …et …de l’oubli ! est-ce bien là tout ce qui restera de la fête nationale du 11 janvier, et n’y aurait-il pas dans notre mémoire une place privilégiée pour les grands événement qu’elle consacre ? La paix et l’ordre ! Oui sans doute.

Le 11 janvier a été et devait être pour nous plus qu’une journée d’exhibitions usuelles, plus qu’une journée de bruit et d’oubli : c’était suivant l’expression simple et heureuse de M. le Préfet d’Oran : un beau jour.

Mais racontons en rapidement les différentes phases. À onze heures et demie, un Te Deum religieusement écouté par toute la population a été chanté à l’Église Saint Louis.

Dès une heure un quart, toutes les troupes étaient échelonnées sur le champ de manœuvres : la milice, sur la première ligne, attendait son drapeau qu’un détachement de l’artillerie et des  sapeurs-pompiers avait été prendre chez le colonel.

À une heure et demie, M. le général Pélissier, suivi de son nombreux état-major, et M. le Préfet, ayant à sa droite le Maire d’Oran et pour escorte la milice à cheval, sont arrivés sur le champ de manœuvres. La revue a commencé immédiatement et a duré une demi-heure environ. Puis, au moment où les troupes s’apprêtaient à défiler, M. le général Pelissier ayant désiré assister à la distribution des médailles a ordonné lui-même aux tambours d’ouvrir un ban. M. le préfet a mis pied à terre et après avoir réuni les élus autour de lui, il leur a dit :

« Je suis heureux, Messieurs, qu’il me soit donné de vous remettre ces médailles, juste récompense accordée par M. le président de la République à votre dévouement et à votre courage civique…de vous les remettre dans ce jour de fête, dans un si beau jour …de vous embrasser sous les yeux du général, dont l’administration si utile par deux fois à l’Algérie entière s’est toujours montée si bienveillante et dévouée à la province d’Oran. »

Cette courte improvisation, fortement accentuée, a produit une vive impression sur les auditeurs. Chacun des élus est venu alors recevoir, avec sa médaille, l’accolade du chef de l’administration départementale.

À la suite de cette cérémonie, M. le général Pelissier s’est rendu sur le champ de manœuvres et a complimenté à peu près dans les termes suivants, l’armée et la milice dont les officiers s’étaient groupés autour de lui :

« Officiers, sous-officiers et miliciens de la milice d’Oran,

Je suis heureux de me retrouver au milieu de vous. Je suis heureux de vous l’exprimer dans cette circonstance solennelle.

J’ai été content de votre attitude et de votre attachement au devoir, lors des derniers événements. Vous avez maintenu l’ordre et je vous en sais gré.

On a pu varier dans l’appréciation des événements. On ne pourrait varier dans l’accomplissement du devoir. Aujourd’hui que la grande voix de la nation a parlé, la raison de tous doit s’incliner devant ce résultat. Vous ne devez plus songer qu’à exécuter rigoureusement les ordres qui émaneront du ministre de la guerre ou du gouverneur-général, et qui vous seront transmis par mon organe. Je vous donnerai comme toujours l’exemple de cette obéissance ; et je la maintiendrai. Je suis le père de tous ; j’ai tenu compte de la difficulté des obligations que vous aviez à remplir de même aussi j’exigerai avec fermeté l’accomplissement de celles que vous imposent la discipline et votre devoir militaire.

Je n’ai pu, jusqu’à ce jour que vous passer rapidement en revue, lors de mon arrivée. Mais j’ai pu remarquer, dans cette courte inspection, votre bonne tenue. Officiers, sous-officiers et miliciens de la milice d’Oran, officiers, sous-officiers et soldats de la Division, je vous en témoigne ici ma satisfaction et j’éprouve un vif plaisir à ajouter que, par l’examen plus détaillé que je viens de faire, dans cette revue, ne n’ai fait que me corroborer dans la bonne opinion que j’avais de vous et dans le sentiment qui m’a dicté mes premiers éloges.

Retournez à vos rangs, Messieurs. Et répétez bien à vos troupes l’expression de ma vive satisfaction. Je suis content d’elles et de vous. Recevez en mes compliments et transmettez-leur mes éloges. Et dîtes à tous, qu’ils me trouveront toujours disposé à faire apprécier leur dévouement, leur zèle à accomplir leur devoir. »

Après ce discours, écouté avec une religieuse attention et avec des marques non équivoques d’assentiment le défilé a commencé et nous avons pu admirer, comme toujours, la belle tenue de notre armée d’Afrique.

Le reste du programme a été suivi ponctuellement. À cinq heures, la journée était close par 21 coups de canon.

Pendant que la population chrétienne de la ville d’Oran priait dans les églises, les Israélites célébraient par un service solennel, dans la synagogue consistoriale, l’ère nouvelle.

Le même jour, à l’heure de midi, une distribution de bons de pain a été faite par les de M. le Préfet, à environ trois cents indigents de la population musulmane, à la grande mosquée d’Oran en présence du chef du bureau arabe départemental, du muphti, et du caïd du village nègre.

Ad. Perrier

 

Journal des Pyrénées, 13 janvier 1852

 

Fête à l’hôtel de la préfecture

Dimanche dernier, à huit heures du soir les salons de l’Hôtel de la Préfecture, ornés de fleurs, resplendissant de lumière et décorés avec autant d’élégance que de bon goût, ont été ouverts à la population conviée à la fête brillante donnée par M. Pougeard-Dulimbert.

La grâce et l’élégance des costumes des dames, l’éclat des brillants uniformes de notre brave armée, l’affluence des invités offraient un coup d’œil ravissant. Il serait difficile de décrire tout ce qu’eut d’agréable cette délicieuse soirée, dans une circonstance qui en rehaussait encore tout l’intérêt. C’était une démonstration sympathique, bien flatteuse, dont l’importance n’a dû échapper à personne. Aussi a-t-on remarqué avec bonheur la présence des hommes les plus honorables de tous les partis, qui, aujourd’hui, oubliant le passé, ne forment plus qu’une même famille, la grande famille de l’ordre.

La danse a été fort animée toute la nuit et les rafraîchissements de toute sorte servis avec le plus grand luxe.Dulimbert a fait les honneurs de ses salons avec un tact parfait et un goût exquis. Nous croyons être ici l’interprète de la pensée de toutes les personnes qui figuraient à cette fête, la plus belle parmi les plus belles données à la préfecture, en témoignant à notre premier magistrat leur sentiment de reconnaissance, soit pour le plaisir qu’on ya trouvé, soit encore pour les prévenances délicates dont chacun a été l’objet.

La fête s’est terminée à 3 heures du matin, elle ne laissera dans tous les esprits que de bons et bien agréables souvenirs.

B. Rodange