Rapport du sous-préfet de Forcalquier, 12 décembre 1851

mise en ligne le 21 août 2025 

Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence Cote 4Z239

Document transcrit par Colette Chauvin qui a respecté présentation, orthographe et ponctuation, et annoté par Frédéric Negrel

 

Rapport sur les faits survenus à Forcalquier le 5 décembre 1851 et les jours suivants

 

[L’auteur est Alphonse Charles Mathurin Paillard[1], sous-préfet de Forcalquier (Basses-Alpes) depuis le 7 décembre 1850.]

 

Avignon le 12 Xbre 1851

 

Expédition faite

à Avignon même

 

Rapport sur les

troubles de Forcalquier

qui ont eu lieu le

5 Xbre 1851 et

jours suivants.

_______

 

Monsieur le Ministre,

 

Je profite du premier moment de répit que m’accordent mes souffrances pour vous rendre compte des événements qui ont désolé mon arrondissement le 5 décembre et les jours suivants et dont l’heureuse issue est, je l’espère, à cette heure, un fait accompli. J’entrerai dans le plus de détails possibles, vous excuserez les obscurités et les lacunes que pourrait présenter la rédaction d’un blessé.

J’ai eu souvent, l’honneur, Monsieur le Ministre, de signaler à vos prédécesseurs l’état épouvantable dans lequel se trouvait l’arrondissement de Forcalquier, le progrès qu’y avaient fait les doctrines communistes, la démoralisation profonde des esprits et la puissance formidable des sociétés secrètes. Aucune contrée dans tout le midi n’avait été plus complètement atteinte de ce mal. Le moindre village, même dans les parties relativement saines, renfermait un noyau d’affiliation. La plupart de ces communes étaient enrôlées presque jusqu’au dernier homme dans ces détestables associations. Presque tous les membres étaient armés et jamais on n’avait pu, faute de moyens de police toujours inutilement réclamés, découvrir un seul dépôt de ces armes. Des conciliabules nocturnes avaient lieu toutes les semaines. Des chefs perdus de dettes et de mœurs traversaient constamment en tous sens la partie méridionale du département pour présider ces clubs secrets et leur promettre le jour prochain des massacres et des pillages par lesquels on devait préluder au partage universel, à la suppression de la bourgeoisie et à la régénération de l’humanité.

La conspiration était visible, palpable et rien ne pouvait ni la dévoiler, ni la comprimer, l’administration n’ayant à sa disposition ni agents secrets pour pénétrer dans un seul de ces foyers de conspiration, ni la moindre force pour comprimer ces masses sauvages prêtes à se ruer sur la civilisation. Moins de 20 gendarmes, voila tout l’effectif qui répondait de la tranquillité d’un pays organisé pour l’insurrection, de telle sorte que le 3 mai le Sr Buisson,[2] Conseiller général pour le canton de Manosque, déclarait au nom de ces bandes aux conspirateurs réunis à Marseille, que le département des Basses Alpes était prêt, armé, enrégimenté, et disposé à se lever partout en même temps, au premier coup de sifflet.

Cet homme n’exagérait rien. L’état des Basses Alpes était d’ailleurs celui du Var, d’une partie de Vaucluse et eut été celui de tout le midi si Louis Napoléon, ne s’était jeté, avant l’époque promise pour la ruine, entre la société et l’anarchie. La nouvelle de la dissolution de l’Assemblée était parvenue le 4 à Manosque et à Forcalquier. Il y avait une foire à Mannes[3]. Je soupçonnai qu’elle devait servir de pretexte à une réunion dans laquelle les conspirateurs se concerteraient ; j’y envoyai des gendarmes et je m’y rendis moi même. Personne ne put me donner des renseignements. J’ai su pourtant depuis que c’était là qu’avait été décidé le formidable mouvement qui a éclaté dans la matinée du lendemain. Le soir les voitures publiques apportèrent les journaux qui causèrent une émotion assez vive calmée à l’instant même.

 

A Monsieur le Ministre de l’Intérieur[4]. [noté au recto de la première page]

 

Vers onze heures du soir un avis secret me parvint qu’une réunion suspecte avait lieu dans une campagne isolée située à quelque distance de la ville, je pris avec moi M. le Substitut Paulmier[5], remplaçant, en l’absence du titulaire en congé, les fonctions de chef de Parquet, le Lieutenant de gendarmerie et quelques soldats du poste de l’hôtel de ville appartenant à une compagnie de passage à Forcalquier. Nous allames au pas de course jusqu’au lieu de la réunion. A la clarté de la lune nous apperçumes en arrivant quelques hommes qui fuyaient et que nous poursuivîmes en vain. M. le Substitut cria feu pour effrayer les fuyards. Je repétai le même ordre mais les conspirateurs franchirent un mur de cinq mètres de haut et disparurent sans que nous ayons pu en atteindre un seul et sans que les patrouilles faites tout le reste de la nuit aient pu mettre sur leurs traces. Un instant après le Sr Manuel père[6], propriétaire de la bastide où étaient réunis les conspirateurs, venait se jeter dans nos mains. Nous l’arrêtames. Nous nous emparames également d’un de ses fils[7], mais sans pouvoir obtenir d’eux les éclaircissements nécessaires. J’appris le lendemain de ceux mêmes que j’avais failli surprendre qui ils étaient et ce qu’ils avaient fait. C’était entr’autres l’horloger Escoffier[8] de Forcalquier, chef militaire de l’insurrection, l’avocat Debout[9] de Forcalquier, membre du conseil municipal, l’ex instituteur révoqué Noel Pascal[10], devenu, depuis deux mois, secrétaire de la mairie démagogique de Mannes, un des fils Manuel et deux ou trois autres. En se dispersant, ils allèrent, immédiatement, soulever les villages de Lurs[11], de Peyruis[12], d’Ongles[13], de Dauphin[14], de Mannes[15], enfermant ainsi Forcalquier dans un cercle infranchissable.

J’eus avis que quelque agitation s’était manifestée à Manosque. Je requis le commandant du 25e léger de rester à ma disposition, mais il venait de recevoir l’ordre de rétrograder sur Digne, il refusa.

Le reste de la nuit se passa sans accident. A 5 heures du matin, le garde champêtre de Dauphin, village situé à 8 kilomètres de Forcalquier et peuplé des individus les plus pervertis de l’arrondissement, vint m’informer que malgré la resistance énergique de M. l’Adjoint Morel, les portes de la Mairie avaient été enfoncées par la société montagnarde et que les armes de la garde nationale qui y étaient déposées avaient été enlevées. Je requis, de nouveau, le Capitaine commandant la colonne de rester au moins quelques heures de plus pour la défense de la ville qui me semblait menacée. J’y attachai d’autant plus de prix que les gendarmes et les gardes forestiers que j’avais requis d’urgence ne pouvaient guère arriver avant midi. Le commandant m’opposa l’inflexibilité des ordres militaires et partit à 6 heures du matin.

Je m’occupai, immédiatement, d’interdire toute vente de poudre, de faire enlever les armes de chez les armuriers et de convoquer en armes à la Sous Préfecture les fonctionnaires et les quelques citoyens qui pouvaient composer une garde nationale capable de tenir quelques heures.

La défense du canton de Reillanne, de Banon et de Saint Etienne était facile et confiée, dès la veille, à des mains sures qui n’ont pas trompé mon espoir. Je comptais que Manosque ne bougerait pas. L’ordonnance qui avait apporté, dans la matinée, à la troupe l’ordre de retourner sur ses pas et qui venait de Manosque m’ayant fait connaître que quoique l’émotion fût grande dans cette ville et que la dépêche eût été ouverte de force pour voir si elle contenait la nouvelle d’un mouvement à Marseille, personne n’avait encore pris les armes et ne songerait à le faire tant que le chef lieu des Bouches du Rhône garderait sa tranquillité.

Une trentaine de personnes étaient réunies vers 10 hres et 1/2 à la Sous Préfecture. Je leur adressai une courte et énergique allocution pour les engager à se rallier autour de l’autorité, maintenir la tranquillité et donner au gouvernement de Louis Napoléon le temps de les sauver avec le reste de la France. Tous se mirent à ma disposition et s’organisèrent immédiatement, sous ma direction, en garde nationale volontaire. On se sépara à 11 hres et 1/2 en convenant de revenir une demi heure plus tard pour former les premiers postes et rassurer la population en lui donnant lecture publique des proclamations.

La Sous Préfecture était complètement vide. M. Paulmier et la brigade de Forcalquier seuls étaient restés avec moi, quand tout à coup, on apprend qu’une troupe formidable composée d’habitants de Manosque, de Mannes, de Dauphin et de Forcalquier arrive par le pont de Mannes, qu’elle est à deux pas de la ville, que dans un instant la prison va être forcée, Manuel père mis en liberté et la Sous Préfecture envahie. Au même moment un gendarme à cheval de Peyruis arrive haletant, annonçant que Lurs, Peyruis, Pierrerue[16] marchent en masse vers Forcalquier, coupant la communication entre la ville et la compagnie qui l’avait évacuée le matin, que le même mouvement a du s’opèrer dans la route de Banon, qu’en un mot nos sommes enfermés dans un cercle de fer.

M. Paulmier et les gendarmes vont tenter de rassembler quelques gardes nationaux. Quatre d’entr’eux et un officier en semestre répondent seuls à l’appel. Nous chargeons les armes et nous nous disposons à tout.

Il fallait prendre un parti. Le tambour des insurgés résonnait déjà dans la ville et annonçait la délivrance du Sieur Manuel, la retraite opérée militairement était impossible, la résistance ne pouvait avoir d’autre résultat que de faire massacrer la poignée de citoyens accourus à ma défense. On m’offrit des moyens de fuir, la fuite était honteuse, elle n’eut peut être pas sauvé nos jours, elle salissait, dans l’opinion des Masses, l’autorité dont j’étais le dépositaire. Je voulus que ma mort même me rendit le prestige de ce pouvoir, qui m’avait été confié et qu’une tache de sang, en marquant le premier jour de l’insurrection, marquat aussi aux yeux des plus incrédules, la nécéssité des mesures prises par le Chef de l’Etat. Il y a des moments où un homme de cœur ne peut faire à son pays qu’un sacrifice, celui de la vie, mon sacrifice était fait.

J’étais calme et résolu quand le corps insurrectionnel déboucha par la rue située en face de l’hôtel de la Sous Préfecture. Les insurgés défilèrent, deux par deux, tambours en tête, drapeaux au vent, tous parfaitement armés, l’avant garde remarquable par les rubans rouges qu’elle portait au bras et à la coiffure. Ils firent lentement le tour de la place et vinrent se ranger en bataille sur huit rangs, en face de la Sous Préfecture. Nous avions compté plus de six cents hommes, le soir ils étaient plus de deux mille quatre cent ! J’étais sur mon balcon en grande tenue, mon écharpe autour du corps, attendant. Le défilé terminé, le chef des insurgés Escoffier, monté sur un cheval noir, pris position devant moi et cria : Montagnards, halte ! Puis s’adressant à moi :- Citoyen Sous Préfet, la constitution est violée, Bonaparte est un traitre, en acceptant ses actes vous vous êtes fait son complice le peuple vous déclare déchu tous les deux.- Je pris la parole à mon tour en disant : Citoyen, on vous trompe. Napoléon vient de sauver la France, de maintenir la République, et de rétablir le suffrage universel.-Des cris de râge, de vive la République, à bas Bonaparte me coupèrent la parole. Plusieurs fusils s’abaissèrent et me couchèrent en joue ; je leur montrai la poitrine en tenant les bras ouverts.- Que venez-vous faire, leur dis-je, six cent contre un homme seul ? Vous venez m’assassiner ?- Non, non, répondit la foule et l’un des chefs nommé Buisson releva le canon de leurs fusils prêts à faire feu.- Si vous êtes des assassins, frappez ! Ma poitrine est ouverte ! Frappez donc ! J’attends. Les bandes ne s’attendaient pas sans doute à cette attitude, elles hésitèrent malgré les excitations de quelques hommes parmi lesquels je pus remarquer, ainsi que M. Paulmier qui était venu prendre place près de moi, l’avocat Debout et le serrurier Taillandier[17], un des démagogues les plus dangereux.- Nous ne voulons pas votre mort, reprit Escoffier, mais votre chatiment. Le peuple vous ordonne de descendre et de vous rendre.- Je ne répondis qu’un mot : non, non, non. Je ne céderai qu’à la force.- Nous allons enfoncer votre porte !- Enfoncez, je ne céderai qu’à la violence.

L’ordre fut donné d’enfoncer les portes. J’allai retrouver les rares défenseurs de la Sous Préfecture et leur demander s’ils étaient prêts à tenter une résistance désespérée. Ils me conjurèrent de renoncer à une pensée irréalisable et me pressèrent de fuir. Je refusai de les écouter et descendis pour me livrer.

La porte avait cédé, l’escalier était envahi par l’avant garde des Manosquains, véritables bandits, scélérats choisis ; ils m’amenèrent à Escoffier qui avait sauté à bas de son cheval et qui, immédiatement, me dit ne craignez rien, M. Paillard, je réponds de votre vie.- Pour toute réponse je lui fis sentir les battemens de mon cœur qui n’étaient pas plus fréquents que si rien d’extraordinaire ne se passait. À partir de ce moment ce chef d’insurgés, qui du moins s’entend en courage, n’épargna rien pour m’arracher aux assassins dont j’étais entouré.

Cependant les coups pleuvaient sur moi, ma croix fut arrachée de mon habit, trois coups de sabre heureusement non affilé me furent porté sur la tête et par un bonheur inoui n’ont laissé aucune trace. Je reçus un grand nombre de coups de crosse qui ont laissé une douzaine de contusions sur la cuisse droite, enfin un coup de bayonnette ou de sabre qui coupa l’artère fessiere et qui devait être mortel si Dieu ne s’en était melé ! Escoffier qu’on a dit un fanatique de bonne foi, était indigné, tâchait de me couvrir de son corps ; il jurait qu’on le tuerait plutôt que de me laisser assassiner. Il obtint, enfin, une trève des bourreaux et j’arrivai à la maison d’arrêt, où l’on me conduisait, remerciant le ciel de n’avoir ni pâli, ni chancelé et d’avoir forcé au respect les massacreurs eux mêmes[18].

Je fus rejoint à la prison par M. Paulmier qui avait été arrêté également et qui avait reçu plusieurs coups de crosse ; son courage avait été magnifique. Les chefs des insurgés ne pouvaient s’empêcher d’admirer les hommes tombés dans leurs mains. Buisson et Gaudefroy[19] avaient beaucoup fait pour soustraire M. le Substitut aux horreurs d’un double crime.

Un médecin fut aussitôt appelé à la prison pour panser ma blessure et une garde placée à ma porte. Gaudefroy voulut rester près de nous pour nous protêger. Escoffier qui venait d’ordonner la liberté du Lieutenant de gendarmerie et des gendarmes de Forcalquier, était sorti pour le ramener chez lui tandis que les insurgés d’Ongles amenaient dans la maison d’arrêt les trois gendarmes de Banon qui venaient prendre part à la défense de la Sous Préfecture arrêtés au milieu de la route par une bande de plus de cinquante individus. Ces braves militaires avaient été désarmés et trainés à la suite des assaillants. Leur conduite, Monsieur le Ministre, mérite de vous être signalée. Ils se sont tous trois bien conduits et je dois surtout vous signaler le maréchal des logis qui ferait un excellent commandant de lieutenance et le gendarme Morel qui seul a essayé de se défendre et qui a eu le visage tout meurtri.

Tout à coup le bruit se répand que la compagnie qui avait quitté Forcalquier le matin fait un retour offensif. La prison est envahie par la même bande de Manosquains[20] qui m’avait criblé de blessures et où figurait avec deux individus condamnés l’année dernière à un an et un jour d’emprisonnement pour détention d’armes de guerre[21], un jeune homme de dix huit ans que j’ai lieu de croire mon assassin[22]. Les misérables venaient nous enlever pour nous conduire à Manosque où la mort nous attendait si nous ne la recevions auparavant dans les gorges de la Mort d’Imbert. Tout ce que l’insurrection avait de plus fangeux, de plus altéré de sang était réuni. L’un d’eux avait pris les menottes et les chaines de la maison d’arrêt pour nous trainer ainsi la chaine au cou. Sur l’observation de Gaudefroy, on se contenta de les faire porter à M. Paulmier. Le Médecin et l’insurgé Gaudefroy leur représentèrent en vain, l’impossibilité de me faire marcher, l’énormité de ma blessure.- Il faut qu’il aille, dirent-ils, ou nous le massacrerons sur place.- Je ne sais où je trouvais la force de les suivre et de marcher pendant plus de 6 kilomètres malgré les flots de sang que je répandais.

Les Jaques voulaient cacher dans l’ombre le nouveau forfait qu’ils méditaient. Ils prirent un chemin détourné où l’on ne rencontrait ame qui vive. Un habitant de Manosque, nommé Columeau, qui s’était attiré leur haine, s’était trouvé par hasard sur ce chemin fut arrêté et forcé de marcher avec nous. Deux ou trois pâtres faisaient au loin paître leur troupeau. Ils les ajustèrent en criant passez au large ou nous faisons feu. Derrière nous, je les entendais dire en patois à Gaudefroy qui par humanité n’avait pas voulu nous abandonner.- Tu as beau dire : Ils auront ce soir la corde au cou et c’est toi qui la tireras, Gaudefroy- Nous nous arrêtames et M. Paulmier demanda aux bourreaux d’en finir tout de suite. Ce fut alors à qui protesterait que personne ne voulait notre mort et le chef de section, c’est ainsi qu’ils appelaient leur commandant, affirma qu’il répondait de nos tête sur la sienne. Un rire silencieux se répandit sur toutes ces physionomies de meurtriers et une fois de plus, nous pumes constater combien il en coûte aux êtres les plus sauvages de frapper une poitrine qui s’offre volontairement.

Enfin, à 6 kilomètres de Forcalquier, les forces m’abandonnèrent. A ce point le chemin vicinal que nous suivions rencontre la grande route de Forcalquier à Manosque et vient aboutir à une ferme importante que l’on appelle, Les Encontres. On y avait envoyé chercher une charrette lorsque des cris nous firent retourner. C’était Escoffier qui accourait de toute la vitesse de son cheval pour nous sauver. Le bruit de notre enlevement s’était rapidement répandu dans la ville. Chacun avait compris que c’était à la mort que les brigands nous menaient et le chef militaire de l’insurrection voulaient encore une fois, nous y arracher. Il me fit monter sur son cheval et ordonna une halte aux Encontres. C’est pendant qu’il m’apportait les larmes aux yeux, un verre d’eau de vie que je perdis tout à fait connaissance et quand je me reveillai trois quarts d’heure plus tard, j’étais dans une chambre de la ferme étendu sur un matelas, glacé, inondé de sang, en proie à d’horribles douleurs, soutenu d’un côté par Escoffier et de l’autre par M. Paulmier et entouré de nos guides dont, je dois le dire à l’honneur de l’humanité, les atroces figures étaient consternées. Deux, seulement, disaient tout haut : bah ! il joue la comédie-mais les autres leur imposèrent silence. Gaudefroy était parti, en toute hâte, pour chercher un médecin. Une demi-heure se passa. Escoffier eut assez d’influence sur les bandits qui nous avaient enlevés pour les décider à partir en laissant non seulement le blessé mais même M. Paulmier pour me soigner. Mais à peine la bande s’était-elle éloignée qu’une autre troupe de Manosque revenant de Forcalquier, ivres de vin et affamés de massacre, enlevait M. le Substitut et ne m’abandonnait que sur l’énergique protestation d’Escoffier qu’il faudrait le tuer avant de me toucher.

L’intrépide magistrat dont l’infortune se trouvait associée à la mienne n’eut pas franchi les gorges de La Mort d’Imbert si la Providence ne nous eût envoyé une aide inespérée

                            

[changement d’écriture]

L’état de M. Paillard dont la plaie vient de se rouvrir l’a forcé de laisser le rapport interrompu. Il le reprendra aussitôt qu’il ira mieux.

 

 

Avignon le 15 Xbre 1851

 

Monsieur le Ministre,

 

Dans la première partie de mon rapport je vous ai fait connaître l’assaut donné à la Sous Préfecture de Forcalquier, mon arrestation et celle de M. le Substitut Paulmier et notre enlevement par une bande de Manosque. Je vous disais les cruelles impressions que j’avais éprouvées au moment où une seconde bande me sépara de mon compagnon de dangers et l’entraîna sur la route de La Mort d’Imbert.

Pendant que ces événements se passaient le bruit de notre enlèvement s’était répandu à Forcalquier. Le Juge d’instruction, M. Correnson[23], que son état de disgrace supposé faisait considérer par les démocrates comme un des leurs, saisissait habilement et courageusement l’influence que cette situation lui donnait sur les vainqueurs pour les forcer à respecter leurs victimes. Secondé par M. Duval, Ingénieur des ponts et chaussées, il allait trouver les chefs de l’insurrection, les entrainait par sa parôle et obtenait de Buisson, l’idole des démocrates manosquains, qu’il courût avec eux sur nos traces pour nous sauver d’une mort affreuse et trop certaine. Buisson arriva, en effet, aux Encontres, s’approcha du lit sur lequel j’étais étendu sortant d’un second évanouissement et me jura que M. Paulmier allait m’être rendu. Il tint parole. Les bandits dont Escoffier n’avait rien pu obtenir cédèrent à l’ascendant de leur compatriote et j’eus, bientôt la joie de serrer dans mes bras M. le Substitut.

Un médecin que l’on avait appelé, l’honorable docteur Savy, pansa ma blessure et vers le soir un conseil fût tenu par M. M. Correnson et Duval et par Escoffier qui ne m’avait pas quitté, quoique deux courriers, dépêchés, coup sur coup, le pressassent de venir prendre sa part au partage du pouvoir que s’adjugeait les meneurs. Il s’agissait de savoir ce que l’on ferait de moi. Malgré les inquiétudes du médecin j’insistai pour être ramené immédiatement à Forcalquier. On se rendit à mes raisons et je fus chargé sur un tombereau, étendu sur une paillasse, couvert d’un matelas et entouré d’une garde fournie par les gens de Dauphin. A l’entrée de Forcalquier une foule immense se pressait sur notre passage ; des cris de mort retentissaient de tous côtés ; des rires, des airs patriotiques, des chants dès longtemps composés dans les sociétés secrètes pour cette fête de cannibales et qui se terminaient par un refrain de mort où mon nom était melé, de grossières insultes, des menaces d’assassinat retentissaient dans l’air. Des misérables, le fusil au poing, montaient sur la charrette pour s’assurer si j’étais encore vivant. A la porte de la prison, le tumulte grandit et l’on put croire à un massacre imminent. Mais quelques hommes bien intentionnés ayant entouré la charrette, l’aspect de mon visage impassible, le spectacle de mes vetements inondés de sang produisirent une révolution sur l’esprit de ces masses. Un grand silence se fit et les prisonniers furent déposés à la maison d’arrêt devenue pour eux un asile. La nuit une bande ivre voulut forcer les portes de la prison mais la garde posée par les insurgés tint bon et la prison ne fut pas violée. Vers trois heures du matin un roulement de tambour nous annonçait le départ pour Digne de la colonne insurrectionnelle forte de près de 3000 hommes. Dans la journée du lendemain vers onze heures le bruit se répandit que Manosque était attaqué par les troupes du Gouvernement. Tous les insurgés restés à Forcalquier furent dirigés de ce côté, les gardes mêmes de la maison d’arrêt suivirent le mouvement et la prison se trouva confiée au géôlier seul qui était tout à mes ordres. Peu de temps après on annonça, également, un retour offensif des troupes de Digne que l’on disait aux portes de la ville. Ce fut M. le Juge d’instruction, Correnson, qui nous apporta ces bonnes nouvelles en nous engageant à attendre l’arrivée des troupes. De leur côté des membres de la commission insurrectionnelle les Srs Bellaunay[24], Docteur en médecine à Lurs, Bouche nommé Juge de paix en 1848 et Debout, avocat, vinrent nous demander notre parole d’honneur de ne pas nous enfuir. Nous refusames de la donner.

Malheureusement le bruit de l’arrivée des troupes n’avait aucun fondement. Ce que l’on avait pris pour elles était une nouvelle bande d’insurgés arrivant de St Etienne. Il n’y avait pas un moment à perdre. Le Docteur Rouit[25], ancien maire de Mannes, quoique compromis dans l’insurrection nous engage à nous évader et cherche à nous procurer le moyen de fuir ; mais il ne peut trouver de cheval. M. Duval, Ingénieur des ponts et chaussées et M. Devaulx, Lieutenant au 21e de ligne, en congé à Forcalquier se concertent avec nous. On prend, immédiatement, le cheval et le cabriolet du Receveur particulier des Finances et, au moment où la voiture arrivait devant la prison, M. Paulmier et moi tenant chacun un pistolet à la main, nous nous précipitons dans la géôle, forçons le passage que l’excellent concierge Agnel ne songeait nullement à nous disputer et nous montons en voiture. M. L’Ingénieur et l’officier du 21e prennent tous deux les brides du cheval pour descendre, en courant, la rampe ardue de la maison d’arrêt, et, à la vue d’une population émue et interdite de surprise nous nous élançons dans la campagne au moment même où l’avocat Debout guidait à la prison le piquet d’insurgés qui devait, de nouveau, en garder les portes. C’était la vie, la liberté échangées contre une mort affreuse. Nos âmes s’élevèrent à Dieu et je n’essaierai pas de vous peindre, Monsieur le Ministre, la reconnaissance que nous éprouvames pour les courageux libérateurs auxquels nous devions ce retour à la vie et qu’une fuite prompte pût seule soustraire à la râge des bourreaux frustrés de leur proie.

A la sortie d’Apt, où nous avait accueilli la sympathie enthousiaste des hommes de bien, une bande d’individus sans armes voulut nous arrêter. M. Paulmier s’élança de la voiture saisit par le collet un des assaillants et lui appliqua sur le front la gueule de son pistolet.- Monsieur ne me tuez pas, je suis un gamin.- Ce mot que j’ai cru devoir relever, Monsieur le Ministre, parce qu’il jette un triste jour sur l’état moral des générations qui viennent, désarma M. le Substitut. Il lâcha son prisonnier. Nous fouettames les chevaux et la voiture reprit sa course. Quelques pas plus loin, autre troupe hostile. L’éclat des pistolets suffit à les écarter. Nous passons : et, le lendemain, sept, au point du jour, nous étions à Avignon où nous apportions au préfet et au Général la première nouvelle de l’insurrection des Basses Alpes, chose à peine croyable pour qui ne connaît pas l’isolement de ce malheureux pays, et, où nous attendaient les soins les plus touchants et les plus empressés. J’en serai quitte, probablement, pour quelques jours de traitement et la perte de mon argenterie et d’une partie de mes effets pillés ou volés par les insurgés.

Il est temps, Monsieur le Ministre, de revenir sur mes pas et de vous exposer, autant que j’ai pu les connaître moi même, les faits qui se sont passés à Forcalquier depuis mon arrestation.   Malheureusement, je n’ai recueilli que des recits très confus et nécessairement fort incomplets.

Aussitôt maitres de la Sous Préfecture, les insurgés s’étaient occupés d’organiser un comité insurrectionnel. Les Nés Bellaunay et Noel Pascal, dont je vous ai parlé plus haut, furent proclamés. Le nom d’un 3e le Sr Monier, Membre du Conseil municipal, figure également au bas d’une proclamation Mais ce particulier était absent et a fait constater, dès le 6, son alibi en se présentant devant le Procureur général de la Cour d’Aix et en désavouant la Jacquerie des Basses Alpes. Plus tard l’avocat Debout et l’ex juge de paix Bouche, vinrent prendre leur part du pouvoir insurrectionnel. C’est en cette qualité qu’ils m’ont visité, le 6 décembre, à la maison d’arrêt.

Le Nouveau comité chercha aussitôt, à étendre partout l’insurrection. A Forcalquier, a Manosque, dans tous les chefs lieux de canton, sauf celui de Reillanne qui est resté constamment fidèle à la loi, les caisses publiques sont dépouillées, les courriers sont arrêtés et toutes les dépêches portées à la Sous Préfecture ou dans les hôtels de ville devenus les quartiers généraux de l’émeute. L’honorable M. Dépieds, l’un des hommes les plus considérables du pays, est jeté en prison et, bientôt, relaxé. Une proclamation du comité met l’arrondissement en état de siège et enjoint, sous peine de mort, à tous les habitants qui n’ont pas pris part au mouvement du 5 Xbre  d’apporter leurs armes à la Sous Préfecture. Les visites domiciliaires assurent l’exécution de cette mesure. Une autre proclamation ordonne à tous les citoyens de 18 à 25 ans, sous peine de mort, de se joindre à la colonne expéditionnaire qui marche sur Digne.

Les ordres du comité partent pour les trois cantons de Reillanne, de Banon et de St Etienne où l’insurrection ne triomphe pas encore. A St Etienne[26] le Maire et la garde nationale arrêtent le porteur des sommations des insurgés mais, bientôt, écrasés par le nombre, ils sont obligés de fuir. Des désordres affreux sont commis. La maison du Maire est pillée de fond en comble et les minutes de son notariat jetées pêle-mêle au milieu de la rue, lui même n’échappe à la mort que par la fuite[27]. A Lardié[28], commune du même canton, l’ancien maire Jullien est trainé par une foule furieuse à la maison d’arrêt de Forcalquier.

A Banon[29] les chefs de section Aillaud[30], tailleur d’habits, et Romany[31] donnent le signal du mouvement. La garde nationale armée par M. Clément[32], Maire et Membre du Conseil général, le Receveur des Domaines et un cafetier dont j’ignore le nom font une démonstration qui disperse l’émeute. Mais, deux jours après, Aillaud et Romany étaient revenus à la tête d’une tourbe de mauvais sujets du canton de St Etienne, la garde nationale mit les armes en faisceaux et se dispersa. Il y a eu peu d’excès commis dans cette localité. La plupart des communes du canton n’ont pris aucune part à l’insurrection. Cependant le Maire du Revest des Brousses[33], M. Testanière, dont le dévouement avait, depuis deux ans, excité la fureur des démagogues, a été arrêté et jeté en prison.

A Reillanne[34], l’initiative prise, d’après mes ordres, par le Suppléant de la justice de paix, le digne M. Arnaud, qui en face d’une municipalité plus que suspecte[35] s’était, dès le 4 décembre, emparé des fusils de la garde nationale et les avait distribués à des hommes surs, a maintenu l’ordre jusqu’au bout. La gendarmerie dans ce canton n’a pas un instant cessé son service. Une vingtaine de montagnards seulement partirent de Cereste[36] pour Forcalquier, le 5 décembre, sans que leur chef, le docteur Chassan[37], ait osé les suivre.

Il paraît que la Commune de Lincel[38], dévouée à Louis Napoléon, se serait jointe en masse à l’insurrection

           


                   

[1] Appelé quelquefois Paillard de Saint-Aiglan. Né le 9 mars 1817 à Saint-Mihiel (Meuse). Ancien substitut au procureur à Saint-Pol (Pas-de-Calais, 1842), Avesnes (Pas-de-Calais, 1842 à 1845), Valenciennes (Nord, 1845 à 1848) Il démissionne en mars 1848 (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Annuaire rétrospectif de la magistrature XIXe-XXe siècles, Centre Georges Chevrier (Université de Bourgogne/CNRS.) Avant la sous-préfecture de Forcalquier, il avait été secrétaire particulier du préfet de police Rebillot (au 11 juin 1849). Le soir du 3 décembre, il avait reçu une dépêche l’informant qu’il était nommé au 1er décembre 1851 sous-préfet de Dunkerque (jusqu’en 1854). Il fut par la suite préfet du Cantal (1854 à 1858), de Lot-et-Garonne (1858 à 1864), du Puy-de-Dôme (1864 à 1866) puis du Pas-de-Calais (1866 au 5 septembre 1870, mis à la retraite). (René Bargeton, Pierre Bougard, Bernard Le Clère, et Pierre-François Pinaud, (Dictionnaire biographique des préfets du 11 ventôse an VI au 4 septembre 1870, Centre historique des Archives nationales, 1981). Chevalier de la Légion d’Honneur le 10 décembre 1850, officier le 14 août 1862, commandeur le 7 août 1869. Il obtint également des décorations étrangères : ordre de Léopold de Belgique (1855), de Saint-Grégoire le Grand (Vatican, 1859), de l’Etoile polaire (Suède, 1867), du Medjidié (Empire ottoman, 1869) (Archives nationales, base Leonore, LH//2035/53). Archiviste paléographe, formé à l’Ecole des Chartes (promotion 1839), il a publié dans les Mémoires de l’Académie royale de Belgique (1844) et la Bibliothèque de l’Ecole des Chartes (1840 et 1848) sur l’invasion normande et les abbayes aux VIIe et IXe siècles (Persée) et Fragment d’un mémoire sur les invasions des Northmans sur les bords et au midi de la Loire (s.d) ainsi que Histoire des invasions des Northmans dans la Morinie (1858) et Histoire de l’Hôtel de la Préfecture d’Agen (1860). Bibliographie sur IdRef. Décédé le 2 mars 1903 au château de Charly, à Mazille (Saône-et-Loire).

[2] Joseph Buisson, liquoriste à Manosque où il est né le 2 août 1817. Elu maire en 1848, il est révoqué en février 1850 pour son activisme républicain. La commission mixte l’a condamné par contumace à l’Algérie plus car : « Chef de parti et de société secrète. Propagandiste. Membre du Comité de résistance. Signataire des proclamations. Auteur de pillage et d’incendie. Organisateur de tous les mouvements de désordre. » Décédé le 14 avril 1886 à Manosque.

[3] Lire Mane.

[4] Le duc de Morny, nommé lors du coup d’Etat.

[5] Albert Paulmier, né le 31 mai 1824 à Cahors (Lot). Il est en poste à Forcalquier depuis le 17 février 1851. Après avoir été fait chevalier de la Légion d’Honneur le 13 janvier 1852, il est promu procureur à Gien (Loiret) en mars de la même année. Il est admis à la retraite par l’épuration de la magistrature effectuée par la loi du 30 août 1883. Décédé le 18 juillet 1900. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Annuaire rétrospectif de la magistrature XIXe-XXe siècles, Centre Georges Chevrier (Université de Bourgogne/CNRS) et Archives nationales, base Leonore, LH//2071/22)

[6] Elzéar Jean Manuel, né le 19 juillet 1801 à Forcalquier où il est négociant. Condamné à l’Algérie plus car : « C’est chez lui que se tint une réunion des principaux chefs et fut décidé l’insurrection. Président de la Commission insurrectionnelle. » Transporté à Oran. Sa peine est commuée en surveillance le 15 août 1852. Décédé le 6 juillet 1867 à Forcalquier. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS) et Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. La loi de réparation nationale du 30 juillet 1881, Archives nationales, 1992, p. 42)

[7] Eugène Manuel. Condamné à la surveillance car : « Affilié. Chef de section. S’est rendu en armes à Digne. » (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[8] Pierre Emmanuel Escoffier. Condamné par contumace à l’Algérie plus car : « Président de société secrète. Membre du Comité de résistance de Forcalquier et de Digne. Très exalté. Par sa généreuse intervention, il a sauvé des magistrats qu’on voulait assassiner. » Il s’exile en Sardaigne. Transporté en 1858 à Tlemcen. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS) et Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. La loi de réparation nationale du 30 juillet 1881, Archives nationales, 1992, p. 34)

[9] Marie Joseph, dit Marius Debout, né le 4 février 1822 à Forcalquier. Condamné à l’Algérie plus car : « Assistait au conciliabule préparatoire. A publié une proclamation faite par lui de concert avec M. Martin, juge. Porté sur l’état des Bouches du Rhône, n° 388. » Transporté à Sidi Brahim. Gracié le 2 février 1853. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS). Maire de Forcalquier de 1871 à 1878, conseiller général du canton en 1871, réélu en 1874 jusqu’en 1880. Procureur à Céret (Pyrénées-Orientales, 1880 à 1882), puis juge au tribunal de Gap (Hautes-Alpes), où il meurt du choléra le 21 août 1884. (Eloïse Magilaner, « Républicain comme Marius Debout ! », Bulletin de l’Association 1851-2001, 2, juillet 1998 et Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Annuaire rétrospectif de la magistrature XIXe-XXe siècles, Centre Georges Chevrier (Université de Bourgogne/CNRS)

[10] Jean Louis Noé, dit Noël, Pascal. Né le 23 avril 1825 à Saint-Pierre-et-Saint-Martin-d’Argençon (Hautes-Alpes) (AD Hautes-Alpes, 2E160/3/3). Ancien instituteur d’Aubignosc. Condamné par contumace à l’Algérie plus car : « Chef de société secrète. A pris les armes. Président du Comité de résistance. Très dangereux. » (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS) Exilé à Nice. Secrétaire général de la préfecture du Doubs (1870). Décédé en 1889. (Mémoire du Dr Verrier sur le Département des Basses-Alpes au moment du Coup d’État, Congrès des Sociétés savantes de Provence, Marseille 31 juillet — 2 août 1906, Aix-Marseille, 1907) On lira : Paul Varcin, « La loi Falloux, le recteur Fortoul et l’instituteur Noël Pascal », Bulletin de l’Association 1851-2001, 18, octobre/novembre 2001.

[11] Vingt-deux poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[12] Vint-six poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[13] Seize poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[14] Vingt-neuf poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[15] Trente-six poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[16] Douze poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[17] Jean Baptiste Taillandier. Né le 6 mai 1821 à Arnay-le-Duc (Côte-d’Or). Condamné à l’Algérie plus car : « A participé à l’arrestation du sous-préfet. Est allé à la poste chercher des dépêches en son nom. Dangereux. » Transporté à Sidi Brahim. Gracié le 2 février 1853. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[18] L’agression sur le sous-préfet a été jugée par le 2e Conseil de Guerre de Marseille fin avril 1852. On en trouve le compte-rendu dans Le Journal de Toulouse des 1, 2 et 3 mai.

[19] Pierre Joseph Godefroy, charron à Forcalquier. Né à Peyruis (Basses-Alpes) le 26 novembre 1816. Condamné par contumace à l’Algérie plus car : « Chef de société secrète. Etait en armes à Forcalquier. S’est rendu à Digne. Convictions ardentes. ». (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS) Exilé en Argentine. (Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. La loi de réparation nationale du 30 juillet 1881, Archives nationales, 1992, p. 37)

[20] Deux-cent douze poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[21] Il doit s’agir de :

Louis Bressier, portefaix à Manosque, né à la Tour d’Aigues (Vaucluse) le 16 avril 1805, condamné à Cayenne car : « Affilié. Assistait à la distribution de la poudre. A participé à l’arrestation de M. le sous-préfet. Chef de la bande qui le conduisit à Manosque. A forcé le conseil municipal à publier les proclamations du comité de résistance. Condamné à un an de prison pour détention de munitions [en novembre 1850]. » Embarqué le 29 mai 1852. Sa peine est commuée en expulsion le 30 décembre 1854, puis en surveillance le 16 août 1855. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

Et de Pierre Magnan, dit Gaspard, cultivateur à Manosque où il est né le 16 avril 1807. Condamné à Cayenne car : « Affilié. A participé au pillage des caisses publiques. S’est rendu en armes à Digne et aux Mées. Actif à la propagande. Très dangereux. Condamné à un an de prison pour détention de munitions de guerre. » Embarqué le 29 mai 1852. Décédé aux Iles du Salut le 13 mars 1854. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[22] Dauphin Antoine Bienvenu Tourniaire, cordonnier à Manosque, né le 24 décembre 1831 à Puimichel (Basses-Alpes). Condamné par la commission mixte à l’Algérie plus, il est renvoyé devant le Conseil de Guerre de Marseille car : « Dossier n° 1160. Algérie Plus. S’est rendu en armes à Forcalquier. A participé au sac de la poudrière, à l’arrestation des gendarmes et à celle du sous-préfet. Dossier n° 1161. Conseil de guerre. Tentative de meurtre sur un fonctionnaire de l’ordre administratif à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. » (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS). Le compte-rendu du Conseil de Guerre a été publié dans Le Journal de Toulouse des 1, 2 et 3 mai 1852. Il a été condamné à 5 ans de réclusion, l’intention de donner la mort ayant été repoussée. (Le Journal des Débats, 3 mai 1852)

[23] Antoine Thérèse Ferdinand Léonce Correnson, né le 28 mars 1812 à Montpellier (Hérault). En poste à Forcalquier depuis 1850. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Annuaire rétrospectif de la magistrature XIXe-XXe siècles, Centre Georges Chevrier (Université de Bourgogne/CNRS)

[24] Joseph Antoine Latour-Bellonet, né à Frontignan (Hérault) le 10 juin 1803. Condamné à l’Algérie plus car : « Membre du Comité de résistance. A signé des proclamations menaçantes. » Transporté à Tlemcen. Sa peine est commuée en expulsion le 7 février 1855, puis en surveillance en Algérie le 11 juillet de la même année. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[25] Louis Marius Rouit, né à Mane le 21 pluviôse an VII (9 février 1799). Condamné à l’Algérie plus car : « Affilié actif et influent. Dans la nuit du 4 au 5 a fondu des balles chez lui. Des hommes y montaient la garde. S’est rendu à Forcalquier, à Labrillanne et à Manosque. Exerçait un commandement. Excessivement dangereux. Rusé, chef de parti astucieux et hargneux, toujours en lutte avec l’autorité, plusieurs fois révoqué comme Maire [en octobre 1849]. » Transporté à Sidi Brahim. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS) Décédé le 23 juin 1878.

[26] Trente-cinq poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[27] On pourra lire : Gisèle Roche-Galopini, St Etienne les Orgues et la gloire de la Montagne, Mane, Alpes de Lumière, Cahiers de Salagon, 2, 1994 ; réédition, Les Mées-Forcalquier, Association 1851 pour la mémoire des résistances républicaines et C’est-à-dire éditions, 2010, 176 p.

[28] Lire Lardiers. Vingt-et-un poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[29] Dix-sept poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[30] Auguste Joseph Aillaud, né à Banon vers 1795. Condamné à l’Algérie plus car : « Affilié. Chef dans le canton. A reçu l’ordre de partir et l’a transmis au chef de section. S’est rendu en armes à Forcalquier, à Digne et aux Mées. Bonne réputation. Chef de parti. Très influent. » Transporté. Décédé le 20 mai 1856 à Banon. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS) et Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. La loi de réparation nationale du 30 juillet 1881, Archives nationales, 1992, p. 23)

[31] Paulin Romany, propriétaire né à Banon vers 1802. Condamné à l’internement (à Tarbes, Hautes-Pyrénées) car : « A été pendant 24 heures délégué du Comité insurrectionnel. S’est bien conduit. Faible. Bons antécédents. » (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[32] Auguste Dieudonné Godefroy Clément, notaire.

[33] Vingt poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[34] Dix poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[35] Conduite par Jean Baptiste Roman, propriétaire né à Reillanne vers 1819. Condamné à l’internement [à Châteauroux, Indre] car : « Maire. Affilié. Influent. A empêché sa commune de s’insurger. » Sa peine est commuée en surveillance le 15 août 1852. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[36] Trente cinq poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[37] Pierre Paul Chassan, né à Puimichel (Basses-Alpes) le 6 février 1810. Condamné à l’internement car : « Agent actif de propagande. » Il est gracié le 12 janvier 1853. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)

[38] Deux poursuivis par la commission mixte. (Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier – (Université de Bourgogne/CNRS)