Jean-Pierre Caminade
mise en ligne le 7 août 2025
Jean-Pierre CAMINADE, un insurgé de 1851
par Hugues CATTIN
En 1848 Jean Pierre CAMINADE, âgé de 38 ans, vient s’installer à Gien (Loiret) comme teinturier-dégraisseur avec la perspective d’établir une entreprise et d’acquérir une belle fortune.
À la suite du coup d’État du 2 décembre 1851, sa vie bascule. Interné en Algérie, il rentre en France pour constater sa ruine. Trente années plus tard, en 1880 souhaitant bénéficier de la loi accordant une indemnisation aux victimes du 2 décembre 1851, il adresse aux autorités un dossier relatant « sa transportation ». Voici son témoignage.
« En 1852, écrit-il, suite au coup d’état, je fus enlevé brutalement à mes affaires. Arrêté le 26 janvier 1852, accusé de faire partie d’une société secrète, je fus entendu par un juge d’instruction. »
Faute d’éléments il est relâché le 14 février 1852 puis à nouveau arrêté le 6 mars de la même année. Cette fois, sans avoir été auditionné par un magistrat, le 12 du même mois, il est envoyé en Afrique.
« A partir de Riom, je fus enchaîné par le cou et les poignets avec un forçat qui avait tué sa femme, tandis qu’à côté de moi il y avait deux condamnés aux travaux forcés pour viol, simplement attachés avec une chaînette aux poignets ».
« Au cours du voyage je fus mis en joue par un gendarme qui m’avait si fort serré les poignets que ma main était devenue toute bleue ce qui m’arracha une plainte. Il me dit que c’était assez bon pour moi. Ayant répondu que c’était une brutalité inutile il me mit en joue disant que si j’avais le malheur de bouger et de me plaindre à nouveau il me brulerait la cervelle ».
Conduit à pied, de brigade en brigade, en attendant sa déportation vers l’Afrique il est regroupé avec d’autres insurgés de 1851, sur un navire désaffecté. Il est confronté à un exil qu’il estime injuste et excessif. C’est un homme désemparé qui ignore tout de sa destination et de son avenir. Embarqué sur un bateau-prison, Caminade, échoue au camp de Birkadem dans l’Algérois. Il y subit la maltraitance des garde-chiourmes et y connaît la faim. Fin 1852, il est autorisé à revenir en France. Il regagne Gien où on le reçoit comme un paria. Sans cesse injurié par des « gens à la solde du pouvoir », il est placé sous surveillance de haute police, tel un criminel. Cette mesure lui interdit de reprendre ses activités professionnelles.
« Je décide, dit-il, de quitter Gien, surtout que le sous-préfet Sully-Brunet m’a dit que, pour moi, le mieux était de m’en aller, ou, sans cela on pourrait bien me renvoyer plus loin que d’où je venais. »
Déchiffrant ces menaces, Caminade vend son établissement, quitte Gien et se rend à Paris où il crée, 20 avenue de Trudaine, une imprimerie qui publie un petit journal industriel, hebdomadaire.
Vingt années après le coup d’État, Amaury DREO, député du Var déposa en 1872 un projet de loi proposant d’indemniser les insurgés de 1851. Ce texte, d’abord repoussé, fut repris par TALANDIER…
Ce n’est seulement qu’en 1881, à la suite d’un rapport de WALDECK ROUSSEAU, que l’on décida de l’attribution des dédommagements…