Alfred Habrant

page mise en ligne le 16 juillet 2025

 

Un fusillé de Décembre

 

article paru dans La Justice, 14 décembre 1881

 

Un des fusillés de décembre 1851, M. Habrault, vient de mourir. Son histoire est des plus curieuses.

Au mois de décembre 1851, M. Habrault était mécanicien au chemin de fer du Nord. Il prit les armes avec quelques patriotes de son quartier et construisit près de la barrière de la Chapelle une barricade qu’il défendit vaillamment.

La barricade prise, ceux qui la défendaient furent saisis, adossés au mur de l’octroi et fusillés.

Habrault était du nombre.

Lorsqu’il tomba, il respirait encore, et même avait gardé toute sa connaissance. Dans leur précipitation les soldats l’avaient mal fusillé.

Le malheureux eut le sang-froid de ne faire aucun mouvement tant qu’il fit jour, mais lorsque la nuit fut venue, il recueillit ses forces et se traîna chez un pharmacien de la rue de la Chapelle, qui consentit à le recevoir, non sans difficultés.

Le lendemain matin on venait l’arrêter, mais, plus heureux que Martin Bidauré, il ne fut pas fusillé une seconde fois. On le mena à l’hôpital Saint-Louis, où on le guérit.

Quand ses blessures furent cicatrisées on l’envoya au fort de Bicêtre et de là au fort d’Ivry, puis en Afrique. Il fit partie du convoi qui quitta le Havre par le Berthollet.

Habrault revint à Paris après un an de prison dans les camps. Comme il ne pouvait reprendre sa profession, il se fit feuillagiste. Il se maria et arriva par son travail, ainsi que celui de sa famille, à se faire une position aisée.

Ce courageux démocrate est mort d’une congestion cérébrale.

 


[Alfred] Saintin Habrant, né le 13 mars 1821 à Damvillers (Meuse), chauffeur mécanicien, fut condamné à l’Algérie plus car : « Socialiste dangereux. La terreur des locataires de sa maison. Était au nombre des défenseurs de la barricade élevée à la barrière de la Chapelle où il fut grièvement blessé. Recrutait des soldats à l’émeute. Paraît avoir fabriqué de la poudre. » Transporté à Alger, il obtint une remise de peine le 2 février 1853.