Jean Antoine Blanc

article mis en ligne le 5 novembre 2023

 

Émeutier, déporté, gracié puis … indemnisé

 

Lui, c’est Jean Antoine BLANC qui travaille dans l’administration en tant que peseur public. Il avait exercé précédemment le poste de commissaire de police mais avait été condamné à 15 jours de prison pour rébellion lors des émeutes de 1848.

L’histoire de Jean Antoine se passe à Pézenas. Un républicain convaincu qui n’a pas hésité à donner à sa fille des prénoms – Marie Anne Rouge – en référence aux couleurs du drapeau tricolore.

Le coup d’État du 2 décembre 1851 est l’acte par lequel, en violation de la légitimité constitutionnelle, Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République française depuis trois ans, conserve le pouvoir alors que la Constitution de la 2ème République lui interdisait de se représenter.

Jean Antoine a manifesté son opposition au coup d’état ; il est arrêté en février 1852 aux motifs de moralité douteuse, insurrection, membre de la commission révolutionnaire et membre d’une société secrète. Il n’est pas jugé par un tribunal car les tribunaux ont été privés de leur autorité. Ce sont des commissions administratives – aux ordres du pouvoir – qui décident des sanctions à appliquer.

Jean Antoine est incarcéré en février 1852 en attendant son ʺjugementʺ. Marie Anne Rouge Marguerite, née le 16 février 1851, a tout juste un an. Elle a fait quelques pas vers son père lors d’une visite à la prison de Pézenas.

La commission mixte de l’Hérault le condamne à être ʺtransportéʺ, c’est-à-dire déporté en Algérie dans la province de Constantine. La décision est : Algérie moins ; ce qui implique des conditions moins dures que s’il avait été déclaré Algérie plus. Cela signifie une résidence libre dans la ville de Guelma mais avec la souffrance morale de l’exil sur une terre encore mystérieuse.

Les conditions de voyage sont pénibles et humiliantes. Les proscrits sont enchaînés trois par trois par le cou et portent leur chaîne de Pézenas à Béziers. Ils sont piqués à l’épée lorsqu’ils ne marchent pas au pas des soldats. Après une nuit en prison, c’est le départ en bateau de poste par le Canal du Midi jusqu’à Cette (Sète). Sur le bateau, ils sont attachés par le poignet avec une corde deux par deux. Le 25 avril 1852, du navire ʺRequinʺ ils débarquent à Bône en chantant ʺLa Marseillaiseʺ.

Quelles furent ses activités à Guelma ? Nous ne le savons pas mais voilà à quoi ressemblait cette localité en 1854 : De nombreux vestiges de l’occupation romaine témoignent encore aujourd’hui de l’antique prospérité de Guelma. La Seybouse traverse son territoire, et sur les rives s’élèvent déjà quelques usines pour utiliser les chutes d’eau. Les prairies, les oliviers, […] quelques fermes éparses au milieu des ruines, donnent à toute cette contrée un air si vivant, qu’on la dirait peuplée. […] La position de Guelma est fort importante comme centre de colonisation et de commerce. C’est à Guelma que se vendent les bestiaux les plus estimés de toute l’Algérie […][1]

Il restera trois ans seulement en Algérie car il bénéficiera d’une grâce par décret du 16 août 1855[2]. Jean Antoine BLANC rentrera à Pézenas où il exercera les métiers de forgeron puis de cabaretier, il n’est plus question d’être fonctionnaire ! Il bénéficiera de la pension maximale de 1200 francs dans le cadre de la loi de réparation nationale du 30 juillet 1881 pour les victimes du coup d’état[3]. Il décèdera le 6 avril 1885 à Pézenas à l’âge de 66 ans.

 

Michel Piquet

 

 

Sources :

Archives Départementales de l’Hérault et Archives Nationales d’Outre-Mer


[1] Revue des Deux Mondes 1854 tome 7

[2] Université de Bourgogne : Poursuivis à la suite du coup d’état de décembre 1851

[3] Liste alphabétique des pensionnés de l’Hérault comme victimes du coup d’état du 2 décembre – BNF Gallica