Rencontre des Maires ruraux de Provence-Alpes-Côte d’Azur

intervention publiée dans le Bulletin n°24, juillet 2003 et dans 36000 communes, juillet-août 2003

Rencontre des Maires ruraux de Provence-Alpes-Côte d’Azur

Château-Arnoux, 10 mai 2003 – Centre culturel.

 

intervention de René Merle

 

Mesdames, Messieurs, mes chers collègues,

« mes chers collègues » parce que je suis un peu des vôtres, par imprégnation familiale, puisque mon père a été longtemps le premier magistrat de notre commune, épisode qui m’a permis de réaliser quel investissement personnel représentait la fonction de maire, mais aussi parce que j’ai été conseiller municipal, épisode qui m’a confirmé le sentiment précédent.

Mes chers collègues donc, avant de réfléchir avec vous sur les liens historiques majeurs entre commune et démocratie, je dois dire que je parle dans un lieu qui m’est cher, puisque c’est à Château-Arnoux, en 1991, à l’occasion d’une grande initiative associative (Colette Chauvin, ici présente, en était l’initiatrice) et municipale, (M. le maire Escanez était des nôtres), que fut projetée l’association 1851, que j’ai l’honneur de présider. Parce que, en 1991 déjà, nous pensions qu’en des temps de désarroi et de désaveu civique, il n’était pas indifférent de rappeler que tant de simples citoyens, par ce froid décembre 1851, s’étaient levés pour défendre la République.

 

Mais venons-en au propos qui nous réunit, et qui, par le détour du passé, peut nous faire réfléchir au présent et à l’avenir

 

Il faut partir de l’acte fondateur : les communes, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, sont créées par la Grande Révolution.

Les Constituants de 1789 voulaient une réorganisation administrative unifiant le statut de toutes les institutions de France. En remplaçant les provinces par des départements, en instituant les communes, ils donnèrent à toutes les municipalités un statut uniforme. Le fait peut aujourd’hui apparaître banal, mais on conviendra de sa nouveauté en considérant la situation actuelle de partenaires européens, pour ne pas parler des États-Unis, pays fédéraux où le droit municipal peut grandement varier selon les législations intérieures à la fédération.

Uniformité de statut donc pour les communes. Mais quelles communes ? On lit souvent, comme s’il s’agissait d’une simple substitution d’appellation, que l’on a simplement et naturellement transformé les paroisses en communes. Quelle erreur ! Lisez les actes du débat qui agita les Constituants et vous verrez combien il est contemporain. Condorcet et ses amis voulaient diviser la France par un quadrillage géométrique de 80 départements et de 6500 communes. Mirabeau et ses amis penchaient pour le respect des vieux pays, transformés en départements à taille humaine, et pour donner à la plupart des communes des limites paroissiales. Ils pensaient que ces micro-cellules de base, dans une France massivement rurale, seraient plus faciles à contrôler par le pouvoir central.

Mais si leur point de vue a triomphé, c’est avant tout, parce qu’il correspondait à une réalité profonde, celle de la paroisse, dont la définition ne pouvait se réduire à la simple proximité géographique du village.

Les Constituants ne pouvaient aller contre la réalité même d’où était sortie la révolution. En mars 1789, c’est dans chaque paroisse qu’avaient été rédigés les cahiers de doléances, qu’avaient été élus les délégués pour choisir les représentants aux États Généraux.

Et même si l’Histoire ne lui donne comme symbole que la prise de la Bastille, la grande Révolution puise ses racines dans cet immense questionnement des quelque 40.000 paroisses de France.

Et puisque nous sommes en Provence, comment ne pas évoquer les grands mouvements populaires de mars-avril 1789, qui anticipent de trois mois la Révolution parisienne : dans les villes et villages, bourgeoisie et peuple abattent le pouvoir seigneurial, prennent complètement le pouvoir municipal, organisent des milices nationales municipales.

C’est donc ce cadre paroissial qui la Révolution fixera le cadre de la plupart des communes, mais, on ne le soulignera jamais assez, cette fixation se fait dans une rupture décisive avec l’église. L’acte fondamental de la laïcité date de 1792, quand le curé de la paroisse est dessaisi de l’état civil. Dorénavant ce sera la municipalité qui en tiendra les registres, pour tous, y compris les non-catholiques jusqu’alors traités en parias.

Ainsi, d’une certaine façon, la Révolution reconnaissait d’une réalité structurante de la Nation : sous l’appellation désormais officielle de « la commune », c’est l’antique communauté villageoise implantée dans le cadre paroissial qui était prise en compte.

 

Antique, le mot n’est pas trop fort. La communauté naît en effet autour de 1100 de la nécessité de préserver et de gérer les intérêts collectifs des villageois. Elle est fondée par un sentiment de solidarité et responsabilité collective vis-à-vis du seigneur. Elle s’institutionnalise par la charte que concède le seigneur, qui fixe les droits fiscaux et juridiques du seigneur et des paysans. Le contenu des chartes dépend des rapports de forces. Bien des communautés n’obtiennent qu’une charte fiscale gérée par un échevin choisi par seigneur. D’autres, et c’est grandement le cas en Provence, conquièrent leur autonomie : la commune villageoise est une personnalité juridique : elle a son sceau, sa milice, ses représentants élus par la communauté. C’est dire qu’au fil des générations, des aspirations politiques puissantes se sont progressivement cristallisées sur cette institution. Certes, l’institution est naturellement souvent monopolisée par les hommes (“ fremas non son gents… Mai son gentas [1]” disait la maxime médiévale), et, parmi les hommes, par les plus aisés, les bourgeois, les notables, mais, y compris dans ses tensions sociologiques internes, il n’en reste pas moins que la communauté est un véritable laboratoire de la démocratie. De la démocratie universelle. Les communautés provençales portaient d’ailleurs le beau nom de « Universitat ». C’est ainsi qu’un de mes amis, viticulteur et potier près de Néoules, dans le Var, et grand déchiffreur des archives médiévales, peut arborer un tee-shirt qui surprend les touristes, puisqu’il l’a frappé de la vieille appellation :

« Universitat… de Nèules »…

À l’œuvre dans des milliers de microcosmes paroissiaux, la démocratie locale est une réalité historique qui précède la démocratie au plan national. C’est, comme l’écrit P.Y.Collombat, l’inverse du schéma habituel qui sous-entend une sorte de « diffusion » de la démocratie à partir d’un noyau central.

Paradoxe : dans un premier temps, ces entreprises sont favorisées par le Roi de France, qui voit dans l’émancipation communale le moyen de restreindre la féodalité.

Mais ici, jusqu’à la fin du XVe siècle, nous ne sommes pas en France : en Provence indépendante comme en Italie, les communautés se sentent filles de l’Antiquité romaine et nombre de localités modestes aiment se proclamer villes, ville, c’est-à-dire avoir ses remparts (barri), son marché. Dans notre région de droit écrit, où le notariat se développe rapidement, les Communautés se dotent rapidement d’institutions communales autonomes, avec leurs consuls (consols) élus par les concitoyens. Elles deviennent leur propre seigneur. C’est l’âge d’or des communes provençales.

Certes, il faut en les considérant se garder de tout angélisme dans le rapport entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif : Les proverbes provençaux ont toujours fait rimer « coumun » et « degun ». On disait couramment « cu serve lou coumun, serve degun », ou encore « L’ase (l’aï) doou coumun es toujour lou plus mau basta »[2], et j’en passe. Il n’en reste pas moins, on ne le soulignera jamais assez, que ce laboratoire qu’était la communauté enracine notre région dans l’espérance démocratique.

 

Cependant, en France, à partir du XIVe siècle sont jetées les fondations de l’Etat moderne et centralisateur : dorénavant, le pouvoir royal ne va pas cesser d’empiéter sur les anciennes autonomies municipales. Alors qu’en Provence se consolident les libertés communales.

Mais au XVIe siècle, la Provence dans la France, de principal à principal comme on disait, c’est-à-dire exactement comme aujourd’hui la France est entrée dans l’Europe. Le Roi avait promis de garantir les libertés communales provençales. Mais très vite il va tenter ici ce qu’il avait entrepris avec succès en France, où les communautés, non seulement sont ruinées par les impôts de l’Etat, mais perdent leur autonomie financière. Les taxes communales sont versées au trésor royal et reversées en partie pour assurer les dépenses de la ville. Dans les petites villes, le Roi impose ses candidats officiels ou crée des offices de maire. La démocratie locale se réduit à la convocation occasionnelle d’une assemblée de notables. En fait la communauté exécute ce qu’ordonne le représentant du Roi. Dans les villages, le syndic et le collecteur de l’impôt sont élus par l’assemblée générale des habitants, mais placés sous l’autorité pesante de l’intendant de la province.

C’est contre ce destin funeste que résistent fortement les communautés provençales, qui campent résolument sur leurs positions d’autonomie.

À partir de 1750, suscités par des ministres modernisateurs, des projets de réformes municipales anticipent sur ce que fera la Révolution : suppression des offices vénaux, municipalités élues par assemblée générale des habitants de la paroisse, élus choisis parmi propriétaires fonciers, avec toujours avec une forte présence du seigneur et du représentant royal. Ces projets n’aboutissent pas. Sinon la circulaire de 1788 exige des communautés la tenue d’un registre des délibérations et la création d’un local d’archives. La Révolution devait trancher le débat, de la façon que vous savez.

 

Indéniablement, la réforme satisfaisait à la demande qui était montée de tous les cahiers de doléances : on avait demandé partout l’administration de la commune par des syndics librement choisis par tous les habitants, et dégagés de la tutelle des seigneurs. Avec la réforme disparaissait définitivement la tutelle des seigneurs. Mais qu’en était-il du libre choix des habitants ? Qu’en était-il du rapport à la tutelle de l’État ?

Dès la naissance des communes, en 1789-90, apparaît une double tension qui se perpétuera durant tout le XIXe siècle, et au-delà : une tension interne à la commune, et une tension externe.

 

La tension interne porte sur les modalités de fonctionnement de la démocratie communale. Sous la monarchie constitutionnelle de 1790-91, le conseil municipal est élu au suffrage censitaire. Seuls votent les hommes de plus de 25 ans qui paient une contribution égale à trois jours de travail. Soit dans nos villages et petites villes à peu près la moitié des citoyens. La fonction municipale reste de fait réservée à des notables.

Avec la République jacobine de 1792, le conseil municipal est élu dorénavant au suffrage universel masculin et en 1793 l’âge du vote est ramené à 21 ans. Ainsi accèdent aux responsabilités municipales, pour la première fois, des gens du peuple.

Mais après la chute des Jacobins montagnards et de Robespierre, en 1794, on reviendra au suffrage censitaire favorisant les notables.

Voilà pour la tension interne.

 

Quant à la tension externe, il s’agit, bien entendu, du rapport fondamental de la commune à l’État. Les 83 départements qui viennent de naître ne sont qu’une division administrative du territoire, et non pas de nouvelles collectivités territoriales. Mais qu’en est-il de la commune ? Toute la période révolutionnaire est traversée d’une tension entre une vision étatique de la commune, simple entité administrative, courroie de transmission, et des aspirations très fortes à l’autonomie communale de gestion, dont Paris donne l’exemple, avec sa première Commune de 1792.

En fait, la commune est conçue comme la cellule administrative de base. Le corps municipal, élu pour 2 ans, renouvelables par moitié chaque année, et son maire doivent assurer l’exécution des lois, dresser le budget communal, répartir et recouvrer les contributions, procurer des subsistances à leurs administrés, organiser des gardes nationales.

Ainsi, dans cette société très majoritairement rurale, la commune apparaît à même de gérer ses biens, de pourvoir à la satisfaction de besoins qui ne dépassaient cependant pas les limites d’un territoire limité. Et cela apparaissait plus ou moins conciliable avec le développement de cette centralisation que l’on qualifie un peu vite aujourd’hui de jacobine. Un peu vite, car elle a été en fait la marque de tous les gouvernements du temps.

D’ailleurs, épisode majeur qui est grandement ignoré : après la chute des Jacobins et de Robespierre, le gouvernement supprima purement et simplement les municipalités : en 1795, elles furent remplacées par des entités cantonales, chaque commune élisant un agent municipal qui la représentait au canton, sans pouvoir réel. On ne justifiait pas la mesure, comme on peut le faire aujourd’hui, par une inadaptation de la commune à de nouvelles réalités socio-économiques. Il s’agissait tout simplement d’assurer la dominance absolue du pouvoir central.

En fait, la réforme s’avéra invivable. Donc, dès son coup d’État de 1799, le très réaliste Bonaparte, premier consul puis empereur, en revenait aux municipalités. Mais dorénavant elles n’étaient pas élues, les maires étaient nommés par les préfets (créés en 1800) dans les localités de moins de 5000 h, ou par l’Empereur pour les autres.

Ainsi arrivait à son terme la centralisation qui dépouille l’administration municipale de l’essentiel de ses pouvoirs et de ses moyens, tendance qui participe intimement de la nature de l’État moderne.

Les 50 ans qui suivent, soit toute la première moitié du XIXe siècle, sont marquées par la pression qu’exerce le mouvement communaliste (je dis bien communaliste), partie intégrante du mouvement démocratique, pour reconquérir ces libertés municipales perdues. Le mouvement communaliste se refusait à voir dans la Commune une simple unité de base administrative, cantonnée dans un rôle utilitaire, et subordonnée au pouvoir central. Il appuyait sa revendication du rappel d’une longue histoire que l’on ne pouvait pas balayer d’un revers de main.

 

Dorénavant, à chaque poussée révolutionnaire entraînant un changement de régime correspondra un progrès de la démocratie communale.

Ainsi avec la chute des Bourbons et l’avènement de la Monarchie de Juillet en 1830, les conseils municipaux sont élus au suffrage censitaire (1831). La commune obtient une personnalité civile. Mais le maire est nommé par le préfet, il est à la fois le représentant de l’Etat et l’exécutif du conseil municipal.

Le changement capital est celui de la Seconde République, en 1848. Les conseils municipaux sont élus au suffrage universel masculin, et le maire est élu en son sein par le conseil municipal. C’est un vrai bouleversement démocratique.

Mais aucune indemnité n’était accordée au maire, ce qui fermait de fait l’accès du poste aux plus modestes.

Et surtout la Constitution de 1848 remettant à plus tard l’examen du statut et des attributions des communes, alors même qu’elle opérait un renforcement décisif du pouvoir central avec l’apparition d’un Président de la République (élu au suffrage universel et tout puissant chef de l’exécutif).

Cependant, avec le suffrage universel masculin, les communes rurales entraient pleinement dans la vie politique nationale. Et cette entrée se fit essentiellement par la politisation de la vie communale : l’élection municipale, transcendant les traditionnelles luttes d’influences et de clans, devenait la pierre de touche des conscientisations politiques.

Ainsi nombre de villages et de petites villes furent majoritairement gagnés à l’idéal démocratique, quand cet idéal n’apparaissait pas seulement comme une conscience éclairée « descendant » de Paris, mais se fondait aussi sur les traditions, les pratiques et les idéaux des communautés rurales.

En décembre 1851, le président de la République Louis Napoléon s’arrogeait tous les pouvoirs par un coup d’État. 

Alors que l’appareil d’état basculait du côté de l’usurpateur, et que l’armée noyait la résistance parisienne dans le sang, la résistance gagna la province, et particulièrement des départements provençaux. Elle fut même victorieuse dans les Basses-Alpes.

Cette insurrection fut le fait des campagnes et des petites villes. Très majoritairement rurale donc, cette insurrection fut aussi, de façon remarquable, une insurrection départementale, et dans ce cadre départemental, ce fut une insurrection communale.

C’est dans chaque commune que les résistants maintinrent la municipalité si elle condamnait le coup d’état, la remplacèrent par une municipalité insurrectionnelle si elle hésitait ou acceptait le coup de force.

Mais la Commune n’était pas seulement un commode « espace de base » du mouvement insurrectionnel. Le pouvoir central étant usurpé, c’est dans et par le cadre le plus immédiat, le plus concret et le plus affectif de la vie administrative et politique que s’affirmait la défense de la République. La Commune devenait véritablement « unité de base » de la démocratie en s’affirmant détentrice de la souveraineté républicaine. Cette initiative inouïe mettait à bas la conception traditionnelle (royaliste, impériale ou républicaine) qui inscrivait la souveraineté dans le seul pouvoir central.

Ainsi, dans la crise et dans l’urgence, s’affirmait une tendance communaliste depuis longtemps déjà à l’œuvre, tendance qui se refusait à voir dans la Commune une simple unité de base administrative, cantonnée dans un rôle utilitaire, et subordonnée au pouvoir central. Ainsi décembre 1851 fut un de ces moments exceptionnels qui révèlent sur la réalité communale ce que les discours convenus occultent souvent.

Ce regard sur une période déjà lointaine de notre histoire, et pourtant si proche, nous amène donc à réfléchir encore plus sur le rôle que la démocratie locale peut (et doit) jouer dans la République, sur le fait que la souveraineté du peuple ne s’exprime pas seulement par la voie de l’élection législative et du référendum national, mais qu’elle peut aussi se manifester autrement, au premier chef par la démocratie locale. La commune est aussi une réalité politique, un des lieux d’expression de la souveraineté et pas seulement une entité administrative.

 

C’est bien ce qu’avait compris Louis-Napoléon, devenu empereur en 1852. Un de ses premiers gestes est de décider que si les conseils municipaux demeureront élus au suffrage universel masculin, dorénavant les maires seront à nouveau nommés par le préfet et pourront même être choisis en dehors du conseil municipal. La centralisation va progresser à pas de géants pendant les 19 années du Second Empire.

 

C’est donc contre cela que lutte encore et à nouveau le mouvement communaliste. Il réclame non seulement le retour à l’élection du maire, mais encore l’élection dans la commune du juge, et du commissaire de police.

Certes, l’industrie et les villes se développent sous le Second Empire, mais la France reste grandement un pays rural, un pays de petites villes et de villages, où l’univers social s’inscrit dans un cadre de proximité et où s’exprime naturellement le désir de ne pas déléguer son pouvoir de citoyen, de participer directement au règlement des affaires de la communauté et se former ainsi à la démocratie nationale.

Mais ce courant communaliste, pour vivace qu’il soit, n’est pas majoritaire : les 19 années du Second Empire avaient assuré dans les faits et dans les esprits un renforcement décisif du pouvoir central. Quand la République est rétablie en 1871, la suprématie du centre avait grandement été intériorisée.

Certes, c’est le sentiment communaliste qui explique l’adhésion, elle aussi bien souvent occulté par l’histoire, de tant de communes rurales de notre grand Sud-Est aux Communes révolutionnaires de 1870-71, celle de Paris ou celle de Marseille. Communes qui proclamaient une France nouvelle, où la commune, collectivité administrative décentralisée, jouerait un rôle majeur au sein d’une organisation étatique fédérale.

Mais cette aspiration communaliste devait être définitivement brisée avec l’écrasement sanglant de la Commune de Paris.

Avec la IIIe République, la loi de 1884 affirme le principe de l’élection des maires en son sein par le conseil municipal et reconnaît l’autonomie communale.  » Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune « . Mais, vous le savez, le préfet reste l’autorité de contrôle et la seule autorité exécutive du département. 

Au cours du XXe siècle, l’évolution de la société industrielle devait créer un déséquilibre progressif entre le milieu rural et le milieu urbain, de sorte que l’institution communale traditionnelle, sera menacée dans son infrastructure sociologique. L’interrogation va naître sur ses capacités à assumer ses responsabilités d’intérêt public, comme elle naîtra sur les solidarités à tisser entre les centres urbains de grande dimension et une société rurale en mutation. Ainsi, et tous particulièrement depuis 1982, se posent de nouvelles interrogations sur la démocratie communale, son rapport aux nouvelles institutions nationales et européennes, et son rapport aux groupes de pressions économiques, pour ne pas dire aux lobbies. Ce sera l’objet des interventions ultérieures et de votre réflexion, sur lesquelles je ne veux pas empiéter. Mon seul propos était en ouverture de cette journée de rappeler que la commune, et tout particulièrement la commune rurale, est une réalité historique et sociologique enracinée dans l’apprentissage et la pratique de la démocratie, et que cet enracinement expliquent la résistance des communes à toute entreprise visant à réduire leur nombre ou à les supprimer.



[1] Graphie mistralienne : fremo (femo) noun soun gènt… Mai soun gènto. Les femmes ne sont pas des personnes (civiques) mais elles sont charmantes.

[2] Graphie classique : Cu serve lo comun, serve degun. L’ase (l’aï) dau comun es totjorn lo pus mau bastat.

Graphie mistralienne : Qu serve lou coumun serve degun . L’ase (l’aï) dóu coumun es toujour lou plus mau basta. Qui sert la collectivité ne sert personne. L’âne de la communauté est toujours le plus mal bâté.