Le vrai visage d’Hyppolyte Fourtoul

Bulletin de l’Association 1851-2001, n°12, octobre – novembre 2000.

 

Le vrai visage d’Hippolyte Fortoul

 

Pressé par le président d’une association qui se donne comme vocation la défense du patrimoine dignois, l’inspection académique a apposé sur ses murs le nom d’un homme qui après s’être déclaré républicain, s’est mis au service du pouvoir totalitaire.

Cet homme, né à Digne d’un père qui fut le premier magistrat de la ville, se fit connaître comme ministre de Napoléon III qu’il servit avec docilité. Hippolyte Fortoul fut un universitaire brillant, cela est incontestable, mais ce fut aussi un homme politique : en 1849, les électeurs des Basses Alpes l’avaient envoyé à la Constituante. À cette occasion, au cours de la campagne électorale, Fortoul déclarait : « ma préoccupation a toujours été de découvrir, sous les formes changeantes dont il est revêtu, le droit éternel de la démocratie ». Dans le même temps, le futur ministre prenait contact avec le prince président et, à force de reptation et d’habilité, il se faisait nommer ministre de la marine.

Lorsqu’on fait un retour en arrière sur les antécédents de ce monsieur, on s’aperçoit que la plupart des membres du gouvernement provisoire de 1848, tous républicains, étaient ses amis. Il y avait là aussi Carnot, George Sand, Lamartine, Edgar Quinet, tous écrivains de tendance fortement démocratique. Fortoul, dont le grand père est originaire de Barcelonnette, se flattait d’être « l’ami des républicains et le neveu de Manuel ». Ces paroles étaient prononcées moins de deux ans avant que le même homme ne mette au pas l’Université qui l’avait accueilli.

 

 

La répression qui suivit le coup d’État de Badinguet allait s’exercer dans tous les domaines. Concernant l’Université, c’est le ministre de l’Éducation nationale, Hippolyte Fortoul, qui allait la mener, et ce, avec une rigueur sans pareille. Dans tous les établissements, la discipline fut renforcée, les brimades furent à l’honneur, des proviseurs furent renvoyés, remplacés par des personnes étrangères à l’enseignement. Le 12 avril 1852, Fortoul signa la révocation de Michelet et d’Edgar Quinet. À rappeler que ce ce dernier s’était joint à Carnot pour introduire Fortoul dans l’Université. La réglementation se faisait humiliante. Les horaires prescrits stricts et uniformes ôtaient toute initiative. Le comble fut l’obligation faite aux membres de l’enseignement de se faire couper la barbe, les barbus faisant figure de révolutionnaires. On n’enseignait pas ce que l’on voulait, les interdictions étaient nombreuses : défense d’approuver Robespierre comme Danton, même défense pour Diderot et ses Salons, Rousseau et le Contrat social.

Bien entendu, il était interdit d’exprimer ses propres idées, et de soutenir ses propres opinions politiques. Le mot « défense » était devenu le mot favori du Bas Alpin Hippolyte Fortoul qui, de député républicain, était devenu le serviteur d’un despote. Pendant ce temps, mille Bas Alpins sont condamnés aux travaux forcés ou à la déportation pour s’être dressés contre la tyrannie, pour la liberté et la République.

Pour l’histoire, les Basses Alpes sont restées le seul département à s’être soulevé en masse, réparant ainsi les fautes commises par un de ses fils. Il reste qu’aujourd’hui une plaque portant le nom d’un homme qui fut en son temps blâmé par ses pairs, figure au fronton d’un établissement qui n’aurait jamais dû l’accueillir, faisant ainsi injure aux hommes et aux femmes qui, par deux fois, en 1851 et en 1944, se sont levés contre la tyrannie et pour la défense de la République.

 

Paul VARCIN