Interrogatoire de Joseph Plauchier

Ce texte a été publié dans la brochure « Résistances. L’insurrection de décembre 1851. La Résistance pendant la deuxième guerre mondiale à Tourves », 2001

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Interrogatoire de Joseph Plauchier

le 2 janvier 1852 devant le juge d’instruction de Brignoles

 

 

Je me nomme Joseph Plauchier, âgé de 42 ans, cultivateur, né à Tourves et domicilié, célibataire.
Demande : Avez-vous été condamné en justice ?

 

Réponse : Non, Monsieur.

 

Demande : Quand avez-vous été reçu membre de la société secrète ?

 

Réponse : au mois de février ou de mars 1851 par Riquier qui m’a fait prêter serment de défendre la République si elle était attaquée ; je n’ai pas prêté d’autre serment. J’observai à Riquier que je ne prenais l’engagement de défendre la République si elle était attaquée, que dans mon pays, que je n’irai pas me battre ailleurs. J’étais chef de section, mes sectionnaires[1]… J’étais capitaine de la garde nationale et on m’avait, en cette qualité, confié le commandement de tous les membres de la société mais je n’entendais pas les faire sortir du pays ni me battre contre qui que ce soit de mon pays.

 

Demande : Mais si vous ne vouliez pas aller ailleurs ni vous battre contre quelqu’un du pays, à quoi aurait servi votre commandement ?

 

Réponse : A me battre contre les étrangers qui auraient envahi le pays.

 

Demande : Puisque vous étiez le commandant, vous deviez connaître tous les chefs de section, désignez les moi ?

 

Réponse : Il y avait Bonnefoy Joseph, dit Petit parrain, cultivateur. Je ne peux pour le moment vous désigner d’autres noms.

 

Demande : Que s’est-il passé pendant l’insurrection ?

 

Réponse : Le 4 décembre au soir j’ai prévenu M. Allaman qu’il serait peut-être bien de faire … la garde[2]. Je suis allé chez M. Allaman avec Riquier pour lui dire qu’un grand nombre de personnes désirait que la garde fût montée à la Mairie pour garder les armes ; M. Allaman me répondit qu’il n’y avait point d’agitation dans le pays et qu’il lui paraissait inutile de faire monter la garde. En sortant de chez M. Allaman, nous vîmes sur la place un rassemblement nombreux, on s’était introduit dans l’escalier qui conduit à la salle de la Mairie, on voulait enfoncer les portes, mais par mes exhortations, je parvins à faire retirer ceux qui voulaient en agir ainsi. Je ne puis vous citer une seule personne parmi celles qui voulaient s’introduire de vive force dans la Mairie. Je fus de là au cercle des travailleurs connu sous le nom de cercle des rouges. Quelqu’un que je ne puis vous désigner parce que je ne me souviens pas qui c’était, vint me dire d’aller chez M. Allaman. Je m’y rendis, j’y trouvai M. Bouchard, commandant de la garde nationale, qui dit à M. Allaman : je vais avec Plauchier coucher à la Mairie. M. Allaman approuva. M. Bouchard prit douze des personnes qui étaient sur la place pour coucher à la Mairie ; on monta la garde toute la nuit. Au nombre de ces douze personnes, il y avait Joseph Bonnefoy, je ne puis pas en désigner d’autres. Je quittai la Mairie le lendemain matin à sept heures et j’allai à mon travail ; je n’y suis plus revenu que le samedi au soir. Ce jour-là, Riquier était venu à Brignoles ; à son retour, il était furieux, il voulait s’emparer de la Mairie et déposséder M. Allaman. Je fis tous mes efforts pour l’en empêcher, mais je ne pus réussir. Probace Verdillon père m’a dit que Riquier était tellement furieux qu’il menaçait de tirer un coup de pistolet sur ceux qui ne voudraient pas venir à la Mairie. J’ai vu Riquier au cercle ce soir là, il m’a montré une liste de membres composant la municipalité qui devait remplacer M. Allaman ; j’étais compris sur cette liste ; je n’aurais pas voulu faire partie de la commission municipale, mais je me décidai à accepter pour m’opposer au désordre que l’exaltation de Riquier me faisait redouter ; ce n’était pas par vanité, car j’étais membre du conseil municipal depuis 1848.

 

Riquier sortit du cercle, je le suivis de loin ; il avait déjà fait marcher tout le monde en les menaçant. Quand il arriva à la Mairie il fit prendre les armes à la plupart d’entre-eux et envoya quelqu’un pour dire à M. Allaman de venir. J’étais présent quand M. Allaman vint. Riquier lui dit qu’il était déchu de ses fonctions. M. Allaman se résigna et se retira. Je m’avançai de M.Allaman et je lui dis avec émotion c’est avec beaucoup de peine que je vois faire une chose pareille, je m’y suis opposé tant que j’ai pu mais il n’a pas dépendu de moi de l’empêcher.

 

Le lendemain dimanche les noms de la commission insurrectionnelle furent proclamés sur la place par le sieur Augustin Cival. Cette commission s’installa à la Mairie ; j’en faisais partie ainsi que je vous l’ai dit.

 

Le lundi matin, je voulais que l’on livrât de nouveau la Mairie à M. Allaman, Riquier seul s’y opposa. Je sortis de la Mairie à dix heures et je fus à mon travail. Le soir, vers les 6 ou7 heures, plusieurs membres de la commission, les sieurs Garrel, Barry, Martin, Pélissier, Tochou et moi fûmes chez M. Allaman pour l’inviter à prendre possession de la Mairie. Il nous a dit qu’il y consentirait, qu’il fallait rendre les armes et que le lendemain, lorsque la troupe arriverait le pays serait calme. Nous dîmes à M. Allaman que Riquier voulait faire partir les gens du pays pour Salernes   pour moi, je m’y opposai de toutes mes forces.

 

Demande : Quelles sont les personnes que vos efforts ont empêché de partir pour Salernes ?

 

Réponse : Je ne puis vous citer personne.

 

Ne savez-vous pas qu’il en est parti pour Saint-Maximin ?

 

Réponse : Non, Monsieur.

 

Demande : Puisque vous étiez le capitaine de la société secrète, dîtes moi quels sont ceux qui en étaient membres ?

 

Réponse : Il y avait le sieur Joseph Bonnefoy, François Pelotier charbonnier, Verdillon Probace. Je ne puis pas en ce moment vous en désigner d’autres.

 

Et plus a été interrogé, lecture faite il a persisté et a signé…

 

 

Et ce jourd’hui quatre janvier mil huit cent cinquante deux a été amené par devant nous le sieur Plauchier dont l’interrogatoire a été continué comme suit.

 

Demande : Depuis votre interrogatoire votre mémoire ne vous a-t-elle pas fait souvenir du nom d’autres chefs de section ?

 

Réponse : Je me souviens de : Castellan André cultivateur, cependant, je n’en suis pas certain, j’en dis autant de Barbarroux Philippe, ouvrier tanneur, même pour ce dernier, je ne fais que le soupçonner ; il y avait Stanislas Paul dit Mielle, le rigaud, le Sélon ; il y avait aussi Gautier dit le rouge. Il y avait je crois Cival Augustin mais je n’en suis pas bien certain. Il y avait Pascal le cantonnier.

 

Demande : qui connaissez-vous parmi les simples sectionnaires ?

 

Réponse : Je ne puis pas vous en désigner parce que je n’ai jamais vu personne et je n’ai assisté à aucune réception et qu’il pourrait peut-être m’arriver de me tromper comme j’ai pu le faire en désignant Probace Verdillon.

 

Je suis bien aise de vous dire que ce n’est point au moment où Riquier me fit prêter serment qu’il me donna le titre de capitaine, il ne m’a donné ce titre que depuis environ trois mois, nous étions au cercle des travailleurs quand il me dit que je commanderais s’il arrivait quelque chose car il ne s’est pas servi du mot capitaine.

 

Demande : Qui deviez-vous commander ?

 

Réponse : Je pensais que je devais commander ceux qui avaient prêté serment entre les mains de Riquier.

 

Lecture faite, il a persisté et a signé…

 

 

 


[1] Texte barré : J’étais chef de section, mes sectionnaires

 

[2]  Texte barré : j’ai prévenu M. Allaman qu’il serait peut-être bien de faire … la garde