L’année du cent-cinquantenaire de 1848

Bulletin de l’Association

N°3 – mai 1999

L’année du Cent Cinquantenaire

 

Alors que s’achève l’année 1998, on peut commencer à dresser un bilan provisoire de la commémoration du cent cinquantenaire de 1848, bilan tout personnel et que d’autres impressions, venant notamment de nos lecteurs, pourront corroborer ou discuter.

Retenons d’abord la discrétion de la commémoration officielle. Certes une exposition et un colloque (impulsé par la Société d’histoire de la Révolution de 1848) ont été organisés à l’Assemblée Nationale. Mais en haut lieu, on s’en est tenu là. La presse a été assez discrète : Marianne, L’Humanité, Le Monde, La Marseillaise ont cependant consacré quelques pages à l’événement.

 

Si l’on en vient au contenu des manifestations diverses qui ont marqué l’année, on constate qu’une dissociation a été opérée de fait entre la commémoration de l’événement politique qu’a été la révolution de 1848 et celle de la mesure humaniste que fut l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. C’est cette dernière qui a accaparé les faveurs des médias (une émission sur la 2 et une sur Canal plus) et elle a naturellement fait l’objet d’une attention particulière dans les départements d’Outre mer où la mobilisation a été très sensible et les discussions animées. Les manifestations scientifiques ou à caractère plus militant ont été assez nombreuses, plus sans doute que ce qu’on pouvait a priori attendre. Notre association y a contribué avec les deux colloques de Château-Arnoux et de Toulon. Citons aussi les colloques et journées d’études d’Aix, Carcassonne, Montpellier, Istres, Lyon, consacrés tout ou partie à des aspects régionaux, tandis que d’autres avaient un objet plus thématique, le suffrage universel (Nanterre et Lyon), la constitution de 1848 (Dijon), le Manifeste communiste (Rencontre internationale de Paris[1]). On annonce de nouveaux colloques pour 1999 (Aurillac, Bayonne).

Du côté des ouvrages, la production a été limitée : plusieurs rééditions (Agulhon[2], Vigier[3], Reynier[4]), quelques biographies (notamment sur Lamartine[5]), quelques éditions de textes (F.Vidal[6], Bugeaud[7]), les textes politiques de G.Sand[8], un livre sur l’Eglise en 1848[9] et un autre sur la Constitution de la seconde République[10], enfin sous le titre La révolution de 1848 en France et en Europe,[11] un ouvrage qui présente quelques aspects essentiels de cette période.

Ne boudons pas. Le bilan est appréciable. Et l’on pouvait craindre une commémoration encore plus étriquée. Ceci nous montre d’ailleurs que l’esprit de 1848 demeure vivant en particulier dans le Grand Sud-Est qui fut celui de la Montagne de 1849.

Reste à prolonger cet effort. Dans le domaine qui est le nôtre, bien des questions demeurent ouvertes. Ce qui est frappant dans les années qui suivent 1848, c’est que l’appesantissement de la réaction s’accompagne d’une structuration et d’une mobilisation progressives du parti démocratique. De cette double évolution, antagoniste, il reste à mieux connaître les cas de figure, différents selon les départements et les milieux. Quelles différences entre les campagnes, assez bien étudiées, et les villes, moins bien connues dans l’ensemble et qui seront plutôt passives en 1851 ? Quelles forces (électorales, sociales) restent acquises aux conservateurs, leur permettant de reprendre très vite l’initiative après les terreurs de 1851 ? L’itinéraire des militants démocrates est à préciser. Si certains (Langomazino, Ailhaud de Volx) commencent à être connus, nous n’avons pas encore une biographie d’ensemble d’A.Gent et de bien d’autres. Enfin le repérage et la collecte des documents, notamment d’origine familiale, sont loin sans doute d’être complets.

Au travail donc, avec ce double souci, historique et civique, qui fait notre spécificité, et que nous nous garderons d’oublier.

 

Raymond Huard

 

24 décembre 1998



[1] Tous ces colloques ont donné ou donneront lieu à publication dans l’année qui vient.

[2] M.Agulhon, Les Quarante-Huitards,  Gallimard.

[3] P.Vigier,1848, les Français et la République, Hachette.

[4] E.Reynier,La Seconde République dans l’Ardèche, F.O.L Ardèche.

[5] G.Ungar, Lamartine, poète et homme d’état, Flammarion.

[6] F.Vidal,Vivre en travaillant. Projet, voies et moyens de réforme sociale, Centre de sociologie historique, Montargis. 

[7] Bugeaud, La guerre des rues et des maisons, présentation de Maîté Bouyssy. Ed. Jean Paul Rocher.

[8] Imprimerie Nationale, présentation de M.Perrot.

[9] Paul Christophe, éd. du Cerf.

[10] F.Luchaire, ed.Fayard.

[11] S.Aprile, R.Huard, P.Lévêque, J.Y Mollier, éd.sociales.