Quelques éléments locaux retenus pour la conférence donnée à Moissac

Cette page présente seulement quelques éléments locaux retenus pour la conférence donnée à Moissac-Bellevue le 29 avril 2011 par Frédéric Negrel. Vous voudrez bien en excuser l’écriture.

 

Quelques éléments sur la résistance de décembre 1851 à Moissac

 

 

Lors de l’élection présidentielle de décembre 1848, la section de vote Régusse – Moissac – Artignosc donne seulement 29 % des voix à Louis-Napoléon Bonaparte contre 65% à Cavaignac.

Aux législatives de 1849, les Moissacais votent à 80% pour les candidats démocrates.

Moissac a un fort habitat groupé (c’est encore le cas en 1954). La petite propriété domine. Cela change à la fin du XIXe siècle : en 1942, 74% de la superficie est occupée par des exploitations de plus de 50 ha.

On trouve 3 chambrettes à Moissac en 1849 (900 dans le Var). La gendarmerie les note calmes, dont celle des Camps qui compte 30 membres dont le maire et des démocrates.

Jean Baptiste Roux est abonné au Démocrate du Var.

A Moissac, la plupart des Républicains refusent de témoigner sur la société secrète.

Par recoupements et informations venant des autres villages, on peut dénombrer 50 membres (Moissac compte alors 329 habitants et 84 électeurs) qui se réunissent à la chambrée des Camps.

Le président est Henri Bagarry, cultivateur, adjoint.

Le vice-président est son frère, Lambert Bagarry, maréchal-ferrant, mais aussi gros fermier du duc de Sabran à Baudinard et du Parronier. Un grand recruteur.

C’est les Régussois qui ont commencé à recruter les Moissacais. Les réceptions se font dans les bastidons de Lambert Bagarry. Il y a des cotisations mensuelles de 25 à 50 centimes.

 

Le vendredi 5 décembre, vers 7h du soir, deux ouvriers cordonniers d’Aups viennent prévenir Henri Bagarry de se tenir prêt au départ.

Vers minuit, nouveau message d’Aups donnant le signal et fixant rendez-vous à Aups à 2h apès-midi le lendemain. Bagarry doit le transmettre à Régusse.

 

Le samedi 6, avant le départ, arrive à cheval un Dracénois, Jean-David Alter. Il se présente à la chambrée des Camps pour pousser au départ.

En quittant village la colonne moissacaise rencontre celles d’Artignosc et Baudinard. Alter se rend compte que les Artignoscais n’ont pas pris d’armes. Ils retournent chez eux en chercher, d’autres vont à Régusse appeler à partir.

Finalement, vers 18h, dans la nuit, tous ensemble, Artignosc, Régusse, Baudinard, Moissac, partent pour Draguignan, tambour battant, drapeau rouge en tête. A St Pierre près d’Aups, à la croix St Honoré (croisement de la route de Vérignon), ils sont attendus par des Aupsois et la partie de la colonne de Bauduen qui est restée là. Ils seraient 300 d’après le maire d’Aups qui écrit immédiatement au préfet. Ils installent un bivouac autour de feux et peuvent enfin se réchauffer : cette fin d’automne est glaciale.

Arrive alors vers 21h, une estafette, le médecin de Bauduen Marc Gérard. Il revient de Salernes avec l’ordre de ne pas marcher sur Draguignan : « Le moment du départ n’est pas encore arrivé ». Alter s’oppose énergiquement à ce contre-ordre venu de Salernes qu’il ne veut croire. Gérard engage sa tête. On demande aux gens de Bauduen si on peut lui faire confiance. Ils certifient sa bonne foi. Isoard envoie tout de même deux estafettes se renseigner à Salernes. Les présidents de Baudinard et d’Artignosc interdisent aux marcheurs d’entrer dans la ville. Tout le monde rentre chez soi, dont les Moissacais.

 

Le dimanche matin le maire de Moissac, Sigaud, est déposé par son adjoint, Henri Bagarry, chef du parti républicain clandestin.

« Attendu que le Président de la République a violé la Constitution, je vous déclare, par ces motifs, déchu des fonctions de Maire et de conseiller municipal de Moissac. »

Il rendra spontanément les clefs de la mairie le jeudi 11.

Une commission provisoire de 14 membres est mise en place.

 

Dans cette région où, au printemps 1792, on avait pillé les châteaux de Régusse et de Moissac, détruit celui de Salernes, fait des démonstrations menaçantes à Baudinard et Artignosc, ce n’est plus la demeure de l’ancien seigneur ou du bourgeois qui lui a succédé que l’on prend pour cible. En Décembre, si l’on a encore des problèmes à régler avec l’oppresseur local, on entend le faire par le Droit. Par la politique nationale et non par la violence localisée. En résistants, plus qu’en insurgés.

 

Le lundi 8 décembre, au matin, le sergent de ville annonce au son de trompette la mobilisation des 18 à 50 ans.

La colonne moissacaise part pour Aups où elle est une des premières à arriver, avec Baudinard.

C’est jour de foire à Aups.

Les Moissacais participent à la prise de la mairie vers 2 h.

Ils restent à Aups jusqu’au matin du 10 décembre.

 

Les récits des combats disent que la cavalerie sabra les fuyards dans la plaine de Moissac.

Le groupe de la Garde-Freinet passa par Moissac dans sa route vers le Piémont.

C’est aussi là la première halte de la fuite de Duteil, visiblement à la jonction de la route de Baudinard. Les habitants du village lui portèrent des vivres. C’est là qu’eurent lieu les premières récriminations contre Duteil. On faillit en venir aux mains.

Il fut rejoint par des rescapés du Luc et ce groupe partit vers les Etats sardes, via Baudinard et les Basses-Alpes.

 

Fin janvier, la gendarmerie de Barjols vient arrêter les résistants Moissacais qui s’ajoutent aux 26000 Républicains appréhendés sur le territoire national. Ils sont conduits à la maison de dépôt de Barjols et transférés à Brignoles, le 26, avec ceux d’Artignosc.

La prison brignolaise est surchargée : le 29 février, il y a là 248 prisonniers pour 36 cellules. Il y en aura jusqu’à 300 le 5 avril. « Les prisons ne sont plus saines. Je redoute les maladies du fait de l’exiguïté des locaux. » écrit le sous-préfet. Le charbonnier de Tavernes Toussaint Robert, 26 ans, y laissera la vie.

Les confusions homonymiques sont nombreuses. A Moissac, c’est Joseph Roux dit Valentin qui dit être victime d’une confusion avec Joseph Roux dit l’Hermite.

 

Les Moissacais sont relativement épargnés par répression.

10 sont condamnés à la surveillance, 1 à l’internement en Belgique (Lambert Bagarry), 1 à l’Algérie.

 

Le parti républicain n’est pas mort à Moissac.

Malgré répression, il gagne les municipales de 1852 (comme dans 30 communes varoises, dont Régusse et Artignosc).

Ces résultats hâtent l’installation d’une brigade de gendarmerie à Montmeyan et d’un commissaire de police cantonal à Tavernes en janvier 1853.

En 1855, Frédéric Roux figure sur la liste des hommes dangereux du département.

En 1858, Lambert Bagarry est toujours suspect : il a reçu des démagogues chez lui.

En 1859, le conseil municipal est dissous.

 

En 1871, lorsque revient la République, c’est un résistant de 1851, Grégoire Bœuf, que les Moissacais choisissent pour maire.

 

voir aussi : Les Montagnards de Moissac et Pensionnés des insurgés de Moissac