Quelques éléments sur Bauduen

Cette page présente seulement quelques éléments locaux retenus pour la conférence donnée à Bauduen en 2001 par Frédéric Negrel. Vous voudrez bien en excuser l’écriture.

 

 

Quelques éléments sur la résistance de décembre 1851 à Bauduen

 

 

Lors de l’élection présidentielle de décembre 1848, la section de vote Bauduen – Les Salles donne 21% des voix à Cavaignac, 77 % à Louis-Napoléon Bonaparte et 2 % à Ledru-Rollin.

 

Les notables de Bauduen veulent suivre les autorités. Déjà, le 1er avril 1848, le maire de Bauduen avait écrit au Préfet pour lui demander pour qui il fallait voter aux élections à la Constituante.

Lors des législatives partielles de 1850, la section de vote Bauduen – Les Salles – Baudinard donne une majorité aux conservateurs (149 voix contre 122).

La loi du 31 mai 1850 raye des listes 26% des électeurs de Bauduen.

On trouve à Bauduen 5 chambrées (non abonnées à des journaux), dont celle des Bossus ou des Rouges.

Lors du romérage de la St Barthélémy du 24 août 1851, Victor Rougiers joue la Marseillaise, fournissant à Ambroise Lambert l’occasion d’une altercation avec les curés de Bauduen et des Salles.

 

Des étrangers de Baudinard, Riez et Puimoisson sont venus faire plusieurs initiations à la société secrète.

Le 22 avril 1851, Joseph François Gérard, un cultivateur de Bauduen, épouse Hortense Martin. L’acte de mariage collectionne les signatures montagnardes : on y trouve celles de l’adjoint d’Artignosc, Joseph Constans Mourron, du père de la mariée Henri Martin, et des témoins Etienne Blanc, menuisier de Bauduen et futur chef de section, André Joseph Guichard, vice-président de Baudinard, et Louis Pellegrin, animateur d’Artignosc. Mais surtout, dans les festivités qui suivirent la cérémonie, trois Républicains de Bauduen sont initiés à la société secrète par leurs hôtes artignoscais et par André Guichard. Ce sont les initiations fondatrices de la société de Bauduen. On procède alors également à trois initiations d’autochtones.

 

Quelques jours après avoir été initiés par les Artignoscais, Alphonse Pellore et Joseph Audibert « fils de la Veuve » sont nommés président et chef de section au cours d’une réunion dans leur pigeonnier, non par les 12 premiers Montagnards de Bauduen, mais par les futurs dirigeants de Baudinard, André Guichard et Laurent Simon. Il y a alors 12 affiliés.

 

Un pigeonnier de la bastide Ste Hélène abrite la plupart de ces réunions nocturnes. On ne l’abandonne pour une maison de village, en novembre 1851, que par peur du froid qui sévit alors.

En juin 1851 ou, plus certainement, lors du romérage de Ste Croix, vers le 6 août 1851, une réunion à la chambrée des Bossus (la société dite des Rouges) rassemble une vingtaine de personnes. Louis Bagarre y est élu vice-président, alors que trois autres Montagnards s’étaient portés candidats. Cette conversion est visiblement le fruit de l’intervention des Bas-Alpins Hilarion Abert, un ferblantier de Moustiers, et Jean-Victor Rougier, le musicien de Riez, qui président la réunion.

 

Il y a alors une trentaine d’affiliés (plus de 40 en novembre).

L’idée est née lors du romérage de St Jean à Régusse. Comme toujours, les fêtes populaires qui accompagnent la célébration d’un saint patron attirent les foules des villages voisins et souvent bien au-delà. Nous avons vu que sous la Seconde République elles sont aussi l’occasion pour les Républicains de diverses localités de communiquer en se préservant aisément de la surveillance des autorités. En ce mois de juin 1851, la pétition, par laquelle Bonaparte demande une révision constitutionnelle destinée à autoriser sa réélection, vient de circuler dans le canton de Tavernes. Cette initiative risque de relancer la côte de popularité de celui qui veut se présenter comme un rempart à l’Assemblée conservatrice. Les Républicains se doivent de reprendre la main. En certains lieux, c’est par des démonstrations publiques qu’on entend le faire[1]. A Salernes, le 6 juin, une petite farandole de 12 personnes chante la Marseillaise sur le cours. Mais à Besse, 10 jours plus tard, ils sont 300 à danser, de retour du romérage de St Quinis.

 

Dans notre région du Var, l’heure des farandoles n’est pas encore venue. Ce qu’il faut pour renforcer le mouvement républicain, c’est améliorer le fonctionnement du parti clandestin.

 

Jules Ambrois, boulanger et président de la société secrète de Régusse, et André Guichard, sergent de ville et vice-président de celle de Baudinard, font alors le projet de « former un comité central afin d’organiser une correspondance entre le Var et les Basses-Alpes. » A cette fin, ils « écrivent aux chefs de toutes les communes du Var et des Basses-Alpes » pour les convier à une grande réunion qui doit se tenir au début du mois de juillet à Sorps.

 

Le lieu est situé sur la rive gauche du Verdon, sur le territoire de la commune de Bauduen, à l’emplacement de la résurgence de Fontaine l’Evêque[2], aujourd’hui engloutie sous la retenue artificielle de Ste Croix. Il présente les avantages d’être assez éloigné du village, de n’être pratiqué que pour les moulins qu’il abrite, et de se trouver à la limite des deux départements tout en étant à l’écart des routes trop fréquentées.

 

Malheureusement pour ses initiateurs, la réunion ne prend pas le large caractère qu’ils lui destinaient. Si nous pouvons douter de leur capacité à envoyer une convocation « aux chefs de toutes les communes du Var et des Basses-Alpes », ils y attendaient néanmoins « l’avocat Pastoret qui devait y venir avec des gens d’Aups, du Luc et autres », « de Draguignan, de Brignoles  et de Digne ». Aucun ne vient, malgré les préparatifs qui ont conduit Joseph Audibert à apporter 64 litres de vin.

 

Trente à quarante personnes sont tout de même présentes, venues de 6 communes :

 

  Antoine Pellegrin, César Jean, Auguste Guion et d’autres d’Artignosc,

 

Laurent Simon, André Guichard,, Joseph Garcin[3], Joseph Pons et d’autres de Baudinard,

 

  Alphonse Pellore, Louis Bagarre, Jean-Baptiste Pellissier, Mathieu Arniaud, Antoine Roux[4], Pierre Luquet[5] et d’autres de Bauduen

 

  Joseph Darbon[6], Marc Caire, Marius Didier Brunet[7] et Marcellin Long d’Aiguines

 

  Hilarion Abert[8] et un autre de Moustiers

 

  Augustin Jaubert de Montmeyan

 

Les Régussois ne sont donc visiblement pas venus. Ont-ils été avertis que les leaders des villes avaient décliné l’invitation ?

 

L’assemblée fut placée sous la présidence de Pellegrin. Ce choix est peut-être dû au titre du plus ancien affilié de l’assistance. Nous ignorons la teneur des discours que prononcèrent Abert et Pellegrin, mais il fut convenu de se réunir de nouveau, Guichard étant chargé « d’écrire partout ». Mais cette seconde réunion n’eut pas lieu.

 

Une telle initiative, partie de localités aussi éloignées des centres, est révélatrice du sentiment d’appartenance à un parti que nos Haut-Varois veulent rendre plus efficace. Cette efficacité passe pour eux par la nécessité de le doter de structures permettant « la correspondance entre Var et Basses-Alpes ». Ils ont peut-être saisi que les enjeux politiques pour lesquels ils se sont engagés ne pourront pas se régler dans l’étroit cadre électoral départemental, et qu’il faut donc lever les dissensions qui peuvent apparaître entre les partis des deux départements, exprimées par la Démocratie du Var et le Peuple.

 

Elle est aussi révélatrice de leur besoin d’être intégrés, plus que par des formules rituelles, au mouvement républicain. Leurs contacts avec les centres sont trop épisodiques pour satisfaire leur goût pour la politique. Nul doute qu’une réunion réussie, où se seraient rendus les leaders départementaux, aurait contribué à enraciner encore plus ce sentiment et à éveiller plus largement ce besoin.

 

Nous pouvons même qualifier la réunion de Sorps de visionnaire en ce qu’elle prémédite la jonction qui n’eut pas lieu en Décembre entre les forces républicaines varoises et bas-alpines.

Les républicains de Bauduen sont particulièrement motivés pour défendre la Constitution. Ils sont les seuls dans la région à avoir préparé des balles.

A Bauduen, on affirme être parti pour « réclamer le vote universel et la délivrance de prisonniers. » Ils sont 44 à partir avec Les Salles et Aiguines. (832 habitants en 1851, 1000 en 1835, 772 en 1861).

Le 6 décembre une partie de colonne accompagne Alter à Moissac pour pousser au départ. Ils iront également à Régusse. L’autre partie attend à la croix St Honoré.

 

Ils sont là 300 de Régusse, Artignosc, Baudinard, Moissac, Aups, d’après le maire d’Aups qui écrit immédiatement au préfet. Ils installent un bivouac autour de feux et peuvent enfin se réchauffer : cette fin d’automne est glaciale.

 

Arrive alors vers 21h, une estafette, le médecin de Bauduen, Marc Gérard. C’est lui que les Républicains de Bauduen avaient le matin même pressenti pour remplacer le maire. Mais la majorité de la réunion qui s’était tenue à la chambrée des rouges, celle « des bossus », avait refusé de changer d’administration municipale. « Je ne puis dire que Mr Gérard fit partie de la société secrète, mais il s’était montré bon Républicain. » déclarera un leader de Bauduen.

 

Il revient de Salernes avec l’ordre[9] de ne pas marcher sur Draguignan : « Le moment du départ n’est pas encore arrivé ». Gérard avait quitté Bauduen vers 14h pour prendre des instructions à Salernes et savoir ce qui se passait à Draguignan. Il arrive au déclin du jour et se rend chez le notaire Alexandre Gariel, le frère du maire de Régusse, qui est en train de souper. Celui-ci l’entraîne au Café[10] où 400 personnes sont réunies. Les orateurs ont peine à se faire entendre. On se retrouve alors en cercle plus restreint dans la boutique du coiffeur[11]. Il y a là, parmi le petit groupe, outre Gérard et Gariel, Alexandre Cotte, le maire républicain, père du président Paul, et Ignace Renoux, le conseiller général. Renoux revient de Draguignan où il est allé voir le Comité démocratique qui s’est mis en place à la nouvelle du coup d’Etat. Il ne dispose que de 200 hommes armés et n’a pas trouvé de chef militaire. Ce Comité est assez pessimiste quant à la réussite d’un soulèvement sans l’appui de la garnison de Draguignan, trop travaillée par le parti de l’Ordre. Aussi, Renoux a changé d’avis par rapport à la lettre qu’il avait faite parvenir à Salernes la veille au soir. Il se range maintenant aux idées de Pastoret, d’autant plus que dans la journée, un Salernois[12] est revenu d’Avignon avec les nouvelles de Paris, de Marseille  et du Vaucluse. Malgré l’opposition du pharmacien[13], déterminé à agir, Renoux conseille donc à Gérard de dire aux gens de Bauduen de rentrer chez eux jusqu’à nouvel ordre et d’en informer les autres communes en demandant aux responsables aupsois  d’y envoyer des estafettes.

 

Revenons au bivouac d’Aups. Alter s’oppose énergiquement à ce contre-ordre venu de Salernes qu’il ne veut croire. Gérard engage sa tête. On demande aux gens de Bauduen si on peut lui faire confiance. Ils certifient sa bonne foi. Isoard envoie tout de même deux estafettes[14] se renseigner à Salernes. Les présidents de Baudinard et d’Artignosc interdisent aux marcheurs d’entrer dans la ville. Tout le monde rentre chez soi.

Le 7 décembre, la société de la Fontaine réunit les résistants de Bauduen[15]. Faut-il changer l’administration municipale et placer à sa tête le docteur Gérard avec le président de la société secrète[16] pour adjoint ? La majorité de l’assemblée refuse.

Le dimanche et le lundi, plusieurs émissaires viennent d’Aups.

Le lundi 8 décembre, Ambroise Lambert s’en prend au curé sur la place de Bauduen. Au moment du second départ auquel tente de s’opposer le curé, le même lancera : « Les curés en chaire ne ressemblent qu’à des fous qui ne disent que des mensonges. »

Le deuxième départ a lieu dans la nuit du 8 au 9 avec Aiguines et Les Salles. Ils sont seulement 18 de Bauduen, peut-être à cause de la modération de Marc Gérard et de l’intervention du curé.

condamnés de Bauduen

 

Bagarry

 

Louis

 

40 ans

 

Bauduen

 

perruquier

 

Algérie –

 

revient 28/1/53

 

Arniaud

 

Mathieu

 

49 ans

 

Bauduen

 

cultivateur

 

surveillance

 

Pellore

 

Alphonse

 

27 ans

 

Bauduen

 

cultivateur

 

Algérie –

 

Gérard

 

Marc-Antoine

 

35 ans

 

Bauduen

 

officier de santé

 

éloignement 5 ans commué avril surv

 

Lambert

 

Ambroise

 

37 ans

 

Bauduen

 

cultivateur

 

Algérie –

 

commué avril surv

 

Pellissier

 

Jean Baptiste

 

23 ans

 

Bauduen

 

tailleur

 

Algérie +

 

surveillance 28/1/54

 

Voir aussi : Les Montagnards de Bauduen et Pensions des insurgés de Bauduen

 

 


[1] Sur ce « retour à l’expressionnisme » voir le désormais classique « carnaval de Vidauban  », in AGULHON Maurice, La République au village, Seuil, réed. 1979, pp 407 et suiv.

 

[2] Ce toponyme vient de la fondation du monastère Ste Catherine de Sorps par l’évêque de Riez Foulques de Caille en 1255. (PECOUT Thierry, Le diocèse de Riez du XII° au XIV° siècles, thèse, Aix en Provence, 1998)

 

[3] cabaretier chez qui siège la chambrée rouge.

 

[4] menuisier, 18 ans, sous-chef de section.

 

[5] cultivateur, 22 ans.

 

[6] tourneur.

 

[7] tourneur, 25 ans, président.

 

[8] ferblantier, président.

 

[9] d’Alexandre Gariel, Ignace Renoux et Paul Cotte

 

[10] celui de Jean-Baptiste Pascal (un chef de section)

 

[11] Honoré Dauphin, un autre chef de section

 

[12] le marchand d’huile Jean-Joseph Féraud

 

[13] Pierre Esclapon

 

[14] Victor Maurel, fabricant de vermicelles, et François Jassaud

 

[15] Il s’y trouve également Auguste Isnard, fondateur de la société des Salles.

 

[16] Alphonse Pellore