Campdoras

article publié dans le Bulletin n°23, avril 2003

Campdoras : de l’espérance républicaine brisée au destin américain.

 

Où l’on fera aussi connaissance avec Gilbert Billard  et Charles Sardou

 

 René Merle

 

Parmi ceux qui ont eu la chance de lire l’édition originale (1869) de l’Histoire de l’insurrection du Var en décembre 1851 de l’avocat toulonnais Noël Blache, beaucoup sans doute (et c’est mon cas) ont rêvé sur cette note, que la réédition de 1983 ne donne pas :

 

“Si tous les soldats et les chefs de la Révolution, avaient été de la trempe des hommes alors réunis à la Garde-Freinet, l’insurrection du Var eut été formidable dans ses résultats.

 

Il est nécessaire, avant d’aller plus loin, d’esquisser ici rapidement la figure intéressante d’un citoyen dont les anciens insurgés ont gardé le plus touchant souvenir. Je veux parler de Campdoras.

 

Je ne sais si Campdoras est encore de ce monde, et je le souhaite du profond de mon cœur. Il s’est réfugié, après les événements de décembre, en Amérique, et j’ai là, devant mes yeux, des lettres écrites par lui de New-York, lettres où palpitent l’intelligence la plus élevée et le cœur le plus généreux, à côté parfois du découragement le plus profond ! C’est ainsi qu’à la date du 3 octobre 1852, il écrivait ces lignes : “Tu me raconteras, je t’en prie, la manière dont s’est passé ton séjour à Toulon, les platitudes débitées par les flagorneurs, les apostasies, l’enthousiasme payé – enfin tout ! – O triste France, pays de lâches, je ne sais si j’ai pour toi de l’amour ou de la haine !… Mon cher, il faut que vous en preniez votre parti ! Hommes de l’ancien, du vieux monde, votre temps est fini ; vous êtes en décadence. La France, qui, dit-on, est le cœur et le cerveau de l’Europe, est morte. Il n’y a plus rien à espérer d’elle, et sa résurrection est impossible ! C’est ici, c’est en Amérique qu’est passée l’âme de l’humanité”.

 

Ces lignes, empreintes du plus amer scepticisme, sont presque les dernières écrites par Campdoras. Depuis, nul n’a plus eu de ses nouvelles… et pourtant la mémoire de ses anciens amis est restée fidèle au chirurgien du Pingouin. Si jamais ce livre tombe, dans quelque coin du globe, sous les yeux de Campdoras, qu’il n’oublie pas l’appel qu’au nom de ses camarades de jadis, lui adresse l’inconnu qui a signé cet écrit”.

 

La note de Noël Blache a inspiré cet article, qui n’a pas d’autre prétention, à partir d’un recensement des sources, grandement dispersées entre France et États-Unis, que suivre et éclairer le destin bien mal connu de Campdoras, et, corollairement celui de deux autres proscrits, Billard et Sardou.

 

Je ne prétends pas ici sonder au plus juste la vérité des âmes : il serait hasardeux, au-delà de la sécheresse et trop souvent de la brièveté des sources, voire de leur inexistence, d’imaginer les sentiments, les réactions, les motivations de ces hommes… Mais la mise en perspective de données objectives, pour la plupart mal connues ou ignorées, est un premier pas vers la connaissance.

 

 

Un jeune militaire démocrate.

 

Campdoras Marie Antoine Eugène Jacques, est né à Thuir (Pyrénées-Orientales) le 6 septembre 1825. Son père, Sylvestre, est officier de santé. Sa mère, Justine Jaubert, est une très jeune femme de bonne famille.

 

Son père, “patriote” convaincu, lui inculque ses idéaux républicains mêlés de bonapartisme. Noël Blache le souligne, cette culture historique est à la source de l’énergie militante de Campdoras : “Ses convictions républicaines, m’écrivait un de ses amis, étaient ardentes et éclairées par une histoire approfondie de notre histoire révolutionnaire”.

 

Après des études au collège de Perpignan et à la faculté de médecine de Montpellier, est-ce la nécessité (il est l’aîné de sept enfants), l’esprit d’aventure, le patriotisme, l’idéalisme qui le poussent vers la Marine Nationale ?

 

En 1848, il est chirurgien de marine auxiliaire à l’hôpital de Toulon. C’est depuis cette ville qu’il vit les débuts de la Seconde République, mais il embarque sur cinq unités entre 1848 et 1851 et accomplit plusieurs voyages. Il passe l’essentiel de 1849 (janvier-octobre) sur la corvette à roue l’Infernal. Il accomplit ensuite avec La Provençale, transport à voile de 600 t., une mission particulière au Sénégal, dont il débarque le 11-4-50.

 

Sa fonction de chirurgien (alors infériorisée par rapport au statut des médecins) le place dans un rapport ambigu entre les officiers, dont il porte l’uniforme sans participer vraiment de la caste, et l’équipage, qu’il est appelé à soigner quotidiennement. L’équipage est en quelque sorte la représentation du Peuple, à la cause duquel Campdoras est tout dévoué. Un des correspondants de Blache écrit à propos du jeune chirurgien : “Brave, généreux, son amour pour le peuple était sans bornes, sa bonté sans limites”.

 

L’ouverture au grand large et à l’aventure coloniale n’a sans doute pas permis à Campdoras de suivre au quotidien le déroulement des événements de France entre 1848 et 1851. Mais son engagement politique est plus qu’attesté. À partir d’avril 1851, il est chirurgien-major (3e classe) sur l’aviso à vapeur Le Pingouin, basé à Toulon et chargé d’une mission de surveillance de la pêche entre Toulon et Nice. Campdoras est signalé par les autorités maritimes comme agitateur, réunissant des amis dans sa chambre de Toulon afin de propager ses “opinions exaltées”, et il est puni d’un mois d’arrêt de rigueur. Le Pingouin est la plupart du temps fixé à Saint-Tropez, et depuis cette ville Campdoras entre en contact avec les militants démocrates-socialistes de la région du Golfe, notamment le dirigeant varois Arrambide, désormais fixé à Cogolin, et le charron Ferrier, de Grimaud.

 

 

Le Pingouin, une unité “rouge” ?

 

Lors des initiatives autour du 150e anniversaire de la Résistance, notre ami et adhérent Gérard Rocchia avait, à partir des archives communales, pointé la méfiance des très conservatrices autorités municipales de Saint-Tropez à l’égard du Pingouin, méfiance transformée en véritable phobie en décembre 1851. Les Archives maritimes non seulement confirment cet état d’esprit, mais attestent d’un épisode à ma connaissance totalement ignoré des publications sur l’insurrection varoise.

 

Dès le 10 décembre, le Préfet Maritime avait signalé au ministre la disparition de Campdoras : “D’après les opinions exaltées que ce chirurgien a manifestées dans diverses circonstances, j’ai tout lieu de croire qu’il a passé aux insurgés”.

 

Mais c’est tout l’effectif du petit aviso qui est accusé de mollesse devant l’événement, voire de sympathie vis-à-vis de la Résistance.

 

Suite à une dénonciation de la municipalité et du juge de paix de Saint-Tropez, et après enquête diligentée par les autorités maritimes, par arrêté du 14 décembre, le capitaine du Pingouin est blâmé, démis et placé aux arrêts, ainsi que deux enseignes de vaisseau. Un troisième est “mis en non activité”. L’équipage est débarqué et soumis à surveillance.

 

Dans une lettre au Préfet Maritime (13 décembre), le Major Général indique que le capitaine Pagel n’a pas su “empêcher impérativement la manifestation d’opinions subversives du principe émané du pouvoir exécutif. […] L’officier qui devait seconder M.Pagel a beaucoup de torts à se reprocher, il a laissé souvent s’établir à bord, dans le carré ou sur le pont, des conversations extravagantes, aussi nuisibles à l’ordre qu’à la discipline. M.Terrigi, enseigne de vaisseau […] n’a pas fait exécuter avec sévérité la défense expresse du capitaine de chanter des chansons séditieuses, et sa tolérance à ce sujet doit faire qu’elles ne lui étaient pas désagréables, triste exemple d’une mauvaise éducation et d’un oubli de devoir qui ruinerait la discipline en pervertissant nos bons et laborieux matelots”. Mais l’accusation principale porte sur Campdoras : “Tous s’accordent à dire que ce chirurgien professait des opinions d’une telle exaltation qu’on ne serait pas surpris en apprenant qu’il a quitté le poste où l’honneur et le devoir devaient le retenir, pour aller se jeter à corps perdu dans un parti qui ne rêve que meurtre et pillage. Ce chirurgien du Pingouin a fait beaucoup de mal à bord ; homme d’une faconde assez entraînante, il a eu sur des esprits faibles et peu éclairés l’influence funeste que le mal a souvent sur le bien, et qui prélude à la corruption du cœur. Je le dis à regret, Amiral, ce qui vient de se produire à bord du Pingouin est de nature à ne plus mériter votre confiance, officiers et équipage (moins ceux cités différemment [il s’agit de deux “mouchards”]) ont méconnu le véritable et seul culte du devoir ; en leur ôtant à tous leur bâtiment, cette mesure leur imprimerait un blâme sévère qui ne serait pas sans efficacité dans la Marine”.

 

Si l’on compare l’attitude de l’équipage du Pingouin avec l’intervention, décisive pour l’écrasement de l’insurrection hyéroise du 5 décembre, de la compagnie de débarquement de la frégate Uranus, ancrée aux Salins d’Hyères, et la chasse à l’homme meurtrière qu’elle mène le 11 décembre, on mesure l’efficacité du travail militant de Campdoras sur son navire.

 

 

Campdoras pendant l’insurrection.

 

Dès le lendemain du coup d’État, Campdoras rejoint les démocrates du Golfe. Il est probablement le seul militaire en activité passé à l’insurrection sur tout le territoire national !

 

Dans la nuit du 4 au 5 décembre, la colonne des démocrates du Golfe, menée par Campdoras, le serrurier Martel de Saint Tropez et le charron Ferrier de Grimaud, marche sur La Garde Freinet. Ils sont armés : en passant par Gassin, Campdoras a fait enlever les fusils détenus par la municipalité. Puissamment grossie par les démocrates de la Garde Freinet, la colonne des Maures descendra bientôt sur Vidauban où elle arrive le 6 au soir. Se découvrent et se concertent alors les chefs des différents détachements communaux varois massés dans la localité. Les partisans de l’action et ceux de l’attentisme s’affrontent. Campdoras est résolument des premiers, il préconise la marche immédiate sur la préfecture de Draguignan, il fait même arrêter le docteur Décugis, d’Ollioules, taxé de défaitisme, et se heurte avec Maillan, un des chefs montagnards de Vidauban, enclin à la prudence. Survient alors le journaliste de Marseille Camille Duteil, qui, devant la division des chefs, est choisi par défaut comme “général” de l’armée républicaine. Et ce à la fureur de Campdoras qui ne supporte pas l’indécision immédiatement manifestée par le “général”.

 

Qu’on n’imagine pas un Campdoras exalté dans l’inconscience de sa jeunesse : les initiatives qu’il propose le sont en pleine connaissance de cause. Campdoras a été chargé de dépouiller les courriers interceptés et de ne pas les communiquer à la colonne s’ils sont porteurs de mauvaises nouvelles. Or, dès le début, les nouvelles sont mauvaises. C’est donc en mesurant toutes les données de la situation que Campdoras préconise une offensive audacieuse, seule tactique efficace avant que l’étau de la répression ne se resserre sur la colonne.

 

Il ne démordra pas de sa résolution. Dans la marche zigzagante de la colonne désormais dirigée par Duteil, Campdoras assure un rôle ingrat : tenir l’arrière-garde, stimuler les traînards. Toujours chargé de dépouiller les courriers, il sait que les nouvelles sont de plus en plus mauvaises. Le 9, à Aups, Duteil est désavoué par l’état-major républicain et Campdoras se voit proposer le commandement en chef. Il refuse, arguant de son jeune âge (26 ans !), et de l’effet déplorable qu’aurait sur la colonne la destitution de son chef.

 

Lorsque la troupe surprend les insurgés à Aups, le 10 au matin, Campdoras et les hommes de la colonne des Maures sont parmi les rares qui ne cèdent pas à la panique, ils se replient sous le feu sur une position élevée, tiennent en échec provisoirement les assiégeants, avant de battre en retraite vers le Nord.

 

 

Les premières années américaines.

 

Après la défaite d’Aups, Campdoras fait partie de la petite troupe (dont Duteil et Ferrier), qui, en passant par les Basses-Alpes et Puget-Théniers, se réfugie dans le royaume sarde (14 décembre).

 

Après une brève détention à Villefranche, il séjourne à Nice où, par centaines, les proscrits se retrouvent et s’organisent. La plupart y demeureront jusqu’aux grâces et amnisties qui, entre 1852 et 1860, leur permettront de retourner au pays. Mais, rupture définitive et espérance, Campdoras fait partie du tout petit nombre de jeunes insurgés varois qui, convaincus de l’impossibilité d’un avenir républicain en France, tentent l’aventure américaine, avec le désir de refaire leur vie dans un monde neuf et démocratique.

 

Le 5 mars, il s’embarque à Gênes pour New York, où il arrive le 22 mai 1852.

 

En février 1852, la commission départementale l’avait jugé en ces termes : “Considérant que le nommé Campdoras, chirurgien à bord de l’aviso à vapeur de l’état Le Pingouin, domicilié à Saint-Tropez, a été un des agents les plus actifs de la propagande socialiste ; qu’au moment des événements derniers, il s’est mis à la tête des insurgés de Saint-Tropez ; qu’il a assisté et présidé à Gassin au pillage des armes de la mairie ; qu’arrivé à La Garde-Freinet il s’est joint à la colonne révolutionnaire dont il était chirurgien-major ; considérant en outre, qu’il a été membre du conseil de guerre des insurgés, après en avoir délibéré, est d’avis que le dit Campdoras soit renvoyé devant le conseil de guerre pour y être jugé selon la loi”.

 

Campdoras apprendra-t-il en Amérique, outre sa dérisoire destitution pour absence illégale, sa condamnation par le Conseil de Guerre à la déportation à perpétuité à Cayenne ?

 

Sans doute, puisque, Noël Blache en atteste en citant de nombreux extraits de ces lettres, Campdoras correspond avec des amis varois (demeurés dans le Var ? réfugiés dans le royaume sarde ? Blache, qui publie sous l’Empire en 1869, est forcément prudent, et ne donne pas plus de précisions. Retrouvera-t-on jamais cette précieuse correspondance dont Blache avait pu prendre connaissance ?).

 

Voici donc Campdoras en Amérique, mais quelle Amérique ? New-York, où il vivra plus de deux ans en exerçant sa profession, est une grande ville française : des centaines de proscrits et d’émigrés s’y retrouvent. Le jeune chirurgien ne doit pas se sentir vraiment dépaysé dans ce milieu urbain, européen, et fortement politisé. Pourquoi Campdoras quitte-t-il ensuite New-York pour la Louisiane, où s’étaient établis la plupart des proscrits varois ? Attrait de la francophonie ?  Contacts personnels ? Possibilité d’une existence plus assurée ? Il enseigne pendant quelques mois le français et l’espagnol dans un collège français, le Louisiana State College. Mais la vie en Louisiane n’a pu que le mettre en contact direct avec les odieuses réalités de l’oppression raciale et de l’esclavage. Et de plus, comme le souligne sa nécrologie de 1881, enseigner ne convenait pas à sa nature ardente et agitée.

 

En 1855 il gagne Saint-Louis (Missouri) et de là Topeka (Kansas). On peut penser que ce choix du Kansas impliquait un profond désir de rupture avec ces bouts d’Europe, New York ou Louisiane, transplantés outre Atlantique. L’adhésion au mythe de la conquête de l’Ouest, à son individualisme audacieux et responsable, se doublait d’un engagement éthique et politique, car le Kansas est alors l’enjeu d’une lutte fondamentale qui annonce le déchirement ultérieur des États-Unis.

 

 

Le Topeka que trouve Campdoras.

 

À l’ouest de l’état du Missouri, au cœur des grandes plaines du “désert américain”, le territoire des Indiens Kanzas est une immense prairie où les seuls Blancs établis sont des “indians traders”, des militaires, des missionnaires… Début 1854, à l’emplacement de ce qui, sur les rives boueuses du fleuve Kansas, allait devenir Topeka, le voyageur aventuré sur les “trails” de la Californie ou de l’Oregon ne rencontre qu’un bac, une poignée de pionniers plus ou moins métissés de Français et d’Indiens, quelques baraques laissées par l’exode des Pottawatomies, chassés de l’Osage vers le nord de la Kansas River. La région a été cédée par traité (1846) par les Indiens Kanzas au gouvernement fédéral, mais seulement pour accueillir des Indiens chassés de l’Est, et non des colons blancs.

 

On connaît la cynique indifférence du gouvernement américain à l’égard de ses promesses. Le 30 mai 1854, le Congrès promulgue le Kansas-Nebraska Act : les terres indiennes à l’ouest des états de l’Iowa et du Missouri sont décrétées territoires (Kansas entre le 37e et le 40e parallèle, Nebraska au nord du 40e parallèle), ouverts à la colonisation, dans la perspective de la construction de chemins de fer.

 

Dès lors Topeka va devenir un point extrême de la “civilisation”, une des portes “blanches” sur le Kansas. Aux confins d’un monde indien déjà en déroute, les premiers “achats” de quelques Missourians entament la défaite définitive des “Fils du vent”.

Washington laissait les pionniers décider de l’introduction de l’esclavage dans les territoires. Cette mesure “démocratique” cachait en fait un compromis prudent : par afflux “naturel” de colons, l’Iowa devait faire pencher le Nebraska voisin vers le “Free State”, et le Missouri devait faire pencher le Kansas voisin vers l’esclavage. Le recours à la souveraineté populaire avait pour but de satisfaire le Sud sans porter atteinte au Nord

 

Aussitôt des sociétés s’organisent en Missouri afin d’installer deux communautés pro-esclavage, au Nord-Est de Topeka, sur les deux sites où l’installation de colons était légalement possible, l’un près de Fort Leavenworth, l’autre sur ce qui allait devenir Atchison.

 

C’était compter sans les anti-esclavagistes de la côte Est. La Massachussetts Emigrant Aid Society, l’Emigrant Aid Society décident d’envoyer des milliers de colons “Free-State” au Kansas. Lawrence, au Sud-Est de Topeka, fondée en août 1854 sur un territoire indien normalement non ouvert aux Blancs, devient le centre des activités “Free-State”. Poussant jusqu’au fleuve, quelques pionniers “Free-state”, guidés par un efficace agent d’affaire de l’Emigrant Aid Society, repèrent le site de Topeka, y construisent leurs cabanes, y tracent des lots. Parmi eux, deux Français, arrivés ensemble le 28 août, s’installent comme fermiers sur des terrains voisins dans la section 28, des deux côtés de ce qui deviendra plus tard  “N.E. Sardou Avenue” : Gilbert Billard et Charles Sardou. Ces deux Français sont des hommes de rude trempe. Ils se sont connus à New York et ont voyagé ensemble jusqu’à Topeka, via Kansas City.

 

La biographie du premier a été bien étudiée. Gilbert Billard, né le 20 mai 1816 à Saint-Léon (Allier), est fils d’un journalier devenu propriétaire.

 

Dans l’Est de l’Allier, où le mouvement démocrate-socialiste était dirigé par des notables et de gros propriétaires, Billard est une figure remarquable de militant d’extraction populaire.

 

Cultivateur propriétaire, boulanger, il anime le cercle “rouge” de Saint-Léon dont il est maire d’août 1848 jusqu’à sa révocation en janvier 1849. Bête noire des autorités, il est condamné à un mois de prison en 1850 pour ses propos à un banquet républicain et pour avoir arboré le drapeau rouge sur sa maison.

 

Dès le lendemain du coup d’État, il est à l’initiative de la marche des républicains de Saint-Léon sur Lapalisse le 4 décembre. L’insurrection tenue en échec, il tente malgré tout de soulever les mineurs de Montcombroux et Bert le 5. Condamné à la déportation à Cayenne en 1852, il s’évade de l’île du Diable, gagne la Guyane hollandaise où il demande à sa famille de le rejoindre en 1853. Nous le retrouvons à New-York en 1854.

 

Par contre la biographie de Sardou restait à établir. En voici quelques premiers éléments. Charles Sardou est arrivé à New York au début de 1854 (son fils, au prénom hautement symbolique, Freeman, serait né le 16 janvier 1854 en plein océan, sur le bateau qui amenait ses parents). Sardou, (né à Marseille en 1823, et non à Hyères en 1813 ou 1824 comme le disent diverses sources) aurait été marin, d’après la Kansas Cyclopedia de 1912.

 

Dupont (op.cit) le nomme parmi les dix militants les plus actifs de la démocratie socialiste hyéroise, regroupés dans le “Cercle populaire” . Il apparaît comme bouchonnier sur les registres électoraux d’Hyères en 1850. Mais, comme l’indique sa condamnation, il n’est pas artisan, mais ouvrier, dont les engagements sont résolument socialistes, ce qui n’est pas le cas, loin de là, de tous les membres du Cercle. Sa condamnation par la commission départementale du Var, en février 1852, ne lui fait d’ailleurs pas d’autre grief que ce militantisme en milieu ouvrier :

 

“Sardou Charles, ouvrier bouchonnier, 28 ans, domicilié à Hyères, est signalé comme une démagogue dangereux exerçant une influence funeste sur les ouvriers bouchonniers qu’il était parvenu à pervertir par ses doctrines funestes”. Il est condamné à la transportation pour 5 ans en Algérie.

 

Lors de la journée insurrectionnelle du 5 décembre, il harangue la foule démobilisée par l’attente et exalte la République démocratique et sociale. Le soir, alors qu’une compagnie de débarquement de la Marine Nationale a dispersé les insurgés, la plupart des militants se fient à la promesse du lieutenant de vaisseau qu’il n’y aura pas de répression. Ils seront tous arrêtés, sauf quelques-uns qui ont préféré la fuite immédiate vers le royaume sarde : Sardou en fait partie.

 

 

Le 5 décembre 1854, neuf pionniers forment la Topeka Town Association, afin d’occuper le site, le lotir officiellement et le mettre en vente. Et ce, même s’ils donnent au lieu le nom indien de Topeka (pomme de terre sauvage), en pleine illégalité et usurpation du territoire indien, L’idéalisme proclamé des “Free-State” se nourrit aussi, on le voit, d’un sens aigu des affaires et d’un égoïsme assumé. La fertilité du sol de la prairie nourrit leur optimisme. La Topeka Town Association va devenir “légalement” propriétaire par un tour de passe passe. Le traité avec les indiens Wyandotte (chassés de l’Ohio), leur avait accordé en plus de leur réserve en territoire Kanza 22 “floating sections” localisables à leur guise. L’Association leur “acheta” une section qu’elle localisa sur le site de Topeka !

 

Cependant, pour faire pièce à l’entreprise, les Missourians installent au Sud-Ouest de Topeka une bourgade “Pro-Slavery”, Tecumseh.

 

Donc, sur le territoire de ce qui allait devenir le Shawnee County, deux camps sont en présence dès le début, Topeka et Tecumseh. Microcosmes :  fin 1854, le futur Shawnee County ne compte que 252 habitants  (161 hommes, 91 femmes). Aux 215 citoyens des États-Unis s’ajoutent 12 étrangers et 6 esclaves.

La vie est extrêmement difficile pour ces pionniers, pour la plupart non préparés aux très rudes hivers du Kansas. À trois reprises, la cabane des Sardou est détruite en 1854 : inondation, tempête, incendie… Sardou traverse le fleuve gelé et passe l’hiver à Silver Lake avec les Indiens. Puis, en avril 1855, il doit affronter l’usurpation de sa propriété par des squatters blancs.

 

En 1855, on signale parmi les nouveaux “settlers” de Topeka Township : Dr. M. A. Campdoras, qui commence à exercer la médecine dans la cité pionnière. Campdoras a-t-il connu Sardou dans leur exil en royaume sarde ? L’a-t-il rencontré à New York ? Leur rencontre se fait-elle seulement à Topeka ? Campdoras en tout cas sera accueilli à son arrivée par les Sardou et vivra pendant plusieurs mois chez eux.

 

Au même moment, en mai 1855, la famille Cole, originaire de Greenfield, près de Coal Center, Pennsylvanie, quitte La Harpe (Illinois), où elle était fixée depuis 1841. Mme Cole avait élevé les deux enfants de sa sœur, Mme Reader : Eliza avait deux ans à la mort de sa mère, et Samuel Jones quatre mois. En 1855, Samuel a 17 ans et  Eliza 19 ans : elle a déjà été institutrice. Après avoir traversé le Missouri en chariot, les Cole s’établissent comme fermiers en juin 1855 près d’Indianola (immédiatement au nord-est de Topeka, maintenant North Topeka), alors qu’y sont mis en vente les premiers lots. Tout naturellement, le “Doctor” Campdoras va faire la connaissance de ces nouveaux voisins et bientôt s’éprendre d’Eliza.

 

 

Les affrontements de 1855-1856.

 

Campdoras se retrouve immédiatement plongé dans des affrontements d’une grande violence.

 

Le 28 mars 1855, les 101 électeurs du Shawnee County sont convoqués à Tecumseh pour élire la première législature du Territoire. Mais depuis plusieurs jours, chariots et cavaliers ont afflué du Missouri voisin. Le jour de l’élection, 400 civils en armes envahissent la ville, molestent les “Yankees”, votent abusivement :  101 inscrits, 372 votants, dont seuls 32 étaient inscrits. “Pro-Slavery” : 366, “Free-State” : 4,  nuls : 2.

 

Le gouverneur casse l’élection, et le 22 mai les “Free-State” l’emportent, par 148 voix sur 149, mais les “Pro-Slavery”, déclarant le scrutin illégal, s’étaient abstenus. La législature pro-esclavagiste née des premières élections reste en place, reconnue par le Président Pierce, cependant qu’un gouvernement “Free-Soil” est créé à Topeka fin 1855. Toutes les conditions de l’affrontement étaient réunies.

 

L’année 1856, celle du “Bleeding Kansas”, est une année de violences et d’atrocités. Dans le Shawnee County, “Free-State” et “Pro-Slavery”, (locaux ou Missourians : Border Ruffians),  s’affrontent dans une série de raids et d’escarmouches, cependant que le Missouri organise le blocus et rend la vie matérielle extrêmement difficile dans cette zone définitivement “Free-State” (élections de 1856 : Topeka, “Free-State” 335, “Pro-Slavery” 57; Tecumseh, “Free-State” 153, “Pro-Slavery” 57).

 

Tout comme Billard et Sardou, Campdoras et les Cole-Reader sont naturellement “Free-State” : le jeune Reader, avec la Second Kansas State Militia, participe à la bataille de Hickory Point (13-14 septembre 1856) contre les Border Ruffians.

 

Le Kansas anticipait la grande “Civil War” de 1862 avec cette  “Border War” que le gouverneur réussit à suspendre fin 1856. Mais la question de l’extension de l’esclavage dans les nouveaux territoires avait été posée devant tout le pays.

 

 

Le mariage de Campdoras.

 

Entrecoupé de sursauts de violence, le calme est provisoirement revenu dans ce Shawnee Comty qui compte maintenant 3500  habitants ! Mais Billard n’est plus des leurs : affaibli par la malaria contractée au bagne, il meurt en 1861.

 

Le 22 février 1858, le révérend Holliday bénissait le mariage de Campdoras et Eliza M. Reader, de huit ans sa cadette, au domicile de l’oncle Cole, à Indianola. Le Doctor Campdoras s’établit à Indianola.

 

Trois enfants, deux garçons et une fille, vont naître en 1858, 1860, 1862.

 

Cependant que les temps nouveaux s’annoncent : en 1858 un premier pont est jeté sur le fleuve, la ville devient capitale en 1859, la société de chemin de fer qui doit relier Atchinson à Santa Fe, par Topeka est fondée, le Kansas entre dans l’Union comme Free-State en 1861. Le Homestead Act de 1862 annonce le boom de la colonisation.

 

Mais en attendant, les difficultés des fermiers (sécheresse en 1860, puis mévente) font que les visites du docteur sont souvent mal payées, et Campdoras peine à faire vivre sa famille.

 

À son arrivée en 1855, Eliza avait eu droit à une concession  à North Topeka, en tant que femme célibataire. Le jeune couple s’y installe et y bâtit sa maison, cependant que le jeune Reader demeure fermier à Indianola. North Topeka compte encore nombre d’Indiens Kaws. Je ne sais ce que Campdoras pouvait penser de la question indienne, mais lorque sa fille Grace, évoquant les souvenirs de sa mère Eliza, parlera des voisins indiens, ce sera pour s’effrayer de leurs “hideous faces” ! Avec une réserve cependant : “The Pottawatomies were less repulsive than the Kaws” !

 

 

La guerre de Sécession.

 

Dès l’entrée en guerre, en 1862, Campdoras s’engage dans “l’Armée de la Frontière” nordiste comme assistant – chirurgien au Second Regiment Kansas Home Guards, “the Indian Regiment”. Cet engagement correspond pleinement à ses sentiments, mais, sa fille le soulignera plus tard, l’apport financier régulier de sa solde lui permet aussi, enfin, de faire vivre dignement sa famille.

 

Bien que ses fonctions auraient pu l’en dispenser, Campdoras prend part à plusieurs batailles. Fin 1862, l’Armée de la Frontière s’est avancée dans le nord-ouest de l’Arkansas : Campdoras est blessé à la bataille de Cane Hill (Boston Mountains, 28 Novembre 1862), où son   cheval est tué sous lui. Il commence alors à éprouver les premières atteintes du mal qui devait l’abattre plus tard. Après dix-huit mois de service, il doit quitter l’armée.

 

 

Retour à la vie civile.

 

Campdoras est pendant quelque temps encore un médecin réputé dans le comté. Quatre filles vont naître en 1864, 1866, 1867, 1873. Mais l’aggravation de son mal l’oblige à abandonner la médecine pour l’agriculture.

 

Campdoras devient fermier dans ce Kansas de plus en plus intégré à l’économie nationale : en 1866 le premier train de l’Union Pacific Railway arrive à Topeka North et va pousser vers le Sud-Ouest, où les cow-boys remontent du Texas charger leur bétail pour les abattoirs de Chicago. Dans les prairies du Kansas, les Indiens ont commencé la guerre contre les pionniers, le “Cheval de fer” et les massacreurs de bisons (cependant que, pour la petite histoire, le gang des frères James sévit dans le proche Missouri).

 

En septembre 1870, la nouvelle de la chute de l’Empire parvient jusqu’à Topeka. Grâce à une souscription des Français de l’état du Kansas, Charles Sardou, que le mal du pays n’a jamais quitté, peut gagner New-York et se joindre aux proscrits et émigrants français qui s’embarquent pour grossir les armées de la jeune République. Sardou combattra en France avant de revenir à Topeka en septembre 1871. Peut-être est-ce par lui que Campdoras devait prendre connaissance de l’ouvrage de Noël Blache, paru en 1869, où est exaltée la figure du jeune chirurgien du Pingouin. L’ouvrage en tout cas est connu de la presse de Topeka, qui le citera abondamment lors du décès de Campdoras.

 

En 1867, le célèbre militant républicain et utopiste Jules Leroux a émigré aux États-Unis et s’est installé au Kansas. En 1870, il est à Topeka correspondant officiel du Bulletin de l’Union Républicaine, organe francophone des émigrés. À partir de 1873 il publie à Neuchâtel, au nord du Kansas, l’Étoile du Kansas, modestement proclamé organe de la République française et universelle !

 

Campdoras a des contacts avec Leroux, mais il ne le suit pas dans son utopie. L’action de l’ex-“doctor” est beaucoup plus prosaïque. Il participe activement au mouvement des Granges. Le National Grange est initié en 1867 à Washington par deux employés du gouvernement fédéral comme un mouvement d’éducation des fermiers du Sud. Il gagne le Kansas en 1872. En 1873 un appel est lancé aux fermiers de l’état pour qu’ils s’organisent afin de défendre leurs intérêts. En mars 1873, une Convention des fermiers de l’état se réunit à Topeka. L’agriculture étant la base de la prospérité matérielle, et les taxes et impôts devenant intolérables, les fermiers demandent à contrôler les prix de leurs produits grâce à leurs propres bureaux et agents, ils souhaitent une réforme du système fiscal oppressif et injuste, des économies en matière de dépenses publiques, avec suppression des sinécures et réduction des salaires, la création d’entreprises sur place, ils refusent la spéculation, la pression bancaire, l’appropriation du sol par les monopoles ferroviaires et les requins de la spéculation. Ils s’abstiennent de tout engagement politique et ne soutiendront que les politiques s’engageant sur ces revendications. Les Granges du Kansas mettent l’accent sur l’égalité en toute chose des femmes et des hommes, sur la nécessité d’une éducation sociale et morale et d’une haute culture.

 

Parmi les neuf délégués de Shawnee County à la Convention figure M. A. Campdoras.

 

Peut-être est-ce cet engagement qui suscitera lors du décès de Campdoras (1881) ces lignes sybillines de Jules Leroux (désormais en Californie), dans son journal, devenu L’Étoile des pauvres et des souffrants. Organe du communisme libérateur des peuples et de l’Individu :

 

 “Nécrologie. J.B.Campdoras (sic). Je l’ai beaucoup aimé, à distance, en silence. Il tomba dans la mer immonde de la vie du siècle, par imprudence et par excès de zèle”.

 

Dans la “mer immonde du siècle”, Campdoras n’était plus sans doute aux yeux du grand utopiste qu’un “american middle man” plus soucieux des revenus de sa ferme que du communisme libérateur.

 

En 1879, la santé déjà altérée de Campdoras est définitivement compromise : une chute de cheval suivie d’une attaque au cerveau entraînent la paralysie d’un bras et une aphasie. Campdoras ne récupèrera pas complètement l’usage de la parole. En 1880, il décide de partir en France consulter les plus éminents médecins. Nous ne savons rien de ce séjour, où il dut certainement s’informer de la situation nouvelle et des souvenirs de 1851. Quelques mois après, il est de retour à Topeka.

 

Sa santé s’est apparemment améliorée, mais il souffre du rude hiver, et décède le 6 avril 1881, à son domicile de North Topeka. Il n’avait pas 56 ans et laissait une veuve et sept enfants. Il avait passé plus de la moitié de sa courte vie aux Etats-Unis, et vu la bourgade de huttes et de cabanes devenir une vraie ville moderne.

 

La presse de Topeka salue son intense amour de la vérité, de la justice et de la liberté, sa haine de la tyrannie et de l’oppression, sa noblesse de caractère, son dévouement, ses convictions démocratiques et patriotiques. Elle rappelle longuement son engagement de 1851 et cite abondamment Noël Blache.

 

Les biographies ultérieures, peu au fait des réalités françaises, n’auront pas ce sérieux. En 1912, confondant le commandement de la colonne offert en 1851 à Campdoras avec une tout autre destinée, une encyclopédie du Kansas écrit : “Dr.M.A.E.J.Campdoras, a friend of Charles Sardou, was offered the first presidency of France in 1851” !

 

En 1882, la veuve de Campdoras obtint de la République Française une pension de 1000 fr. au titre de la loi de réparation nationale de 1881.

 

Charles Sardou obtient de même une pension de 800 fr. Mais c’est “au pays” qu’il la touchera. En 1883, laissant sa propriété à son fils Freeman, il revient avec son épouse à Hyères. Il se fixe à Carqueiranne (les Salettes), un écart de Hyères qui deviendra commune en 1894. “Propriétaire” et “rentier”, Sardou est un membre actif du cercle républicain local (Cercle Populaire du Littoral) et de la Libre Pensée. Il meurt le 2 novembre 1894. Ses obsèques donnent lieu à une imposante manifestation anticléricale dans la petite localité agricole. “Il y a quelques jours ont eu lieu les obsèques civiles du citoyen Martin (sic, mais c’est bien de Charles qu’il s’agit) Sardou, rentier, victime et pensionné de 1851. Cet homme de bien, patriote et républicain et libre-penseur a été accompagné à sa dernière demeure par toute la population de Carqueiranne, qu’il habitait depuis son retour de l’exil en Amérique, et par beaucoup d’amis des communes voisines. L’assistance était nombreuse. La très grande majorité des citoyens et des dames portaient, sur leur poitrine, le bouquet d’immortelles. Le deuil était conduit, au nom de la veuve par les membres du Cercle Populaire du Littoral et par les délégués de la Libre Pensée”. (Le Petit Var, 8 novembre 1894).

 

En 1910, Freeman Sardou viendra chercher sa mère avec qui il reviendra à Topeka. Peut-être n’a-t-elle jamais lu cette encyclopédie du Kansas qui en 1912 fait de Charles Sardou “a classmate of Hugo, Danton and Robespierre, noted French Revolutionists”, et un député à vie après son retour en 1883, député en l’honneur duquel tous les trains de France s’arrêtèrent une heure le jour de ses obsèques !

 

 

La descendance des proscrits.

 

Le destin des enfants de Campdoras ne sera pas celui de la grande réussite sociale. Alors que le fils de Billard, Freeman, est devenu un entrepreneur prospère (traitement et conservation des céréales), élu maire de Topeka en 1910 (malgré un agnosticisme courageusement proclamé), alors que le fils Sardou fait fortune dans les fruits et légumes sur sa propriété d’Oakland (North Topeka), et bientôt dans la conserverie industrielle, l’aîné des garçons Campdoras demeurera modeste fermier et aidera sa mère à subsister. Le cadet sera employé au chemin de fer. Les filles (“His daughters are highly educated and refined ladies”, dit la presse en 1881) se marieront et se disperseront hors du Kansas, cependant que Grace, professeur de musique, continuera à vivre avec sa mère à Topeka,  r. 309 Harrison.

 

Aujourd’hui, l’aéroport de Topeka porte le nom de Philip Billard, petit fils du proscrit et héros de l’aviation US dans la guerre de 1917-18, où il périt. Un pont (entre Oakland et North Topeka) et une avenue perpétuent le nom de Freeman Sardou, qui avec son fils sauva 200 personnes à North Topeka lors de l’inondation de 1903. Mais rien à Topeka, sinon la mémoire érudite, ne rappelle le souvenir de Campdoras. Pas plus que dans son Thuir natal.

 

 

René MERLE

 

 

Sources :

 

 

Sur l’émigration républicaine aux États-Unis, on consultera l’ouvrage de référence :

 

Michel CORDILLOT, La Sociale en Amérique, Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis, Les Éditions de l’Atelier, Paris, 2002

 

Sur les pensions de réparation accordées aux proscrits :

 

– Denise DEVOS, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Paris, Arch. nat., 1992.

 

 

Sources Campdoras :

 

 

– Archives communales Thuir (Pyrénées Orientales).

 

– Archives du Port de Toulon

 

– Noël BLACHE, Histoire de l’insurrection du Var en décembre 1851, Paris, Le Chevalier, 1869

 

– Bulletin of the Shawnee County Historical Society, Number Thirty, July 1958.

 

– William S. BURKE, Official Military History of Kansas Regiments During the War for the Suppression of the Rebellion, 1870.

 

The Commonwealth, Topeka, April 7, 1881

 

– William G. CUTLER, History of the State of Kansas, A. T. Andreas, Chicago 1883. Kansas Collection Books

 

– Charles DUPONT, Les républicains et les monarchistes dans le Var, Baillière, Paris, 1883. On trouvera, p.114 bis, un portrait de Campdoras.

 

Kansas, a Cyclopedia of State History, Standard Pub. Co, Chicago, 1912.

 

– Marriage Notices from Kansas Newspapers, 1854-1861

 

– Military Service Records, Part 25, 341  Campdoras, Eliza.

 

– Samuel James READER, The First Day’s Battle at Hickory Point (1856), From the Diary and Reminiscenses [sic] of S.J.Reader. Kansas State Historical Society.

 

– Prosper ROSSI, Mes Souvenirs, Toulon, 1889.

 

– Topeka, Division of Census Records, 1880, Kansas State Historical Society.

 

– Topeka City Directory 1912

 

Topeka Weekly Times, April 29, 1881

 

– Georges VIDAL, Han Ryner, l’homme et l’œuvre, Editions anarchistes, Libr. Internationale.

 

 

Sources Billard :

 

 

– Archives communales Saint-Léon (Allier)

 

– William G. Cutler, History of the State of Kansas, A. T. Andreas, Chicago, IL, 1883. Kansas Collection Books

 

Kansas, a Cyclopedia of State History, Standard Pub. Co, Chicago, 1912.

 

– Lettre à la mairie de Saint-Léon de Jules B.Billard (National Geographic Magazine), arrière-petit fils du proscrit, 27 septembre 1965.

 

– André Meunier, Billard le Proscrit, du Puy St Amboise à Cayenne, Défense du Patrimoine archéologique Est-Allier, 2001.

 

La Montagne, 18-12-01

 

– Kris Schultz, The Little City that Was – The Story of Oakland as a City and a Neighborhood, Pocarmo Books, 2002

 

– Topeka City Directory 1912

 

 

Sources Sardou

 

 

– Archives communales Carqueiranne (Var), Hyères (Var), Marseille (Bouches-du-Rhône).

 

– Archives départementales du Var

 

– William G. Cutler, History of the State of Kansas, A. T. Andreas, Chicago, IL, 1883. Kansas Collection Books

 

Kansas, a Cyclopedia of State History, Standard Pub. Co, Chicago, 1912.

 

– Kris Schultz, The Little City that Was – The Story of Oakland as a City and a Neighborhood, Pocarmo Books, 2002

 

Le Petit Var, 8 novembre 1894

 

– Topeka City Directory 1912

 

Sur l’insurrection de 1851 à Hyères, cf. Dominique Sampieri, La faux et le fusil, Toulon, 2001.