Une victime des Basses-Alpes : Jean Palestot

Bulletin et lettre de liaison numéro 15 (avril/mai 2001) 

Une victime des Basses-Alpes : Jean Pelestot

 

Vu le travail déjà réalisé sur la répression dans les Basses-Alpes par l’Association, qu’y puis-je ajouter ? Avec le cas de Jean Pelestot qui fut interné en Tarn-et-Garonne pour avoir participé à une colonne d’insurgés, vérifions le caractère dramatique des condamnations, aussi minimes furent-elles.

Jean Pelestot était un propriétaire de 50 ans, né à Manosque, marié, un enfant, et d’après les pouvoirs, il était doté de « beaucoup d’aisance ». La police le caractérise ainsi : « Il est exalté sans être méchant et a été condamné pour s’être rendu en armes à Digne ». Il se présente ainsi : taille 1m 64, cheveux châtain clair.

Il est donc soumis à l’internement à Montauban par la Commission Mixte des Basses-Alpes, peine faible par rapport aux déportés, mais que l’homme vit très mal. Le 22 janvier 1852 il y a un projet de transformation de l’internement en surveillance qui va aboutir. Aussi, le 22 avril 1852, il demande un rapprochement avec sa famille de Manosque et il indique dans sa lettre qu’il a été obligé de marcher avec les insurgés et qu’il a laissé sa femme, une fille, et quelques petites propriétés à l’abandon. Le maire de Montauban, vu le comportement de Jean Pelestot, est favorable à la demande, mais le ministère répond :

 » Par la déclaration que cet individu vous a faites il vous a trompé. Il résulte de la notice qui m’a été transmise par mon collègue des Basses-Alpes qu’il a beaucoup d’aisance et qu’il est exalté sans être méchant. En conséquence j’estime qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande du dit Pelestot.  »

 

Par la suite, le 8 Septembre 1852, le pauvre Jean reçoit à nouveau une mauvaise nouvelle : son recours en grâce est rejeté. En conséquence, le 11 octobre, il décide de quitter son domicile montalbanais et le 21 octobre les recherches commencent pour le retrouver. Finalement, il se constitue prisonnier à Perpignan  » reculant, à ce qu’il a prétendu, devant une expatriation « . En réponse à cette escapade, le 8 novembre 1852 tombe un arrêté du ministère : il est éloigné temporairement de France via l’Angleterre pour le délit de rupture de ban. Il a quitté sans autorisation le lieu fixé pour sa résidence. Le maire de Montauban continuera de le défendre en demandant s’il faut donner suite à l’arrêté du 8 novembre. Je ne sais ce qui lui arriva après à cette date.

La lettre ci-jointe, montre son niveau d’écriture et témoigne de  » son aisance « . Il demande à ce qu’on lui restitue deux couteaux ! Il avait peut-être quelques propriétés mais que valaient-elles sans personne pour les cultiver ? Comment imaginer que cet homme de 50 ans puisse mettre en péril la ville de Manosque en y étant surveillé ? Cette énorme répression n’est pas non plus la seule manifestation du pouvoir de Morny comme certains voudraient le faire croire, pour disculper Napoléon III, puisque le 8 novembre 1852, il n’est plus ministre de l’intérieur depuis longtemps. À travers ce cas, nous avons une manifestation de plus d’un régime plus qu’inhumain : criminel.

 

Jean-Paul Damaggio

 

Texte de la lettre. [Nous avons évidemment respecté l’orthographe de cet émouvant document] :

 

Monsieur lepréfait du tarn et garrone

jean pelestot detenu politique, jeumé [prends ?] la liberté devou demender le vivre melitaire Come nous avon réçu aupachage delanpereur ; ma situation moblige avou faire cétte demende.

an partan de la prison deperpignan léconsierge a remi deux coutau au jandarme qui mapartien on mé les on léssé an route, jeu demende quelon méléface parvénir qui méféron besoin quan jeu sortré dela prison.

jeu mé soumi a lordonance delanpereur jeuspére que vous voudré bien prandre an considération dan le burau de votre justice pelestot