Rapport du colonel Trauers

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Rapport du colonel Trauers au général Levaillant, commandant l’état de siège dans le département du Var

 

Draguignan, 11 décembre 1851, 50e de ligne.

Mon général,

J’ai l’honneur de vous informer que, dans la journée d’hier, vers onze heures du matin, j’ai complètement écrasé les insurgés réunis à Aups. Parti de Draguignan de très grand matin, je rencontrai, vers neuf heures, le 5e bataillon révolutionnaire, occupant Tourtour. Ce bataillon ne tint pas et se dispersa dans les montagnes dès qu’il nous aperçut.

A une lieue de là, j’arrivai en vue d’Aups, où les insurgés étaient massés sur une grande place à l’ouest de la ville. Bon nombre d’entre eux occupaient la cité. Je les fis attaquer de front et les tournai par ma gauche. Au premier choc, ils furent renversés et se débandèrent dans toutes les directions.

Nous leur avons tué de quatre-vingt à quatre-vingt-dix hommes, et leur avons pris trois drapeaux, 15 quintaux de poudre de guerre, une grande quantité d’armes et des provisions de toute nature. Nous n’avons à regretter que la mort d’un fusilier. Deux officiers et cinq sous-officiers ou soldats ont été blessés.

Les quarante et quelques personnes qu’ils traînaient à leur suite sont rendues à leurs familles. Ce groupe se composait de gendarmes et de fonctionnaires. Les uns et les autres devaient être exécutés le jour même. Des poulies étaient attachées aux arbres de la place pour servir au supplice des gendarmes. un seul de ces prisonniers a été frappé par nos balles ; on espère le sauver.

Dès aujourd’hui, on peut considérer le foyer insurrectionnel du Var comme complètement anéanti. Les insurgés ont presque tous repris le chemin du foyer paternel. Les routes sont couvertes d’armes et de munitions.

Comme on m’avait affirmé qu’une autre colonne d’insurgés était à Salernes, je m’y suis porté après avoir donné quelque repos à mes troupes ; je n’ai rien trouvé. Les insurgés réunis dans cette ville étaient partis la veille pour se joindre à ceux d’Aups, dont le nombre était, dit-on, de 3000 à 3500, commandés par l’ancien rédacteur du Peuple (de Marseille), qui a pris le titre de général. La plupart des insurgés étaient mal armés ou n’avaient point d’armes.

Je rentre ce soir avec un convoi de plus de cent prisonniers, et les blessés, que je n’ai pu laisser à Aups à cause de l’état des esprits. Je partirai demain matin avec un détachement de quatre compagnies pour opérer sur Lagarde-Freinet et les lieux environnants. J’espère également frapper un grand coup et compléter ainsi la pacification du département.

A mon retour, j’aurai l’honneur de vous adresser un rapport de toutes les opérations depuis le 5 de ce mois, et de vous faire connaître le nom des militaires qui ont des droits à la bienveillance du gouvernement.

Je suis avec le plus grand respect, mon général, votre très-obéissant serviteur.

Le colonel, Trauers.

extrait de Le Moniteur. Journal officiel de la République française, 17 décembre 1851, reprenant La Sentinelle de la Marine (Toulon)