Maquan annoté par Bigorie-Laschamps

Document

 

 

L’ouvrage d’Hyppolite Maquan annoté par le procureur de la République François Bigorie-Laschamps, en poste à Draguignan en 1851-52, membre de la commission mixte du Var

 

François de Bigorie de Lachamps est né le 24 février 1815 à Lubersac (Corrèze). Nommé à  Draguignan le 2 février 1850, il y reste jusqu’au 2 décembre 1852 pour devenir avocat général à Rennes. Il poursuit sa carrière à Angers, Bastia et Colmar. Exclu de la magistrature en janvier 1871 par l’occupation prussienne, il est réintégré en mars de la même année, mais ne retrouve pas de poste. Il est décédé le 2 janvier 1885. (informations extraites de la base de données Annuaire rétrospectif de la magistrature XIXe-XXe siècle, établie par Jean-Claude Farcy) Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : Michel de Montaigne (1855), L’amour de son état (1856), Le prince blanc (1857), Une église métropolitaine en Bretagne (1858), Du jury en matière criminelle (1862), De la nécessité des langues mortes comme base de l’éducation littéraire (1869), Circonstances atténuantes (1870), Notre-Dame de Bretagne (1874).

 

Ce volume nous a été aimablement communiqué par M. Jacques Cru, grand amateur de l’histoire du Verdon. Il l’a acquis il y a quelques années auprès d’un bouquiniste parisien.

Nous nous contentons de présenter sommairement ces annotations.

Elles sont de trois formes :

  • des marques portées au crayon rouge dans la marge
  • des notes de bas de page au crayon gris
  • des notes de bas de page à l’encre noire

Si les deux derniers types sont certainement de la main de Bigorie, comme l’atteste l’emploi de la première personne, il est toutefois impossible d’assurer qu’il en est de même des marques au crayon rouge.

Les marques rouges repèrent des passages assez divers. Elles peuvent signaler les souvenirs que le lecteur a conservé des événements, soit au sujet de faits, soit à propos d’analyses politiques de l’auteur. Mais est-ce pour les approuver ou pour les dénigrer ? La lecture des notes manuscrites, qui tentent de présenter un procureur pondéré, milite pour la deuxième solution puisque certaines marques rouges sont placées en des passages assez outranciers (note 2 : insurgés bonapartistes ; note 7 : froid assassinat du gendarme ; note 8 : acharnement de la foule sur son corps ;.note 10 : projet de massacre du clergé).

Ces notes écrites commentent les interventions du lecteur dans le récit :

  • soit pour préciser un nom ou ses prises de position (notes 6 et 15)
  • soit pour contester leur réalité (16 qui défend la légalité, 19 qui plaide en faveur d’un résistant, 20 qui souligne sa propre magnanimité, et surtout 21 et 22 qui dénoncent la cruauté du préfet)

Nous ignorons à quelle date ces annotations furent portées. Durant l’empire ? Au moment où Théodore Pastoureau, préfet du Var qui a mené la répression et cible privilégiée de ces annotations, est au centre d’une vive polémique au sujet de l’exécution de Martin Bidouré? Ou bien au retour de la République ? Et surtout dans quel but. Sont-elles destinées à un tiers-lecteur ? A l’auteur ? Ou simplement ont-elles un usage personnel ?

Le débat sur ce document est ouvert. Nous attendons vos remarques et analyses.

                                                                  Frédéric Négrel

 

 

 

Le dos du volume porte : Insurrection de décembre 1848 (sic) dans le Var

 

 

 On peut suivre ces différentes annotations avec l’exemplaire de l’ouvrage mis en ligne par Gallica.

 

Insurrection de décembre 1851 dans le Var

 

 

Trois jours au pouvoir des insurgés

deuxième édition

 

 

Pensées d’un prisonnier

 

 

par H.Maquan

 

 

Draguignan

H.Bernard, imprimeur-éditeur

près la paroisse

 

 

1853

 

 

1 au crayon gris sous Maquan : M. Bigorry

L’orthographe du patronyme n’est pas celle utilisée sur les documents officiels (Bigorie)

 

page 11

2 marque au crayon rouge soulignée dans la marge droite en regard de :

N’a-t-on pas reconnu que parmi les insurgés des localités les plus arriérées, plusieurs croyaient prendre les armes pour la défense de Louis-Napoléon ?

Révolution, cruelle ignorance ! Socialisme, immense duperie !

 

  

page 14

3 marque au crayon rouge dans la marge gauche en regard de :

Depuis 1848, les trois communes de la Garde-Freinet, du Luc et de Vidauban, les deux premières surtout, étaient comme autant de foyers permanents d’exaltation anarchique.

 

 

 page 54

4 marque au crayon rouge dans la marge gauche en regard de :

Le 5 décembre, un rassemblement armé de 200 hommes envahit la mairie (d’Hyères). L’honorable maire de cette commune, M. David de Beauregard est sommé par un cabaretier et un ex-rédacteur du journal le Démocrate du Var, de résigner ses fonctions.

  

 

page 55

5 marque au crayon rouge soulignée dans la marge gauche en regard de :

Le maire (de Cuers) est d’abord violemment séparé des gendarmes, renversé sur le sol, et littéralement traîné en prison.

 

6 appel de note (1) au crayon rouge après :

Le malheureux brigadier Lambert veut défendre M. Barralier, mais il est saisi par cinq ou six insurgés à la fois. Ceux-ci l’étreignant fortement par derrière, le soulèvent et le présentent ainsi immobile aux coups de l’assassin, jeune homme désigné par le sort à immoler cette première victime.

 

note en bas de page :

Je crois que son nom est : Mourre

 

 

page 56

 

7 marque au crayon rouge dans la marge gauche en regard de :

Mais il (l’assassin) est membre d’une société secrète, il a prêté l’horrible serment qui fait une loi aux affiliés du parricide ; le sort l’a désigné et il frappe froidement la première victime offerte à ses coups.

Sa main ne tremble pas, son œil vise avec calme. L’infortuné brigadier Lambert tombe, atteint à bout portant d’une balle dans la tête.

 

 8 marque au crayon rouge dans la marge gauche en regard de :

Les uns broient le crâne (de Lambert) sous les coups répétés des bâtons et des pioches, d’autres plongent leurs sabres dans la poitrine comme pour s’assurer que leur arme a le fil.

 

 

page 58

9 marque au crayon rouge dans la marge gauche en regard de :

Et reculant devant le premier obstacle, la foule se précipite vers la caserne, qui n’est plus défendue que par la présence de la veuve du malheureux brigadier Lambert.

 

 

 

page 59

10 marque au crayon rouge dans la marge droite en regard de :

(Décrivant un enterrement à Cuers lors des journées de Décembre : les démocrates renoncent à attaquer le cortège car le curé n’y est pas. Un d’eux dit : ) – Nous les massacrerons tous ensemble, attendons !

 

 

 

page 71

11 marque au crayon rouge dans la marge droite en regard de :

3 décembre

La Constitution de 1848 se dressait comme une impasse devant la France, acculée au bord d’un abîme sans fond – le socialisme.

Le bord de cet abîme, s’éboulant chaque jour sous la lutte de deux pouvoirs rivaux, allait bientôt manquer sous nos pas.

Il fallait bien pour écarter la France du gouffre, renverser les murs de l’impasse, ou faire à ces murs une brèche quelconque.

Espérer que les deux pouvoirs s’entendraient pour faire la brèche ensemble, la faire plus large et passer de front sur un terrain plus solide, où la lutte aurait recommencé, c’était trop chevaleresque pour être politique.

Cela paraît fort clair aujourd’hui, mais au moment du coup d’état du 2 décembre, la situation de la presse conservatrice, indépendante, n’en était pas moins très perplexe.

 

 

 

page 73

12 marque au crayon rouge dans la marge droite en regard de :

Combien de grands politiques en sont là aujourd’hui !

Ainsi va le monde, ainsi va surtout la France.

La première sensation, produite par la nouvelle du coup d’état au chef-lieu, fut une sensation d’hilarité.

C’était grave pourtant.

Tandis que je réfléchis sur la légèreté de notre caractère national, je monte l’escalier du tribunal et je monte au parquet, où j’ai le plaisir de trouver M. le procureur de la République, homme d’esprit et de tact, dont je n’ai eu qu’à me louer dans cette circonstance.

Au premier mot je suis au fait de la situation.

 

 

page 74

13 marque au crayon rouge dans la marge gauche en regard de :

Le jeune magistrat (le substitut Niepce), comprenant tout le parti qu’il peut tirer de pareilles révélations, somme l’avocat démocrate (Pascal d’Aix) de s’expliquer. Il lui demande, si l’ordre de faire marcher les paysans a été réellement donné par lui ou ses amis politiques.

Puis il ajoute :

–    Si ce crime a été commis et que le sang soit répandu, vous ne pourrez plus maintenant en décliner la responsabilité.

 

 

 

page 75

14 marque au crayon rouge dans la marge droite en regard de :

Les véritables chefs, les principaux meneurs ne se montrent pas.

Ainsi fait toujours l’aristocratie révolutionnaire.

 

 

 

page 79

15 marque au crayon gris dans le texte à la suite de :

Blessé dans sa dignité administrative, ce magistrat (le préfet de Romand) remet sur le tapis la question de marcher sur le Luc.

note en bas de page au crayon gris :

J’ai insisté dans ce sens.

en dessous, à l’encre noire, ce qui semble la signature de Bigorie

 

  

 

page 84

16 marque à l’encre noire dans le texte à la suite de :

Cet avis (la mise en état de siège du département proposée par Théus, maire de Draguignan) est partagé par un grand nombre de personnes ; M. Bigorie-Laschamps, procureur de la République, partage cette opinion et s’empresse de rédiger un arrêté dans ce sens.

note de bas de page à l’encre noire, semblant s’insérer au-dessus d’une note préalable au crayon gris :

erreur absolue. J’ai lutté seul pour la légalité. Pendant deux jours.

note au crayon gris :

Erreur. J’ai pendant deux jours refusé l’avis de M. le maire. J’ai pensé qu’il était plus digne d’agir comme des gens assez forts pour dompter les insurgés par les moyens ordinaires.

 

 

 

page 89

17 marque au crayon rouge dans la marge droite en regard de :

M. Bigorie, procureur de la République, préside en personne à ces opérations. il se rend ensuite au domicile de plusieurs des principaux chefs pour faire procéder à leur arrestation, mais ils ont déjà jugé prudent de prendre la fuite.

On avait pensé sans doute que les arrêter plus tôt était impolitique, car il fallait donner le temps à ces chefs si prudents de se compromettre.

 

 

 

page 91

18 marque au crayon rouge dans la marge droite en regard de :

M. de Romand sort de l’hôtel (de la préfecture) et vient se placer près de la grille, à côté des soldats.

M. Bigorie, procureur de la République, MM. Mougins de Roquefort et Niepce, ses substituts, sont déjà à leur poste, à la hauteur de la caserne, à côté du commandant Mongin, prêts à faire les sommations légales et tenant à la main leurs écharpes.

M. Bigorie fait placer un de ses substituts derrière lui, afin d’être à l’instant remplacé, s’il tombe des premiers.

M. Blanc, juge de paix, est, depuis le matin, aux avant-postes.

Certes, l’insurrection avait bien tort de se faire attendre, car l’autorité, la magistrature, l’armée et les volontaires de Draguignan ne pouvait lui montrer plus de politesse.

L’insurrection eut le mauvais goût de faire défaut.

 

 

 

page 96

19 appel de note de bas de page à l’encre noire dans le texte à la suite de :

M. Bigorie lui (un vieillard enchaîné) fait subir un interrogatoire sommaire. Il répond avec embarras et maladresse.

note de bas de page à l’encre noire :

cela est faux. Il répond avec fanatisme ; mais avec dignité.

 

 

 

page 97

20 appel de note de bas de page à l’encre noire dans le texte à la suite de :

A la vue de ce malheureux (le même prisonnier), qu’on va fusiller, ce jeune magistrat (le substitut Niepce) s’émeut et songe aux prisonniers, dont la vie est au pouvoir des insurgés.

Il s’élance vers M. de Romand et s’écrie :

note de bas de page à l’encre noire :

inexact encore, dans les détails. C’est à moi que M. Niepce conduisit le prisonnier, me demandant d’écouter l’avis qu’on n’appliquât pas la loi martiale. Et sur le champ j’interviens, dans ce sens, auprès du préfet.

 

 

 

page 100

21 appel de note de bas de page à l’encre noire dans le texte à la suite de :

Cependant, tandis que le bataillon du 50° prend quelque repos, le nouveau préfet, M. Pastoureau, de concert avec le colonel Trauers, organise un plan de poursuite, ayant pour but de prendre les masses anarchiques entre deux feux.

note de bas de page à l’encre noire (finissant page 101) :

M. Pastoureau m’a systématiquement laissé de côté. Sans doute parce que j’étais l’ami de M. de Romand. Je ne m’en plains pas. Ses actes froidement cruels, m’inspirèrent une juste aversion pour soin caractère. Nos rapports personnels ont cessé depuis lors. Nous n’avons eu que des rapports forcés de service.

 

 

 

 

page 102

22 appel de note de bas de page à l’encre noire dans le texte à la suite de :

Suivant le rapport du colonel, le nouveau préfet M. Pastoureau montra non seulement le sang-froid nécessaire au premier magistrat du département, dans les circonstances critiques où il prenait la direction des affaires, mais encore l’énergie infatigable, la patience et le courage d’un militaire éprouvé.

note de bas de page à l’encre noire :

des témoins oculaires, notamment M. le juge de paix d’Aups, m’ont affirmé le contraire. Son émotion, d’après eux, plus tard, après le combat, explique sinon excuse sa cruauté.


une autre dédicace du même ouvrage au préfet Pastoureau, aimablement

communiquée par Alain Marcel

maquan_dedicace.jpg (67141 octets)

 

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