LE COUP D’ETAT DU 2 DECEMBRE 1851

LE COUP D’ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE 1851

PAR LES AUTEURS DU DICTIONNAIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 

[Joseph Décembre et Edmond Allonier]

3e ÉDITION PARIS 1868

DÉCEMBRE-ALONNIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

 

X

Réunion des représentants du peuple à la mairie du Xe arrondissement

 première partie

Les membres de l’Assemblée nationale ne restèrent pas inactifs dans la journée du 2 décembre, et organisèrent la résistance.

M. Dupin, président de l’Assemblée nationale, était encore au lit lorsqu’on vint lui annoncer l’investissement du palais législatif. Le colonel Espinasse se chargea lui-même de l’informer de ce qui se passait. Le caractère de M. Dupin était si bien connu des auteurs du coup d’État, qu’ils jugèrent inutile de prendre aucune mesure de sûreté contre lui[1]. Cependant le président de l’Assemblée nationale eut quelques velléités de courage, sans toutefois dépasser les limites d’une honnête prudence ; il fit convoquer à domicile les représentants de l’Assemblée nationale.

Les membres de la gauche, qui n’avaient pas attendu cette convocation pour aviser, étaient déjà réunis en assez grand nombre chez M. Yvan, secrétaire de l’Assemblée nationale. Tous étaient résolus à résister par tous les moyens, même par l’appel aux armes. Toutefois, ils pensèrent que leur résistance serait fortifiée par l’adhésion des membres de la majorité. Ils se rendirent, à cet effet, chez M. Benoist d’Azy, vice-président, qui parut d’une tiédeur désespérante. M. Léon Faucher, ancien ministre du Président de la République, chez qui ils se transportèrent ensuite, ne sut que pousser des exclamations et exprimer des doléances.

On lui arracha néanmoins la promesse qu’il réunirait ses amis pour délibérer en commun. M. Odilon Barrot n’était pas chez lui pour les recevoir ; mais sa femme donna communication aux visiteurs d’une protestation laissée par M. Odilon Barrot, et qui portait déjà la signature de plusieurs représentants de la droite ; elle était ainsi conçue :

« Vu l’article 68 de la Constitution ;

Considérant que, violant ses serments et la Constitution, Louis-Napoléon Bonaparte a dissous l’Assemblée et employé la force publique pour consommer cet attentat,

Les membres de l’Assemblée, soussignés, après avoir constaté la violence qui est apportée, par les ordres du Président, à la réunion légale de l’Assemblée, et l’arrestation de son bureau et de plusieurs de ses membres ;

Déclarent, que l’article 68 de la Constitution trace à chaque citoyen le devoir qu’il à remplir ;

En conséquence, le Président est déclaré démis de ses fonctions ;

La haute cour de justice est convoquée. Défense est faite à tout citoyen d’obéir aux ordres du pouvoir déchu, sous peine de complicité ;

Les conseils généraux sont convoqués et se réuniront immédiatement ; ils nommeront une commission dans leur sein, chargée de pourvoir à l’administration du département et de correspondre avec l’Assemblée dans le lieu qu’elle aura choisi pour se réunir ;

Tout receveur général, ou percepteur, ou détenteur quelconque de deniers publics qui se dessaisirait des fonds qui sont dans ses caisses sur un autre ordre que celui émané du pouvoir régulier constitué par l’Assemblée, sera responsable sur sa propre fortune, et, au besoin, puni des peintes de la complicité.

Fait et arrêté le 2 décembre 1851.

Signé Odilon Barrot, Chambolle, de Tocqueville, Gustave de Beaumont, Dufaure, Etienne, Mispoulet, Oscar Lafayette, Lanjuinais, Hippolyte Passy, Piscatory, de Broglie, Duvergier de Hauranne, de Corcelles, d’Hespel, de Luppé, de Sèze, Guillier de la Touche, Vaudoré, Chaper, Sainte-Beuve, Bocher, de Laboulie, Vitet, de Montigny, de Montebello, Thuriot de la Rosière, Mathieu de la Redorte, Victor Lefranc, Benjamin Delessert. »

 

Vers le même temps une autre réunion se tenait chez M. Daru, rue de Lille, dans le voisinage du palais législatif. Les membres du centre droit dominaient dans cette assemblée. A dix heures du matin, ils décidèrent qu’ils se rendraient en corps au palais législatif et qu’ils donneraient l’exemple de la résistance en bravant les baïonnettes qu’on oserait croiser sur leurs poitrines.

Le régiment du colonel Espinasse, qui occupait le palais, prit les armes pour repousser cette incursion inattendue. M. Daru, qui se présenta le premier, fut violemment repoussé à coups de crosse ; M. de Larcy reçut un coup de baïonnette à la cuisse ; M. Moulin, secrétaire de l’Assemblée, fut blessé à la tête. M. de Talhouët eut son vêtement percé d’un coup de baïonnette.

Tous revinrent chez M. Daru.

Cependant une consigne mal donnée ou mal exécutée permit à un grand nombre de représentants de pénétrer dans le palais législatif par la petite porte de la présidence, rue de l’Université, qui n’avait pas été fermée à clef. Ils s’introduisirent dans à salle des séances ; ils étaient là au nombre de quarante environ, et parmi eux se trouvaient plusieurs républicains.

Un décret de déchéance venait d’être rédigé et signé, lorsque M. de Morny, informé de ce qui se passait, donna des ordres pour l’évacuation du palais. Le colonel Espinasse chargea M. Saucerot, commandant de la gendarmerie mobile, de procéder à cette opération avec un détachement de soldats. La vue des uniformes provoqua les apostrophes les plus énergiques. M. Mounet s’adressant au commandant Saucerot :

« Vous ne pouvez ignorer, dit-il, que cette enceinte est exclusivement réservée aux délibérations de l’Assemblée nationale, que nul corps armé n’a le droit d’y pénétrer qu’en vertu d’une réquisition du président de l’Assemblée.

— J’ai des ordres formels à exécuter, répondit l’officier, et je vous somme de vous retirer.

— Un pareil ordre est un crime, répliqua M. Mounet ; en l’exécutant vous vous rendez complice d’un attentat sévèrement puni par le Code pénal. »

M. Mounet donna alors lecture de l’article 68 de la Constitution. Mais le commandant Saucerot l’interrompant, donna l’ordre à ses soldats de pousser les représentants devant eux. Les cris de Vive la Répub1ique ! Vive la Constitution ! répondirent à cette violence. Il fallut arracher les représentants de leurs bancs, et les traîner hors de la salle. Un vieillard de soixante–quinze ans, le général Leydet, honorable républicain, montra une énergie qu’on n’attendait point d’un homme de cet âge.

Pendant cette scène, MM. Canuet et Favreau étaient allés chercher le président Dupin, qui se tenait coi dans son appartement. Il fallut le pousser jusque dans la salle des séances, pour l’obliger à remplir le rôle qui lui était naturellement dévolu. M. Véron rapporte que son premier mot, en entrant dans la salle, fut celui-ci :

« Messieurs, vous vous plaigniez que l’on ne respecte pas la Constitution et vous ne respectez pas une consigne. »

Tant de lâcheté suffit pour expliquer le succès du coup d’Etat du 2 décembre. Le représentant Demousseaux de Givrey passe à M. Dupin une écharpe autour du corps, et l’oblige enfin à balbutier un discours à la troupe dans lequel il était question du respect dû à la Constitution.

Un soldat, prenant en pitié l’attitude de M. Dupin, et donnant à sa protestation sa juste valeur, il s’écria :

« Çà, c’est pour la farce ! »

Le général Leydet essaya de rendre à M. Dupin un peu de courage, et de le rappeler au sentiment de sa dignité ; d’autres représentants lui reprochèrent également sa lâche irrésolution. Le successeur de Boissy-d’Anglas ne trouva que ces mots pour toute réponse :

« Il est évident que le droit est pour nous ; mais ces messieurs ont la force. Nous n’avons qu’à nous en aller. » Et il donna l’exemple de la retraite.

Les représentants étaient déjà refoulés dans la grande salle où sont les statues de Mirabeau et de Bailly ; on les repoussa encore hors du palais. Arrivés sur la place de Bourgogne, ceux qui venaient d’être ainsi expulsés trouvèrent entre les mains des soldats le général Radoult-Lafosse, et deux autres représentants, MM. Arbey et Toupet des Vignes, qui venaient d’être arrêtés pour avoir harangué la troupe. Des protestations s’élevèrent contre ces arrestations illégales, mais les plus ardents, et même MM. Fayolles, Paulin, Durieu et Vreilhard-Laterisse, furent eux-mêmes arrêtés sur l’ordre du colonel du 6e de ligne, M. Gardarens de Boisse.

Les prisonniers furent conduits au ministère des affaires étrangères, où MM. Eugène Sue, Chanay et Benoît (du Rhône) furent bientôt amenés à leur tour.

M. Granier de Cassagnac a trouvé quelques paroles pour louer à la fois la convenance de M. le commandant Saucerot dans cette circonstance, ainsi que les ménagements de ses gendarmes.

Les représentants chassés du palais législatif apprirent bientôt que leurs collègues se réunissaient en assez grand nombre à la mairie du Xe arrondissement et ils s’y portèrent. On connaissait d’ailleurs les dispositions des habitants de ce quartier, et des renseignements certains avaient fait connaître qu’on pouvait compter sur le concours des gardes nationaux de la 10e légion et de son honorable colonel, M. Lauriston.

D’autres représentants, qui faisaient partie du cercle des Pyramides, s’y trouvaient réunis dans le même moment.

Des sentiments divers agitaient cette fraction de la droite : les uns, à l’exemple de M. Dupin, n’étaient pas éloignés de se ranger du côté du plus fort ; les autres inclinaient pour faire respecter la Constitution.

M. Léon Faucher prit la parole dans cette réunion, pour appuyer les prétentions de la présidence ; il voulait seulement que la prolongation des pouvoirs présidentiels fût obtenue par les voies légales et parlementaires.

Cet ancien ministre du Président de la République n’avait pas été éloigné, si nous en croyons M. Granier de Cassagnac, de se prêter à un coup d’Etat ; mais il aurait voulu que le chef du pouvoir exécutif lui abandonna l’initiative et se confiât à son habileté.

« Je le conduirai à son but avait-il dit, mais il faut qu’il me laisse faire. »

Les choses avaient tourné autrement, et le coup d’Etat était devenu un fait accompli sans l’immixtion de M. Léon Faucher.

Nous citons le fait, mais nous nous refusons d’y croire.

Un représentant prit la parole à son tour ; il ne contesta pas que la Constitution et la légalité avaient été mises un peu de côté, mais il représenta qu’il valait mieux accepter le fait accompli que de plonger le pays dans les horreurs de la guerre civile. Cette assemblée, adoptant ce conseil, repoussa les propositions de M. Léon Faucher, et résolut de laisser faire. M. Crémieux avait réuni, comme nous l’avons déjà dit, dans sa maison, rue des Petits-Augustins, n° 1, un certain nombre de représentants de la gauche. La police, avertie à temps, avait fait cerner la maison et arrêté là dix représentants. Ceux-ci, conduits par un détachement et escortés par de nombreux agents, faillirent être délivrés à l’entrée du pont Neuf, par un rassemblement considérable, que dirigeait M. Malardier (de la Nièvre).

Ce courageux républicain, avait passé son écharpe et s’était présenté devant la troupe pour la rappeler à son devoir. Le commandant du détachement n’hésita pas à charger la multitude désarmée, qui entourait déjà ses soldats et allait leur enlever les prisonniers.

Deux cents autres représentants, qui affluaient chez M. Daru, rue de l’Université, et dont quarante environ s’étaient portés, dans la matinée, au palais de l’Assemblée, comme nous l’avons raconté, eurent l’initiative de transférer le siége de l’Assemblée nationale à la mairie du Xe arrondissement, rue de Grenelle-Saint-Germain, n° 7. Il était alors onze heures du matin. Un certain nombre de représentants, appartenant à la droite, y étaient déjà installés dans la grande salle, au premier étage, depuis neuf heures et demie. Quelques gardes nationaux, convoqués à domicile par le colonel de la 10e légion, se présentaient à l’appel, et leur nombre eût bientôt considérablement grossi, si la troupe, qui occupait la mairie, ne leur eût barré le chemin. Le maire du Xe arrondissement, M. Roger, arriva en même temps que le commissaire de police du quartier de Babylone, M. Lemoine Tacherat. Leur présence fut saluée de cris d’enthousiasme de : Vive la Constitution ! vive La République ! que poussèrent les gardes nationaux présents.

M. Roger était d’avis de faire évacuer immédiatement l’hôtel de la mairie. Le commissaire de police jugea nécessaire de demander, avant d’agir, des instructions à l’autorité supérieure.

M. Lemoine, arrivé au quai d’Orsay, apprit que des troupes étaient déjà dirigées sur la mairie. Comment expliquer le retard que la troupe apporta à l’évacuation de la salle du Xe arrondissement ?

M. Véron nous renseigne à ce sujet. « Le Président de la République, M. le ministre de l’intérieur et M. de Maupas fuirent vite informés de ce qui se passait. Le Président de la République envoya le général Roguet au ministre de la guerre, afin que ce dernier avisât. Le ministre de la guerre objecte qu’il s’agit d’une répression civile, que cela regarde le ministre de l’intérieur, et se refuse à prendre l’initiative d’aucune mesure. M. le général Roguet se rend immédiatement au ministère de l’intérieur ; là M. de Morny assume sur lui, sans hésiter, cette responsabilité, et signe un ordre qui charge le général Forey de disperser cette réunion de députés. »

Le général Magnan, qui, comme nous l’avons déjà dit, n’avait promis d’agir que sur des ordres formels, de manière à ménager sa responsabilité, se décida cependant à signer l’ordre suivant qu’il fit parvenir au général Forey :

 

Commandant,

En conséquence des ordres du ministre de la guerre, faites immédiatement occuper la mairie du Xe arrondissement et faites arrêter, s’il est nécessaire, les représentants qui n’obéiraient pas sur-le-champ à l’injonction de se séparer.

Le généra1 en chef,

Magnan.

 

Le général Forey dirigea sur la mairie du Xe trois compagnies du 6e bataillon de chasseurs à pied ; le commandant du bataillon, s’étant évanoui sur le quai d’Orsay, le capitaine Briquet prit le commandement de cette troupe.

Pendant ce temps-là, l’attitude de la force armée qui occupait la mairie du Xe arrondissement, et qui n’avait pu empêcher la réunion des représentants, était assez irrésolu, et témoignait, jusqu’à un certain point, de l’inquiétude qui se manifesta souvent, on ne peut le contester, parmi ceux qui appuyèrent le coup d’Etat. Le commissaire de police Barley, que M. de Maupas, préfet de police, avait spécialement chargé de l’évacuation, était d’avis de faire sortir tout le monde[2]. Le capitaine de la compagnie de chasseurs, qui stationnait dans la cour de la mairie, objectait au contraire qu’il avait reçu l’ordre de ne laisser sortir personne. Il fallut, pour sortir d’embarras, en référer aux autorités supérieures.

C’est ainsi que l’Assemblée nationale put, sans être inquiétée, siéger jusqu’à trois heures de l’après-midi, et prendre certaines mesures que commandait la situation.

Nous rapportons ici le compte-rendu de cette mémorable séance[3].

 

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE 

Séance extraordinaire du 2 décembre 1852. 

PRÉSIDENCE DE M. VITET. 

La séance est ouverte- à onze heures du matin.

Le bureau est composé de MM. Benoist d’Azy, Vitet, vice-présidents ; Chapot, Moulin, Grimault, secrétaires.

Une vive agitation règne dans la salle, où sont réunis environ trois cents membres appartenant à toutes les nuances politiques.

Le Président, M. Vitet. La séance est ouverte.

Plusieurs membres. Ne perdons pas de temps.

Le Président. — Une protestation a été signée par plusieurs de nos collègues ; en voici le texte.

M. Berryer. Je crois qu’il ne convient pas à l’Assemblée de faire des protestations.

L’Assemblée nationale ne peut se rendre dans le lieu ordinaire de ses séances ; elle se réunit ici ; elle doit faire acte d’assemblée et non une protestation. (Très-bien ! Marques d’assentiment.) Je demande que nous procédions comme assemblée libre, au nom de la Constitution.

M. Vitet. Comme nous pouvons être expulsés par la force, n’est-il pas utile que nous convenions immédiatement d’un autre lieu de réunion, soit à Paris, soit hors Paris ?

Voix nombreuses. — Dans Paris ! dans Paris !

M. Bixio. — J’ai offert ma maison.

M. Berryer. — Ce sera là le second objet de notre délibération ; mais la première chose à faire par l’Assemblée, qui se trouve déjà en nombre suffisant, c’est de statuer par un décret. Je demande la parole sur le décret.

M. Monet. — Je demande la parole sur un fait d’attentat. (Bruit et interruption)

M. Berryer. — Laissons de côté tous les incidents ; nous n’aurons peut-être pas un quart d’heure à nous. Rendons un décret. (Oui, oui.) Je demande qu’aux termes de l’article 68 de la Constitution, attendu qu’il est mis obstacle à l’exécution de son mandat,

L’Assemblée nationale décrète que Louis-Napoléon Bonaparte est déchu de la Présidence de la République, et, qu’en conséquence, le pouvoir exécutif passe de plein droit à l’Assemblée nationale. (Très-vive et unanime adhésion. Aux voix !)

Je demande que le décret soit signé par tous les membres présents. (Oui ! oui !)

M. Béchard. J’appuie cette demande.

M. Vitet. Nous allons rester en permanence.

M. le- Président. — Le décret sera immédiatement imprimé par tous les moyens qu’on pourra avoir. Je mets le décret aux voix. (Le décret est adopté à l’unanimité, aux cris mêlés de : Vive la Constitution ! vive la Loi ! vive la République !)

Le décret est rédigé par le bureau.

M. Chapot. Voici un projet de proclamation qui a été proposé par M. de Falloux.

M. de Falloux. Donnez-en lecture.

M. Berryer. — Nous avons autre chose à faire.

M. Piscatory. La vraie proclamation, c’est le décret.

M. Berryer. — C’est une réunion particulière que celle dans laquelle on fait une proclamation. Nous sommes ici une assemblée régulière.

Plusieurs voix. Le décret ! le décret ! pas autre chose !

M. Quentin-Bauchart. Il faut le signer.

M. Piscatory. Un avis, pour hâter le travail. Nous allons faire courir des feuilles sur lesquelles on signera. On les annexera ensuite au décret. (Oui ! oui ! — On fait circuler des feuilles de papier dans l’assemblée.)

Un Membre. — Il faut donner l’ordre au colonel de la 10elégion de défendre l’Assemblée. Le général Lauriston est présent.

M. Berryer. Donnez un ordre écrit.

Plusieurs Membres. Qu’on batte le rappel !

Une altercation a lieu dans le fond de la salle entre des représentants et quelques citoyens qu’on veut faire retirer. Un de ces citoyens s’écrie : « Messieurs, dans une heure, peut-être, nous nous ferons tuer pour vous ! »

M. Piscatory. — Un mot, nous ne pouvons… (Bruit. Ecoutez donc, écoutez !) nous ne devons, nous ne voulons pas exclure les auditeurs. Ceux qui voudront venir seront très-bien venus. Il vient de se prononcer un mot que j’ai recueilli : « Dans un instant, peut-être, nous nous ferons tuer pour l’Assemblée. » Nous ne pouvons recevoir beaucoup de personnes, mais celles qui peuvent tenir ici doivent y rester. (Bien! Bien!) La tribune est publique par la Constitution. (Marques d’approbation.)

Le Président Vitet. Voici le décret de réquisition :

« L’Assemblée nationale, conformément à l’article 32 de la Constitution, requiert la 10e légion pour défendre le lieu des séances de l’Assemblée.

Je consulte l’Assemblée. (Le décret est voté à l’unanimité ; une certaine agitation succède à ce vote. Plusieurs membres parlent en même temps.)

M. Berryer. — Je supplie l’Assemblée de garder le silence. Le bureau, qui rédige en ce moment les décrets et à qui je propose de remettre tous les pouvoirs pour les différentes mesures à prendre, a besoin de calme et de silence. Ceux qui auront des motions à faire les feront ensuite ; mais si tout le monde parle, il sera impossible de s’entendre. (Le silence se rétablit.)

Un Membre. Je demande que l’Assemblée reste en permanence jusqu’à ce qu’on envoie des forces. Si nous nous séparons avant que les forces viennent, nous ne pourrons plus nous réunir.

M. Legros-Desvaux. Oui ! oui ! la permanence.

M. Favreau. — Je demande à rendre compte de ce qui s’est passé ce matin à l’Assemblée. Le ministre de la marine avait donné au colonel Espinasse l’ordre de faire évacuer les salles. Nous étions trente ou quarante dans la salle des conférences. Nous avons déclaré que nous nous rendions dans la salle des séances et que nous y resterions jusqu’a ce qu’on osât nous en expulser.

On est allé chercher M. Dupin, qui est venu nous trouver dans la salle des séances ; nous lui avons remis une écharpe, et, lorsque la troupe s’est présentée, il a demandé à parler au chef. Le colonel s’est présenté, et M. Dupin lui a dit :

« J’ai le sentiment du droit et j’en parle le langage. Vous déployez ici l’appareil de la force : je proteste. »

M. Monet. — Présent à cette scène, je demande l’insertion au procès-verbal de l’acte de violence qui a été commis envers nous. Après la lecture que j’ai faite, sur l’invitation de mes collègues, de l’art. 68 de la Constitution, j’ai été appréhendé au corps et arraché violemment de mon banc.

M. Dahirel. — Nous, qui avons reçu des coups de baïonnette, nous n’en sommes pas surpris.

MM. Odilon Barrot et de Nagle arrivent dans la salle et apposent leur signature sur le décret de déchéance.

M. le président donne mission à M. Hovyn-Tranchère de faire entrer des représentants qui sont retenus à la porte.

M. Piscatory. — Je demande à l’Assemblée de lui rendre compte d’un fait qui me parait important. Je suis allé faire reconnaître plusieurs de mes collègues qui ne pouvaient entrer. Les officiers de paix m’ont dit que le maire avait donné l’ordre de ne faire entrer personne. Je me suis transféré immédiatement chez le maire, qui m’a dit : « Je représente le pouvoir exécutif et je ne puis laisser entrer les représentants. » Je lui ai fait connaître le décret que l’Assemblée avait rendu et lui ai dit qu’il n’y avait d’autre pouvoir exécutif que l’Assemblée nationale (très-bien !) et je me suis retiré. J’ai cru qu’il était bon de faire cette déclaration au nom da l’Assemblée. (Oui ! oui ! — Très-bien !) Quelqu’un m’a dit en passant : « Dépêchez-vous, dans peu de moments la troupe sera ici. »

M. Berryer. — Je demande provisoirement qu’un décret ordonne au maire de laisser les abords de la salle libres.

M. de Falloux. — Il me semble que nous ne prévoyons pas deux choses qui me paraissent très-vraisemblables ; la première, que vos ordres ne seront pas exécutés ; la seconde, que nous serons expulsés d’ici. Il faut convenir d’un autre lieu de réunion.

M. Berryer. — Avec les personnes étrangères qui se trouvent présentes, nous ferions une chose peu utile ; nous saurons bien nous faire avertir du lieu où nous pourrons nous réunir. (Non ! non ! Un décret provisoire.)

M. le Président. — M. Dufaure a la parole. Silence, Messieurs, les minutes sont des heures.

M. Dufaure. — L’observation qui vient d’être faite est juste ; nous ne pouvons désigner hautement le lieu de notre réunion. Mais je demande que l’Assemblée confère à son bureau le droit de le choisir. Il avertira chacun des membres du lieu de la réunion, afin que chacun de nous puisse s’y rendre. Messieurs, nous sommes maintenant les seuls défenseurs de la Constitution, du droit, de la République, du pays. (Oui ! oui ! — très-bien !) — Des cris de « Vive la République ! se font entendre.) Ne nous manquons pas à nous-mêmes, et s’il faut succomber devant la force brutale, l’histoire nous tiendra compte de ce que, jusqu’au dernier moment, nous avons résisté par tous les moyens qui étaient en notre pouvoir. (Bravos et applaudissements)

M. Berryer. — Je demande que, par un décret, l’Assemblée nationale ordonne à tous les directeurs de maisons de force ou d’arrêt de délivrer, sous peine de forfaiture, les représentants qui ont été arrêtés.

Ce décret est mis aux voix par le président et adopté à l’unanimité.

Le général Lauriston. — L’Assemblée n’est pas un lieu de sûreté. Les autorités municipales prétendent que nous avons forcé les portes, et qu’elles ne peuvent pas laisser la mairie occupée par nous. Je sais que des agents de police sont allés prévenir l’autorité, et que d’ici à peu de temps des forces importantes nous forceront à évacuer la salle.

Un représentant arrive et s’écrie : « Dépêchons-nous, voilà la force qui arrive. » (Il est midi et demie)

M. Antony Thouret entre et signe le décret de déchéance en disant : « Ceux qui ne signent pas sont des lâches. »

Au moment où l’on annonce l’arrivée de la force armée, un profond silence s’établit. Tous les membres du bureau montent sur leurs sièges pour être vus de toute l’Assemblée et des chefs de la troupe.

M. le Président Benoist d’Azy. — Silence, messieurs !

Les chefs de la troupe ne se présentent pas.

M. Antony Thouret. — Puisque ceux qui occupent la mairie n’entrent pas dans cette salle pour dissoudre cette séance, qui est la seule légale, je demande que le président, au nom de l’Assemblée nationale, envoie une députation qui sommera la troupe de se retirer au nom du peuple. (Oui ! oui ! très-bien !)

M. Canet. — Je demande à en faire partie.

M. Benoist d’Azy. — Soyez calmes, messieurs. Notre devoir est de rester en séance et d’attendre.

M. Pascal Duprat. — Vous ne vous défendrez que par la révolution.

M. Berryer. — Nous nous défendrons par le droit.

Voix diverses. — Et la loi, la loi ; pas de révolution.

M. Pascal Duprat. — Il faut envoyer dans toutes les parties de Paris et principalement dans les faubourgs, et dire à la population que l’Assemblée nationale est debout, que l’Assemblée a dans la main toute la puissance du droit, et qu’au nom du droit elle fait un appel au peuple ; c’est votre seul moyen de salut. (Agitation et rumeurs.)

Plusieurs Membres, dans le fond de la salle. — On monte ! on monte ! (Sensation suivie d’un profond silence.)

M. le Président Benoist d’Azy. — Pas un mot, messieurs, pas un mot ! silence absolu ! c’est plus qu’une invitation, permettez-moi de dire que c’est un ordre.

Plusieurs Membres — C’est un sergent, c’est un sergent qu’on envoie !

M. le président Benoist d’Azy. — Un sergent est le représentant de la force publique.

M. de Falloux. — Si nous n’avons pas la force, ayons au moins la dignité.

Un Membre. — Nous aurons l’une et l’autre. (Profond silence.)

M. le Président. — Restez à vos places, songez que l’Europe entière vous regarde !

M. le président Vitet et M. Chapot, l’un des secrétaires, se dirigent vers la porte par laquelle la troupe va pénétrer, et s’avancent jusque sur le palier. Un sergent et une douzaine de chasseurs de Vincennes du 6e bataillon occupent les dernières marches de l’escalier.

MM. Grévy de Charencey et plusieurs autres représentants ont suivi MM. Vitet et Chapot. Quelques personnes étrangères à l’Assemblée se trouvent aussi sur le palier. Parmi elles nous remarquons M. Beslay, ancien membre de l’Assemblée constituante.

M. le Président Vitet, s’adressant au sergent. — Que voulez-vous ? Nous sommes réunis en vertu de la Constitution.

Le Sergent. — J’exécute les ordres que j’ai reçus.

M. le Président Vitet. — Allez parler à yotre chef.

M. Chapot. — Dites à votre chef de bataillon de monter ici.

Au bout d’un instant, un capitaine faisant les fonctions de chef de bataillon se présente au haut de l’escalier.

M. le Président, s’adressant à cet officier. — L’Assemblée nationale est ici réunie. C’est au nom de la loi, au nom de la Constitution que nous vous sommons de vous retirer.

Le Commandant. — J’ai des ordres.

M. Vitet. — Un décret vient d’être rendu par l’Assemblée, qui déclare qu’en vertu de l’article 68 de la Constitution, attendu que le Président de la République porte obstacle à l’exercice du droit de l’Assemblée, le Président est déchu de ses fonctions; que tous les fonctionnaires et dépositaires de la force et de l’autorité publique sont tenus d’obéir à l’Assemblée nationale. Je vous somme de vous retirer.

Le Commandant.. — Je ne puis pas me retirer.

M. Chapot. — A peine de forfaiture et de trahison à la loi, vous êtes tenu d’obéir sous votre responsabilité personnelle.

Le Commandant. — Vous connaissez ce que c’est qu’un instrument ; j’obéis. Du reste, je vais rendre compte immédiatement.

M. Grévy. — N’oubliez pas que vous devez obéissance à la Constitution et à l’article 68.

Le Commandant. — L’article 68 n’est pas fait pour moi.

M. Beslay. — Il est fait pour tout le monde ; vous devez lui obéir.

M. le président Vitet et M. Chapot rentrent dans la salle. M. Vitet rend compte à l’Assemblée de ce qui vient de se passer entre lui et le chef de bataillon.

M. Berryer.— Je demande que ce ne soit pas seulement par un acte du bureau, mais par un décret de l’Assemblée, qu’il soit immédiatement déclaré que l’armée de Paris est chargée de veiller à la défense de l’Assemblée nationale, et qu’il soit enjoint au général Magnan, sous peine de forfaiture, de mettre les troupes à la disposition de l’Assemblée. (Très-bien !)

M. Pascal Duprat.. — Il ne commande plus.

M. de Ravinel. — C’est Baraguey-d’Hilliers qui commande. (Non ! non ! Si ! si !)

Plusieurs membres. — Sommez le général sans mettre le nom.

M. le président Benoist d’Azy. — Je consulte l’Assemblée.

L’Assemblée, consultée, vote le décret à l’unanimité.

M. Monet.— Je demande qu’il soit envoyé au président de l’Assemblée un double du décret qui a été rendu, prononçant la déchéance.

Plusieurs membres. — Il n’y en a plus, il n’y a plus de président ! (Agitation.)

M. Pascal Duprat. — Puisqu’il faut dire le mot, M. Dupin s’est conduit lâchement. Je demande qu’on ne prononce pas son nom. (Vives rumeurs.)

M. Monet. — J’ai voulu dire le président de la haute cour. C’est au président de la haute cour qu’il faut envoyer le décret.

M. le président Benoist d’Azy. — M. Monet propose que le décret de déchéance soit envoyé au président de la haute cour nationale.

Je consulte l’Assemblée.

L’Assemblée, consultée, adopte le décret.

M. Jules de Lasteyrie. — Je vous proposerai, Messieurs, de rendre un décret qui ordonne au commandant de l’armée de Paris et à tous les colonels de légions de la garde nationale, d’obéir au président de l’Assemblée nationale, sous peine de forfaiture, afin qu’il n’y ait pas un homme qui ne sache dans la capitale quel est son devoir, et que s’il y manque, c’est une trahison envers le pays. (Très-bien ! très-bien !)

M. Dufraisse.—Et au commandant de la garde nationale de Paris ?

M. le président Benoist d’Azy. — Il est évident que le décret rendu s’applique à tous les fonctionnaires et commandants.

M. Dufraisse. — Il faut spécifier.

M. Pascal Duprat. — Nous avons à craindre dans les départements le retentissement des décrets fâcheux qui ont été publiés ce matin par le Président de la République ; je demande que l’Assemblée prenne une mesure quelconque pour faire savoir aux départements quelle est l’attitude que nous avons prise ici au nom de l’Assemblée nationale.

Plusieurs voix. — Nos décrets, nos décrets sont là.

M. de Rességuier. — Je demande que le bureau soit chargé de faire une proclamation à la France.

Voix diverses. — Les décrets seulement, les décrets.

M. le président Benoist d’Azy. — Si nous avons la possibilité de publier les décrets, tout est fait ; sinon, nous ne pouvons rien.

M. Antony Thouret. — Il faut envoyer des émissaires dans Paris; donnez-moi un exemplaire de notre décret.

De toutes parts. — C’est fait ! c’est fait !

M. Rigal. — Je demande qu’on prenne toutes les mesures nécessaires pour faire imprimer le décret.

Un membre. — Je demande qu’on mette en réquisition le télégraphe.

M. de Ravinel. — Qu’on empêche le directeur de communiquer avec les départements, sinon pour transmettre les décrets de l’Assemblée.

M. Dufraisse. — Je demande, si l’Assemblée croit utile de l’ordonner, qu’il soit rendu un décret qui défende à tout directeur des deniers publics de les livrer sur les ordres des fonctionnaires publics actuels. (C’est fait ! c’est fait ! — C’est compris dans le décret.)

M. Colfavru. — Puisqu’on dit dans le décret que toutes les attributions du pouvoir exécutif passent à l’Assemblée.

M. de Montebello. — La responsabilité pécuniaire est de droit.

M. Antony Thouret. — Il me semble que l’Assemblée doit aussi se préoccuper de la position de nos collègues, les généraux qui sont à Vincennes.

De toutes parts. — C’est fait ; il y a un décret rendu sur la proposition de M. Berryer.

M. Antony Thouret — Je demande pardon à l’Assemblée ; c’est que je suis arrivé trop tard.

M. le général Oudinot. — Jamais nous n’avons éprouvé le besoin d’entourer notre président de plus de déférence, de soumission et de considération que dans ce moment. Il est bien qu’il soit investi d’une espèce de dictature, passez-moi l’expression. (Réclamations de la part de quelques membres). Je retire l’expression si elle peut éveiller la moindre susceptibilité ; je veux dire que sa parole doit obtenir immédiatement respect et silence. Notre force, notre dignité sont précisément dans l’unité. Nous sommes unis, il n’y a plus dans l’Assemblée de côté droit, ni de côté gauche. (Très-bien ! très-bien !) Nous avons tous des fibres au cœur ! c’est la France tout entière qui est blessée en ce moment. (Très-bien !)

Un seul mot. Quand le président croira devoir déléguer un ou plusieurs de nous pour une mission quelconque, que nous lui obéissions. Pour moi, j’obéirai complètement. Je veux qu’il soit entendu que toutes les propositions passeront par le bureau. Sinon qu’arrivera-t-il ? C’est qu’ainsi que vient de le faire M. Antony Thouret, on reproduit des propositions, justes en elles-mêmes, qui déjà ont été faites et adoptées. Ne perdons pas de temps ; mais que tout passe par le bureau. Obéissons au président ; pour moi, je me soumets complètement à ses ordres avec le plus grand empressement. (Très-bien !)

M. le président Benoist d’Azy. — Je crois que la force de l’Assemblée consiste à conserver une parfaite union. Je propose, conformément à l’avis qui vient de m’être exprimé par plusieurs membres, que le général Oudinot, notre collègue, soit investi du commandement des troupes. (Très-bien ! très-bien ! bravo !)

M. Tamisier. — Sans doute, M. le général Oudinot, comme tous nos collègues, ferait son devoir ; mais vous devez vous rappeler l’expédition romaine qu’il a commandée. (Vives rumeurs. — Réclamations nombreuses.)

M. de Rességuier. — Vous désarmez l’Assemblée une seconde fois.

M. de Dampierre. — Taisez-vous, vous nous tuez.

M. Tamisier. — Laissez-moi achever, vous ne me comprenez pas.

M. le président Benoist d’Azy. — S’il y a des divisions parmi nous, nous sommes perdus.

M. Tamisier. — Ce n’est pas une division ; mais quelle autorité aura-t-il sur le peuple ?

M. Berryer. — Mettez la proposition aux voix, M. le président.

M. Pascal Duprat. — Nous avons, parmi nos collègues, un homme qui, dans d’autres circonstances moins difficiles, il est vrai, a su résister aux pensées fâcheuses de Louis-Napoléon Bonaparte, c’est M. Tamisier. (Exclamations et rumeurs.)

M. Tamisier. — Mais je ne suis pas connu, que voulez-vous que je fasse ?

M. Piscatory. — En grâce, laissez voter. Qu’il soit bien entendu, ce dont je suis profondément convaincu, que M. Tamisier, quand il a contesté le nom du général Oudinot, ne voulait pas amener de division parmi nous.

M. Tamisier. — Non, je le jure ! Je n’adhérais pas, parce que je craignais que cette nomination ne produisît pas sur le peuple de Paris l’effet que vous en attendiez.

M. le général Oudinot. — Je suis prêt à me soumettre aux ordres quelconques qu’on me donnera pour le salut de mon pays ; ainsi j’accepterai tout commandement.

De toutes parts, — Aux voix, aux voix, la nomination du général Oudinot !

M. le président Benoist d’Azy. — Je consulte l’Assemblée.

L’Assemblée consultée, rend un décret qui nomme le général Oudinot commandant en chef des troupes.

M. le général Oudinot. — Un seul mot. M. le président, et mes collègues, je ne puis décliner aucun honneur. Ce serait une injure que je ferais à mes compagnons d’armes ; ils ont fait en Italie, ils feront partout leur devoir. Aujourd’hui, le nôtre est tracé ; il consiste à obéir aux ordres du président, parce que, ces ordres, il les puisera dans le droit de l’Assemblée nationale, dans la Constitution. (Très-bien !) Ordonnez donc ; le général Oudinot obéira : s’il avait besoin de popularité, il l’aurait puisée ici même. (Très-bien ! très-bien !).

M. de Saint-Germain. — Je demande que le décret qui nomme le général Oudinot soit rédigé immédiatement ; il faut que le général en ait un exemplaire.

Les Membres du bureau. — On le rédige.

(Pendant que Messieurs les membres du bureau rédigent le décret, M. le général Oudinot s’approche de M. Tamisier et échange avec lui quelques paroles.)

M. le général Oudinot. — Messieurs, je viens d’offrir à M. Tamisier de me servir de chef d’état-major. (Très-bien !) Il accepte. (Très-bien ! très-bien ! bravos enthousiastes.)

Je demande à M. le président de faire connaître immédiatement à la troupe de ligne l’honneur que vous venez de me confier. (Très-bien !)

M. Tamisier. — Messieurs, vous m’avez donné une tâche bien difficile que je n’ambitionnais pas ; mais avant de partir pour accomplir les ordres de l’Assemblée, permettez-moi de jurer que je pars pour défendre la République. (Voix diverses : Très-bien ! Vive la République ! vive la Constitution !)

                                           


[1] Il n’en fut pas de même le lendemain ; on le fit garder dans son domicile, rue du Bac, par de la cavalerie. Le bruit courut que c’était M. Dupin qui avait demandé cette garde, de peur d’être enlevé une seconde fois par les représentants (V. la Patrie du 4 décembre 1851).

[2] Le nombre des gardes nationaux qui se présenta peut être évalué à quarante ou cinquante.

[3] Un ouvrage publié à Bruxelles ; Mayer, Histoire de France contemporaine ; en dernier lieu, Eugène Ténot, ont donné ce compte-rendu.