HISTOIRE DES CRIMES DU 2 DÉCEMBRE

HISTOIRE DES CRIMES DU 2 DÉCEMBRE

 Victor Schoelcher

Bruxelles, chez les principaux libraires, édition considérablement augmentée, 1852

tome II

Chapitre IX : LA RÉSISTANCE A ÉTÉ FAITE PRINCIPALEMENT PAR LA BOURGEOISIE.

 

§ III Démagogues arrêtés tous les jours.

Depuis le 2 décembre, on n’a cessé d’arrêter, l’on arrête encore tous les jours des démagogues de cette espèce. Ainsi se sont vu jeter en prison, à Reims, M. Bressy, médecin ; à Epernay, M. Paris, avoué, et M. Tenlin, banquier riche de 25,000 francs de rente ; à Loursy, M. Rocheton, notaire et membre du conseil d’arrondissement ; à la Charité-sur-Loire, M Bitard, entrepreneur, riche de plus de 150.000 francs, et M. Massé, ancien notaire, grand propriétaire ; à Honfleur, M. Dreuil qui possède une fortune de 50.000 francs de rente ; à Saint-Wa (Nord), M. Desmoutiers, propriétaire et brasseur ; à Bracy (Nord), M. Bourse, ancien maire, propriétaire et cultivateur sucrier ; à Fresnet-sur-l’Escaut, M. Boyer, médecin ; à Avesnes, M. Guillemin, membre du barreau ; à Avallon, M. Odoul, ancien prix d’honneur de l’Université et traducteur d’Héloise et Abeilard ; à Bunus (Pyrénées-Orientales), M. Dindabaru, propriétaire et ancien membre du conseil général ; à Puy-Cousin, M. Chapeyron, propriétaire ; à Briare, M. Dupin, commandant de la garde nationale.

On écrit de Bordeaux : « M. Causit, médecin à Castillon, et son frère, médecin à Saint-Philippe, prévenus d’avoir fait partie d’une société secrète, viennent d’être l’objet d’un mandat d’arrêt. Le citoyen Audouard, maire de Requista, révoqué à la suite des événements de décembre, vient aussi d’être arrêté et écroué dans les prisons de Rodez. »

On lit dans l’Union malouine :

« MM. Geisbœrfer, brasseur et négociant en vins, Leroy, chapelier, viennent d’être arrêtés et écroués à la maison d’arrêt de Dinan. On les accuse, nous assure-t-on, d’être affiliés aux sociétés secrètes. »

Trois habitants de Saint-Omer viennent d’être arrêtés, en vertu d’ordres supérieurs, et conduits à la maison d’arrêt où ils sont au secret. Ce sont MM. Pierret, négociant, ancien membre de l’Assemblée constituante ; Duméril, fabricant de pipes, membre de la chambre de commerce ; et Gourdon, distillateur, juge au même tribunal.

Nous lisons dans le Journal de Lot-et-Garonne du 11 décembre : « Pau, 9 décembre. Le nombre des personnes arrêtées est de sept. Ce sont MM. Danton, homme de lettres ; Lamaignère, jeune, avocat ; Mainvielle, notaire ; Mainvielle, jeune ; Daugas, notaire ; Claverie, officier en non-activité ; Labarrère, aubergiste. »

Le même journal du 13 dit : « Déjà de nombreuses arrestations ont été opérées (à Auch). On cite notamment MM Arexi, journaliste ; Gastineau, rédacteur de l’Ami dut Peuple ; Cauteloup, avocat ; et Zeppenfelt, sculpteur. »

Le Courrier de la Drôme, du 17 ou 18 janvier, raconte qu’à la suite d’une expédition de gendarmes et de voltigeurs qui tirèrent quarante-cinq coups de fusil sur six patriotes fugitifs qui s’étaient réfugiés dans une montagne escarpée, près de Crest, on est parvenu à arrêter M. Jean Gouthier, adjoint au maire de la commune de Suze, et M. Claude Caban, fils du maire de Suze, le premier chef de l’insurrection, le second prévenu d’insurrection.

L’Impartial de la Meurthe, du 3 janvier, annonce, entre autres arrestations qui ont vu lieu à Chambrey, celle de M.Constant M…, conseiller municipal, pour avoir dit que le président de la république avait violé la Constitution.

M. Aubron, officier de santé, à Château-Renard, ex-maire de cette ville, a été arrêté le 20 janvier.

On écrit de Romans, le 1er février : « Dans la nuit du 24 au 25 janvier, la gendarmerie de Saint-Donat a arrêté, à Montrigaux, M. B…, maire de Chavannes. »

Une nouvelle arrestation politique vient d’avoir lieu le 2 février à Sorges. C’est celle de M. Grandchamp, propriétaire aux Réjoux, commune de Mayac.

Dans la matinée du 16 mars, trois nouvelles arrestations ont été opérées à Bagnères : celles de MM. Dubarry, avocat, ex-constituant ; Bruzaud, médecin ; et Desplats aîné.

On écrit de Reims : « Hier, 18 mars, ont été arrêtés M. Menneson, membre du conseil général, maire de Reims après février 1848 ; M. Maldan, médecin, aussi ancien membre de l’administration provisoire ; M. Bienfait, médecin ; M. Hanrot fils, médecin ; et M. Lejeune fils, ancien professeur au Lycée de Reims. » (Moniteur du 20 mars 1852).

« Quelques nouvelles arrestations viennent d’avoir lien à Paris, spécialement dans le faubourg Saint-Antoine, entre autres celle de M. Lebâtarg, ancien lieutenant-colonel de la 8e légion. » (Indépendance belge, avril 1852).

Quand sera assouvie cette soif de persécutions aussi stupides qu’odieuses ? Nul ne le sait. Toujours est-il, on le voit, que ces perturbateurs du repos public, ces brigands et ces complices de brigands qu’il faut tous les jours mettre sous les verrous pour maintenir l’ordre, avaient passé, jusqu’à cette heure, en raison de leur rôle dans la société, pour les plus intéressés au maintien de l’ordre.