La résistance républicaine en Aveyron

Annexe n° 30

Monseigneur Croizier donne sa vision des évènements de décembre

Mandement de l’évêque de Rodez donné le 24 janvier 1852 pour le Saint Temps de Carême de 1852

« Notre Saint et bien aimé Pontife Pie IX […] a saisi sa plume ardente et pleine de véhémence, puisque sa voix ne pouvait se faire entendre jusqu’aux bornes de l’univers […] et il nous a fait entendre ces paroles alarmantes ces paroles alarmantes, ce cri de détresse et d’effroi : « Nul d’entre vous n’ignore, vénérables Frères, les perfides artifices, les monstrueuses doctrines, les conspirations de toute espèce, que les ennemis de Dieu mettent en œuvre pour pervertir tous les esprits, corrompre les mœurs, faire disparaître, s’il était possible, la Religion de la face de la terre, briser tous les liens de la société civile et la détruire jusqu’à ses fondements ».  Vous lirez dans l’Encyclique même tout cet épanchement de douleur, dont je ne cites ici que le premier trait, et vous verrez si l’on pouvait mieux s’exprimer sur les dangers que nous courrions à la même heure  et en faire sentir l’actualité et la flagrante menace [1]. »

 

[…] « Nous voulons dire que nous avons aperçu en quelque sorte ces cavernes obscures, ces antres profonds où se cachaient depuis longtemps des hommes pervers, des conspirateurs qui juraient sur le fer de voler, au premier signal, à la destruction de la Religion, de l’Eglise, de la propriété, de la famille et d’une autorité quelconque, et de n’épargner, s’il le fallait ni son père, ni son frère, ni les flancs mêmes qui y mirent le jour, et l’on a vu ô forfait inouï ! qui ont tenu ces exécrables serments  [2]. »

 

« Vous le savez, les méchants ont été surpris et saisis à l’improviste, l’on a cru le moment venu, ils ont compris qu’ils ne pouvaient différer l’attaque, et qu’avons nous vu ? Les hommes s’armant pour aller renverser tous les pouvoir établis, que disons nous ? pour les égorger. Chez les populations autrefois si paisibles des campagnes, le soc innocent des hoyaux et des charrues se transforme en fer homicide, et l’incendie, et le meurtre, et la barbarie raffinée des cannibales, et le pillage organisé, et l’habit dénonçant, marquant les victimes, et le blasphème et la sacrilège haine des prêtres, et l’assouvissement effréné des passions les plus brutales, et pour tout dire d’un mot, l’enfer comme mis quelque moments sur la terre, pour nous faire détester les doctrines funestes des sophistes, ces exagérations d’un soi-disant patriotisme, qui n’est que le système agrandi des ravisseurs, des assassins et qui est à la lettre la fraternité de Caïn. Voilà ce que nous avons vu dans l’Hérault, l’Allier, la Nièvre, le Var, les Basses-Alpes et ce qu’on aurait vu sans doute dans toute la France, si l’on eût donné à la trame infernale le temps de s’ourdir et de s’achever. Voilà le dénouement affreux qu’on voulait donner à ce présage de 1852 dont on remplissait nos oreilles, et qui allait bientôt donner le glas et les funérailles du monde civilisé ! [3]. »

 

[…] « Il est vrai, le grand fléau du socialisme, qui est le pillage en grand et organisé, l’assassinat en théorie et réglementé, ce grand fléau, par la miséricorde divine, a reçu un coup de massue terrible et qui l’écrase ; mais sans doute aussi il respire dans plusieurs de ses repères ; c’est un serpent, c’est une hydre dont les tronçons chercheront à se réunir ; c’est un feu qui vit sous la cendre et qui pourrait se ranimer. Comment tant de mauvaises pensées, tant d’instincts pernicieux seront-ils tout-à-coup réprimés et confondus de manière à ne se faire jamais plus aucun jour ? Le gouvernement ne manifeste pour la paix et la stabilité les meilleures et les plus louables dispositions ; il veut diminuer le nombre et l’infection des cabarets et des cafés, qui se sont propagés partout comme les noviciats des sociétés secrètes, les péristyles de ces antres de crime et de mort ; la cessation des travaux publics, au saint jour de dimanche, sera aussi un grand exemple, et pourra amener une notable amélioration dans la pratique de ce grand commandement du Ciel ; c’est par la Religion, sa pratique, sa liberté d’agir, que l’on sent en ce moment, dans les régions les plus élevées comme dans les plus communes, que l’ordre peut se rétablir, que la société, tout ébranlée, peut s’asseoir [4]. »

 



[1] Arch. dép. Aveyron : PER 690 : L’Echo de l’Aveyron, n°503 de la 6e année, en date du samedi 2 février 1850.

[2] Ibid.

[3] Ibid..

[4] Ibid..