LE COUP D’ETAT DU 2 DECEMBRE 1851

LE COUP D’ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE 1851

PAR LES AUTEURS DU DICTIONNAIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 

[Joseph Décembre et Edmond Allonier]

3e ÉDITION PARIS 1868

DÉCEMBRE-ALONNIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

XV

LES BOULEVARDS

 

De tous les événements de la journée du 4 décembre, aucun n’a laissé une impression plus sinistre ni plus profonde que celui dont les boulevards furent témoins, vers trois heures de l’après-midi, depuis la hauteur de la rue de la Chaussée-d’Antin jusqu’au boulevard Poissonnière.

Les journaux et les écrivains du temps ont cru devoir jeter un voile sur ces faits épouvantables, qui ajoutent aux horreurs de la guerre civile des traits jusqu’alors inconnus. L’historien qui essaye de soulever ce voile, se trouve en présence de récits contradictoires ; mais aujourd’hui que la passion se tait et que de grandes douleurs commencent à se cicatriser, on peut enfin essayer de démêler la vérité, au milieu des exagérations produites par les parties hostiles, et malgré le silence qu’on a fait, pendant de longues années, sur cette sanglante catastrophe.

Pendant le défilé des brigades Bourgon et Cotte, les curieux n’avaient point cessé, comme nous l’avons déjà dit, de se tenir sur les trottoirs et dans les rues adjacentes ; d’autres encombraient les fenêtres et les balcons. Sans doute, de formidables cris assourdissaient la troupe ; jusqu’à la hauteur du Gymnase, aucun acte hostile, point de traces de barricades. Les rires moqueurs de la multitude, les lazzis adressés aux soldats, et auxquels ils n’avaient répondu que par des regards irrités, peuvent expliquer la colère qui s’empara tout à coup de cette troupe. A l’angle du faubourg Montmartre, une fausse manoeuvre des conducteurs d’artillerie avait fait briser un avant-train. Une explosion de rire avait accueilli cette maladresse.

« Vous voyez bien qu’ils sont soûls ! s’écria un ouvrier. »

Sans aller jusqu’à admettre cette appréciation, on peut dire que la troupe, qui s’attendait à rencontrer la plus terrible résistance, avait perdu tout sang-froid ; les soldats croyaient voir autant d’ennemis prêts à faire feu dans ces hommes et ces femmes inoffensifs, qui ne savaient combattre qu’avec cette arme éminemment française et surtout parisienne, l’ironie !

Il suffisait d’une étincelle pour faire de cette crainte une idée fixe, et pour amener ces hommes à des actes que le courage réfléchi ne leur eût peut-être pas inspiré, en présence d’une résistance réelle.

Les premiers coups de feu que la tête de colonne essuya, en face de la barricade du théâtre du Gymnase, firent croire au reste de la troupe, qui se prolongeait en une seule colonne jusqu’au boulevard de la Madeleine, que les visages qui s’offraient à eux étaient ceux de leurs ennemis, et qu’un signal venait d’être donné pour les foudroyer entre les lignes des maisons. Une sorte de panique s’empara aussitôt de cette troupe, qui cribla immédiatement les fenêtres de balles, sur toute l’étendue des boulevards.

Les rassemblements se dispersent en un clin-d’oeil, sous une pluie de balles ; pendant plus d’un quart d’heure, les feux de peloton se succèdent sans interruption, tordant sous un ouragan de feu et de plomb les fenêtres, les enseignes et les devantures de boutiques.

« Les soldats du général de Cotte, dit M. Mauduit, électrisés par la fusillade qui les entoure, ouvrent aussi le feu, mais à l’aventure, et le continuent pendant huit ou dix minutes, malgré les efforts du général et de ses aides de camp pour arrêter une consommation aussi inutile de munitions, et qui ne pouvait faire que des victimes innocentes. »

Il est établi, en effet, que plusieurs officiers firent des efforts inouïs pour arrêter cette boucherie insensée. Dans la rue de la Chaussée-d’Antin, un rentier, qui s’était éloigné d’un rassemblement et qui avait cherché un abri dans l’enfoncement d’une porte cochère, tomba percé de dix-huit balles. Les blessés essayaient de se relever, pour retomber à quelques pas de là, sous une grêle de balles. Un grand nombre de personnes paisibles furent frappées dans leurs appartements par des balles qui ricochaient. Les cadavres jonchaient la chaussée des boulevards, depuis l’établissement de Tortoni jusqu’à la porte Saint-Denis.

Bien que les boulevards eussent été ainsi balayés, des coups de feu isolés continuaient encore à retentir après l’événement. Le calme ne se rétablit que lorsque l’infanterie se fut engagée dans les rues barricadées, et qu’elle fut remplacée sur les boulevards par les lanciers du général Reybell et la gendarmerie mobile.

Ici encore, laissons parler M. Mauduit :

« Vous ne pouvez traverser le boulevard, lui disait, plusieurs heures après, un ancien officier, son camarade de régiment, sans vous exposer à des coups de pistolet ou de lance de la part des vedettes, placées à chaque angle des rues ; les boulevards sont jonchés de cadavres. »

Un autre lui disait de même à voix basse :

« N’allez pas sur les boulevards, on tire sur tout ce qui traverse. »

Disons un mot de ce qui se passa devant la maison de MM. Sallandrouze et Billecocq, marchand de châles, boulevard Poissonnière, ainsi que dans la boutique d’un libraire, M. Lefilleul. Ce n’était pas assez de la fusillade, on dirigea même le feu de l’artillerie sur la maison de M. Sallandrouze ; la façade fut criblée de balles et trouée par les boulets. On a prétendu qu’un coup de feu aurait été tiré par un commis de l’hôtel Lannes. Mais ce fait fut formellement démenti, même par des personnes qu’on savait n’être point hostiles au coup d’Etat.

La Patrie et le Constitutionnel donnèrent le récit suivant :

« Sur les boulevards Montmartre et Bonne-Nouvelle, des coups de feu ont été également tirés sur les soldats du 72e de ligne, de plusieurs maisons, et en particulier d’une maison faisant face au Cercle de l’Union, et du Cercle des Étrangers, de la maison Tolbeque, de l’hôtel Lannes, où sont les magasins de tapis de M. Sallandrouze, et de deux autres maisons voisines.

Le colonel et le lieutenant-colonel de ce régiment ont été dangereusement blessés, et un capitaine-adjudant a été tué ; quelques soldats ont été blessés.

Un feu de tirailleurs, appuyé d’un obusier, a été instantanément dirigé contre les maisons d’où était parti le feu. Les fenêtres, les façades ont été en partie détruites[1]. Puis des détachements sont entrés dans l’intérieur, et ont passé par les armes tous les individus qui s’y trouvaient cachés. Six individus en blouses, qu’on a découverts derrière des tapis qu’ils avaient amoncelés pour éviter les balles de la troupe et tirer sur elle sans danger, ont été fusillés sur l’escalier de l’hôtel Lannes, aujourd’hui dépôt des tapis de la fabrique Sallandrouze.

Plusieurs scènes de même nature se sont passées aux environs du théâtre des Variétés, et la troupe a fait justice de ses assassins. »

L’attaque dont le libraire, M. Lefilleul, fut victime, se trouve ainsi racontée dans le Moniteur :

« Un libraire, M. Lefilleul, établi depuis plusieurs années sur le boulevard Poissonnière, était occupé à fermer son magasin peu avant le drame du 4 décembre, quand un coup de pistolet tiré par un commis du voisinage sur un clairon de la ligne vint dissiper la foule qui se pressait à ses côtés et laissa passage libre à l’insurgé pour entrer dans la boutique. Celui-ci était suivi de près par le clairon, qui parvint à l’étendre mort derrière un comptoir, mais qui tomba lui-même sur le cadavre. D’autres soldats, venus au secours du clairon, blessent au bas-ventre le malheureux libraire, qui n’a rien vu et qu’on prend pour un adversaire. Une lutte terrible s’engage entre M. Lefilleul et un capitaine. Le premier est deux fois encore blessé à la cuisse et au bras, mais le second tombe mort sous les coups des soldats qui cherchent à le défendre.

M. Lefilleul, qui, malgré ses blessures, conserve encore ses forces et son sang-froid, profite de ce terrible moment pour se dégager, et sort du magasin en y laissant trois cadavres. On espère sauver la vie de M. Lefilleul, honnête commerçant, tout à fait étranger aux passions politiques. »

Pour compléter cet horrible tableau, nous empruntons encore à M. Mauduit une description de l’aspect qu’offraient les boulevards le lendemain matin.

« A l’entrée du faubourg Poissonnière, le boulevard offrait l’image du plus affreux désordre : toutes les maisons étaient criblées de balles, tous les carreaux brisés, toutes les colonnes vespasiennes démolies et leurs débris de briques répandus çà et là sur la chaussée ; des avant-trains d’artillerie brisés brûlaient encore à un feu de bivac qui, en ce moment, achevait de dévorer une roue.

Me voici sur le boulevard, que je remonte dans la direction de la Madeleine ; presque toutes les maisons du boulevard Bonne-Nouvelle, et particulièrement celles des angles des rues Poissonnière et Mazagran, sont criblées de balles[2], et peu de carreaux ont échappé à l’ouragan. Sur le boulevard Poissonnière, l’on voit encore sur les marches du grand dépôt d’Aubusson, une mare de sang que l’on eût dû faire disparaître en enlevant les vingt-cinq ou trente cadavres que l’on y avait rangés et laissés exposés, pendant vingt-quatre heures, aux regards d’un public consterné. Un coup de fusil, parti de ce vaste établissement, sur la tête de la colonne du général Canrobert, a causé ces malheurs. Des maçons sont occupés à réparer les brèches faites à la façade de ce bel hôtel par la mitraille et les boulets[3]. »

On chercherait vainement dans le rapport officiel du général Magnan quelques renseignements sur l’incident des boulevards; il est, en effet, d’un laconisme, qui ne laisse pas d’impressionner désagréablement.

« Les rassemblements, dit-il, qui ont voulu essayer de se reformer sur les boulevards, ont été chargés par la cavalerie du général Reybell, qui a essuyé, à la hauteur de la rue Montmartre, une assez vive fusillade. »

Le récit de M. Granier de Cassagnac, bien qu’il énonce des faits controuvés, contient du moins une appréciation dont nous apprécions la franchise :

« Un incident remarquable avait signalé le passage de ces troupes sur le boulevard intérieur. Au moment où la brigade Reybell venait d’atteindre, sans coup férir, le boulevard Montmartre, des coups de fusil, tirés par des mains gantées partirent de diverses maisons. Elle s’arrêta un instant, et, aidée des tirailleurs d’infanterie de la brigade Canrobert qui firent un feu terrible sur les fenêtres, elle ouvrit les portes des maisons ennemies à coups de canon. La leçon fut courte, mais sévère ; et, dès ce moment, le boulevard élégant se le tint pour dit[4]. »

Nous avons précédemment rendu hommage à l’impartialité de M. Mauduit. Aussi nous lui emprunterons sur la scène des boulevards un récit dont les erreurs certainement involontaires se réfutent d’elles-mêmes, et qui établit une fois de plus le sentiment sous l’impression duquel l’armée a agi dans cette circonstance.

« … Je repris à la porte Saint-Martin, la ligne des boulevards que je suivis cette fois jusqu’à la Madeleine. La population habituelle de ce séjour de la flânerie conservera longtemps le souvenir des charges du 1er de lanciers, et saura que s’il y a du courage à se battre sur une barricade, l’on ne tire pas toujours impunément du fond d’un salon brillant, et même masqué par la poitrine d’une jolie femme, contre une troupe armée uniquement de lances et de pistolets. Plus d’un brave de cette espèce ont payé cher leurs injures et leurs fusillades à la Jarnac ; … plus d’une amazone du boulevard a payé cher également son imprudente complicité à ce nouveau genre de barricades… Puissent-elles en profiter pour l’avenir !…

A la hauteur de la rue Taitbout, il (M. de Rochefort, colonel du 1er  de lanciers) aperçut un rassemblement considérable tant à l’entrée de la rue que sur l’asphalte près Tortoni ; ces hommes étaient tous bien vêtus. Plusieurs étaient armés. A sa vue retentit le cri de guerre adopté depuis deux jours : Vive la République ! vive la Constitution ! à bas le dictateur ! A ce dernier cri, aussi rapide que l’éclair, d’un seul bond, le colonel de Rochefort franchit les chaises et l’asphalte, tombe au milieu du groupe et fait aussitôt le vide autour de lui. Les lanciers se précipitent à sa suite ; un de ses adjudants abat, à coups de sabre, deux individus… En un clin-d’oeil le rassemblement fut dispersé. Tous s’enfuirent précipitamment en laissant bon nombre d’entre eux sur la place. Le colonel continua sa marche en dispersant tout ce qu’il rencontrait devant lui, et une trentaine de cadavres restèrent sur le carreau, presque tous couverts d’habits fins[5]. »

Nous ne mentionnerons que pour mémoire les récits évidemment mensongers du Constitutionnel et de la Patrie : les lanciers blessés par les coups de feu partis des fenêtres, la saisie de fusils dont la culasse était encore chaude, etc., etc. ; des démentis qui furent bientôt infligés à ces journaux furent la punition la mieux méritée.

La scène des boulevards faillit avoir son pendant sur les quais, du pont Notre-Dame au Châtelet ; les mêmes causes amenèrent les mêmes résultats. Laissons encore la parole à M. Mauduit :

« La gauche de la colonne du général Marulaz touchait encore au pont d’Arcole, lorsque partirent des croisées du quai Lepelletier plusieurs coups maladroits contre le 44e et la ligne de tirailleurs que le commandant Larochette avait placés en avant de l’hôtel de ville pour en protéger les abords[6].

Toute la place, ainsi que les quais Lepelletier et de Gèvre, jusqu’au Châtelet, furent à l’instant en feu ; et de l’extrémité du pont Louis-Philippe, je crus, pendant plus d’un quart d’heure, je crus, en vérité, assister à un combat des plus sérieux. Plus de vingt mille cartouches furent brûlées, des milliers de carreaux brisés, mais seulement quelques hommes tués ou blessés dans les deux camps ; les socialistes n’ayant exécuté leur attaque qu’avec des forces disséminées dans les maisons, et trop insuffisantes pour tenter un hourra sur l’hôtel de ville[7]. »

Nous ajouterons enfin, d’après des renseignements personnels, qu’un régiment de la brigade Marulaz accabla de décharges une maison du faubourg Saint-Antoine, n° 36, entièrement occupée par un marchand de meubles, renfermé là avec sa femme et ses enfants.

Aucune provocation ne pouvait être alléguée ; mais les soldats disaient hautement qu’ils se souvenaient d’avoir essuyé, en juin 1848, une vive fusillade des fenêtres de cette maison : les fenêtres furent emportées et les meubles saccagés.

Les journaux du temps ont peu insisté sur les fusillades isolées qui suivirent l’assaut des barricades. Quelques-uns enregistraient cependant ces exécutions sommaires comme une chose très-simple et facile à justifier. Ainsi M. Mauduit dit :

« Il n’y eut rien de sérieux dans la cité ; tout s’y borna à un émeutier tué et à trois individus arrêtés, porteurs d’armes, de munitions, de proclamations ou de fausses nouvelles, et qui furent passés par les armes et lancés dans la rivière.

Un individu porteur d’armes sous sa blouse ayant été arrêté au moment où il voulait forcer la consigne, fut fusillé à l’entrée du Pont-Neuf, et son corps jeté dans la Seine, etc. Il a survécu à sa blessure et a osé protester de son innocence en disant que sa carabine était hors de service, tandis qu’elle était chargée. »

Le Moniteur parisien raconte les applications suivantes de l’arrêté du ministre de la guerre :

« Un ancien gardien de Paris, reconnu comme ayant fait partie de la bande des montagnards de Sobrier et de Caussidière (en 1848), passait aujourd’hui, vers deux heures après-midi sur le pont Saint-Michel, et menaçait les gardes républicains qui étaient en sentinelle. Arrêté et conduit à la Préfecture de police, on a trouvé sur lui des munitions de guerre et deux poignards. Comme il opposait une vive résistance aux gardes qui le conduisaient, persistant dans ses menaces et proférant des cris de mort contre les agents de l’autorité, le chef du poste l’a fait fusiller par deux de ses soldats de la rue de Jérusalem.

Il avait une blessure au bras droit, et ses mains étaient toutes noircies par la poudre des barricades[8]. »

« Une femme du peuple portant vingt-cinq poignards a été arrêtée, ce soir, et fusillée par les soldats du 36° de ligne… »

Nous ne nous sentons pas le courage de continuer cette lugubre nomenclature ; non pas que des faits semblables manquent ; ouvrez Mayer, Belouino, Gravier de Cassagnac, Mauduit, Ténot même qui, quoique arrivant un des derniers, à pu recueillir quelques faits particuliers, n’en est pas moins précieux à consulter ; lisez les journaux du temps et vous y verrez à chaque instant la mise à exécution du funèbre arrêté du ministre de la guerre.

On ne saurait préciser exactement les chiffres des pertes du peuple et de l’armée dans les fatales journées du 2, 3 et 4 décembre 1851.

Le rapport de la Préfecture de police établi par M. Trébuchet contient 150 noms de personnes connues[9]. Le Moniteur évalue les pertes des républicains à 380 morts, non compris les blessés, dont il serait impossible de fixer le nombre. Des monceaux de cadavres avaient été entassés devant les barreaux de la cité Bergère, au faubourg Montmartre. Il y avait là plusieurs femmes. Les parents des victimes venaient y reconnaître les leurs. Des cadavres dont nous ignorons le nombre furent transférés au cimetière du Nord ; on plaça les corps debout dans une fosse, la tête hors de terre, afin que les familles pussent faire la reconnaissance !

La perte de l’armée s’éleva, d’après le calcul officiel, à 27 morts, dont 1 officier, et 181 blessés, dont 17 officiers.

La journée du 5 décembre fut assez tranquille ; la population atterrée par l’immense désastre des boulevards fit à peine quelques tentatives sans importance. Quelques barricades, mal construites et plus mal défendues encore furent élevées à la Croix-Rouge, à la barrière Rochechouart et sur quelques points écartés des faubourgs.

Nous nous arrêtons ici.

Mais notre tâche n’est pas terminée, car nous n’avons fait que la première partie du travail que nous nous sommes imposés.

Pour éclairer complètement nos lecteurs sur le coup d’État de décembre 1851, nous préparons l’Histoire des conseils de guerre et des commissions militaires de 1852, qui sera le complément indispensable du présent ouvrage.

                                            



[1] Il a fallu un véritable miracle d’équilibre pour que la façade de la maison Sallandrouze ne s’écroulât pas, les pièces avaient été pointées sur les entrecroisées de l’entresol, un seul pilier avait échappé aux boulets ; le lendemain matin, des maçons arrivèrent pour étayer l’entresol qui menaçait ruine.

[2] Les balles des soldats allèrent frapper les personnes les plus inoffensives. Au moment où la fusillade s’ouvrait, une dame passe dans une chambre de devant pour aller prendre son mouchoir, oublié sur un meuble ; une balle perdue l’atteint, elle tombe morte.

[3] M. Mauduit, Révolution milit. (du 2 Décembre.

[4] ) Granier de Cassagnac, Hist. de la présid., etc., pp. 428 et 429

[5] Voici le récit qui nous a été fait à l’époque par des gens habitant la maison qui formait le coin de la rue Planche-Mibray et du quai Lepelletier ; cette maison se trouvait à droite, en venant du pont Notre-Dame ; des gardes républicains avaient été placés dans cette maison. Ces hommes avaient bu, et, à un moment, tirèrent par les fenêtres ; sur qui ? pour quoi ? C’est ce que nous ignorons. Aussitôt une panique s’empare de la troupe, et un feu roulant s’ouvre. Le fils d’une blanchisseuse, nommé Henri, âgé de vingt ans, et qui habitait la maison que nous venons de citer, se trouvait en ce moment sur le quai. Il veut se réfugier chez sa mère ; il sonne, mais le portier, effrayé, refuse d’ouvrir, et l’infortuné est tué en se cramponnant à la grille de sa porte. Le nom de ce jeune homme ne se trouve pas dans la liste de M. Tribuche.

[6] Mauduit, Révolution milit., p. 217 et suiv.

[7] Mauduit, Révolution milit., p. 212.

[8] Le hasard nous amena, quelques instants après la mort de ce malheureux, rue de Jérusalem, et voici ce qui nous fut raconté : cet homme, en arrivant, eut le malheur de répondre aux soldats d’une façon assez vive ; ses mains étaient, en effet, noircies, mais il était assez difficile de savoir si la teinte qu’elles axaient provenait du contact de la poudre. Plusieurs gardes le forcèrent de se mettre à genoux dans l’embrasure d’une porte qui se trouvait à droite , ce fut là qu’il fut fusillé, il était environ midi. Un instant après un second prisonnier fut amené à la préfecture de police par des soldats de la ligne, les gardes républicains parlaient de le mettre à mort, mais l’attitude énergique du caporal de l’escorte sauva la vie de cet homme.

[9] Voir la liste dressée par M. Trébuchet à la fin de ce livre.